Roei Amit : “Le numérique ajoute le pixel aux palettes des pigments des artistes”
Qu’est-ce que l’art immersif ? Nous accueillons Roei Amit, directeur du Grand Palais Immersif, pour un échange sur l’art numérique. En abordant sa passion pour la création et l’innovation, Roei Amit nous dévoile l’un des enjeux d’aujourd’hui …
Vous avez fait des études de droit, de philosophie, vous avez également travaillé à l’Ina, au MK2 avant d’arriver à la direction du Grand Palais Immersif. Éclectique, votre parcours est résolument tourné vers le numérique. Pourriez-vous nous en parler un peu plus ?
Je pense que c’est un parcours qui est tourné vers l’innovation de la culture où le numérique a été un vecteur très important de ces derniers temps. J’ai toujours été motivé par la chose culturelle dans son contexte social et je suis très curieux. Lorsqu’on mélange cette curiosité et cet intérêt, cela donne le numérique comme lien et vecteur pour s’y retrouver. Le numérique devient le fil rouge entre la culture, l’innovation et les pratiques sociétales.
En tant que directeur du Grand Palais Immersif, quelle est votre ambition ?
Notre ambition est de produire des expositions qui sont des propositions faites au public, des nouveaux formats d’expositions qui articulent des outils du numérique pour une expérience propre au visiteur. Nous avons pour motivation de créer un lien de rencontre entre le public et l’art. Notre mission est de produire, de partager avec un public et de diffuser, au sein du Grand Palais Immersif, et dans d’autres lieux, également.
On entend de plus en plus parler d’«art immersif», terme devenu galvaudé. Qu’est-ce que pour vous un musée immersif ?
En effet, je serais complètement d’accord sur le fait que le terme immersif est devenu galvaudé et qu’il mérite d’être plus précis. En tout cas, ce qu’on entend par «immersif», c’est l’usage d’une expérience multiple qui fait appel aux différents sens de manière très importante.
Nous essayons de faire une immersion porteuse de sens parce que nous voulons créer des moments qui font appel aux sensations. Nous essayons d’articuler cette immersion porteuse d’émotion avec des éléments porteurs de sens où l’on raconte des choses, où l’on partage des histoires. Nous essayons de trouver notre propre place dans les pléthores d’offres qui existent.
Comment le numérique crée-t-il un nouveau lien entre le visiteur et l’art ?
Le public est très important. Je fais ça par passion, pour le partage entre le public et le numérique. Un aspect majeur de la révolution numérique, au-delà de l’évolution technique, c’est de mettre les Users eXperiences [qualité d’une expérience vécue par le public] au centre de l’exposition. Grâce aux outils numériques que nous nous approprions, nous pouvons raconter des histoires et partager notre expérience avec le public. Le numérique permet une panoplie d’outils et de manières de faire.
Bien évidemment, le numérique joue un rôle considérable au moment de la création jusqu’à la diffusion. Le numérique ajoute le pixel aux palettes des pigments des artistes. Les artistes ont toujours eu les pigments mais, aujourd’hui, ils ont une palette d’outils créatifs qui continuent de s’enrichir. Ces nouveaux outils et ces nouvelles manières de faire créent une rencontre entre le public et l’art.
Une nouvelle exposition va débuter en mars, Éternel Mucha. Pourriez-vous nous parler de cette exposition ?
Avec cette exposition qui s’ouvre en mars, on a voulu présenter un artiste majeur du début de XXe siècle et montrer la manière dont il a été l’inventeur de l’art nouveau. Sa création a une permanence, une actualité très forte. Il a inventé le langage des affiches publicitaires. Une partie importante de l’exposition montre comment son héritage influence des domaines très différents de créations, des mangas japonais jusqu’aux tatouages, des affiches publicitaires, aux designs des produits jusqu’à la série Arcanes de Netflix.
C’était aussi un artiste slave qui a été marqué par la division de l’Europe. Cet aspect prend un sens particulier avec le contexte actuel de la guerre ukrainienne. Le numérique nous permet de voir ces créations de manière très grande et poétique. Le numérique nous permet de renouveler la découverte de son œuvre. Et, de voir des choses qu’on ne peut pas voir ailleurs comme une œuvre monumentale.
Il y a des artistes dont on croit savoir presque tout. Comment le numérique peut nous révéler, nous dévoiler encore sur l’art ?
Je pense qu’on croit savoir. Par exemple, Mucha a un trait, une ligne très visible, reconnaissable. Eternel Mucha montre l’héritage de l’artiste au travers de la culture hippie, du street art ou encore de la série Arcanes sur Netflix. Certaines personnes reconnaissent les formes sans savoir d’où elles tirent leur origine. Notre rôle est d’ajouter une couche de connaissance à la reconnaissance.
La particularité de cette exposition est qu’elle va toucher l’odorat du visiteur. Lorsqu’on fabrique des expositions aussi immersives et multisensorielles, comment faire pour que la rencontre artistique prime sur l’expérience des sens ?
Il y a une cohérence à tout ça. Dans l’exposition, c’est un vrai travail olfactif autour de plusieurs thématiques de l’histoire de Mucha. Par exemple, on aura la fragrance dans l’exposition d’une église morave qui a exercé une influence majeure sur Mucha. Une autre fragrance évoque son travail avec Sarah Bernhardt qui était une de ses muses importantes. Ce travail est un vrai travail en cohérence avec le parcours du visiteur et de mise en contexte dans l’exposition.
Propos recueillis par Fanny Pous
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