Smaël – interview
Comment avez-vous débuté le graffiti ?
Tout petit, je voulais déjà m’exprimer à travers l’art. Je ne savais pas exactement comment, mais quand j’ai vu les premiers graffitis sur les murs de Rio, en 1998, il m’est apparu évident que ce serait ma voie. J’ai commencé le dessin, en autodidacte. Au bout d’un an à travailler et chercher mon style j’ai débuté dans la rue. J’ai voulu faire quelque chose de différent, comme les grapheurs signaient à l’américaine, j’ai commencé par écrire mon nom en japonais – assez loin de ce que j’ai fait après ! Ensuite je n’ai plus pu m’arrêter.
Vous avez œuvré à la reconnaissance officielle du graffiti à Rio, dont vous êtes devenu l’un des porte-paroles…
Au début, bien sûr, la police n’aimait pas ça. Nous n’étions pas nombreux, nous nous sommes associés, nous avons créé ensemble. Au bout de cinq ans, je me suis aussi mis à enseigner le graffiti à d’autres. Maintenant, bien sûr, le Brésil est devenu l’une des grandes capitales du graffiti, mais c’était différent alors. Je suis heureux d’avoir vécu cette époque…
En 2003 vous avez exposé pour la première fois dans une galerie à Rio. Comment s’est opérée la transition ?
C’est la galerie qui m’a contacté. Ca n’avait d’ailleurs rien d’évident, au début. C’était le début de la présence du graffiti en galerie et il y avait certaines réticences. Mais j’ai commencé à travailler d’autres supports, et j’ai pu développer mon style. Dans la rue, je travaille seulement à la bombe. Sur toile, j’utilise toutes sortes de techniques : le posca, l’acrylique, les crayons, la bombe, les pastels, chaque fois pour trouver le langage le mieux adapté… J’ai l’impression que mon style, avec la place qu’y occupe la couleur, est apparu un peu comme par magie. Un beau jour, il était là… Là, j’ai commencé à développer des personnages, des plantes, des animaux.
Vous flirtez avec une forme d’abstraction…
Oui, mais il y a toujours un personnage, mais c’est ma façon d’exprimer ce que j’imagine. En ce moment, j’essaye d’apprendre la sculpture. C’est une façon de prolonger ma peinture, et cela aidera peut-être les gens à mieux la comprendre. Puisque pour moi, ce sont déjà des personnages en trois dimensions – dans ma tête…
Tous les thèmes que j’explore font partie de ma vie, comme le vélo, que je pratique beaucoup, et sur lequel j’ai fait une série. Le cirque, le sujet de mon exposition actuelle, fait partie de mon enfance. Petit garçon, je suis allé habiter dans le Nordeste, dans la campagne. Il y avait là-bas un cirque où j’allais sans arrêt. Mon enfance, j’y puise sans cesse, c’est l’un des matériaux auxquels je reviens. Et bien sûr, le cirque est un thème culturellement très riche : on pense tout de suite à Fellini, Calder, Picasso…
Vous continuez à créer dans la rue. Comment les deux pratiques se nourrissent-elles l’une l’autre ?
La rue reste un laboratoire, le lieu où j’expérimente. J’y trouve ce contact avec les gens dont j’ai besoin pour être inspiré. Mais à vrai dire, la nature m’inspire plus que l’architecture. J’aime faire du vélo dans les montagnes. Mon énergie me vient de la nature. Ce que je peins, c’est toujours la joie de vivre !
Propos recueillis par Sophie Pujas
Le Voyage imaginaire du cirque fantastique
A la galerie Brugier-Rigail, 40 rue Volta, 75003 Paris
Jusqu’au 21 septembre 2013
[Visuels : portrait de l’artiste // oequilibrista, 160x 100 cm – Courtesy Galerie Brugier Rigail]
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