REVER : “J’aime ce mot car par les temps qui courent, les gens ont besoin de rêve”
À 35 ans, REVER est un graffeur dont les créations murales revisitent à l’infini par des couleurs et surtout des typographies différentes, le terme même de “rêver”. Ce rêveur compulsif nous démontre combien les rêves peuvent être aussi beaux les uns que les autres, aussi divers soient-ils.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Au début des années 2000, j’ai commencé à pratiquer le graffiti dans la rue, accompagné de mes amis Hash et Jeeraf. À ce moment-là, nous réalisions essentiellement des tags (signatures) et des flops (type de graffitis dans lesquels le lettrage apparaît en forme de bulles). Mon style a commencé à se développer lorsque deux graffeurs, Astro et Esty, m’ont emmené peindre dans des terrains vagues. Nous disposions alors de davantage de temps et de couleurs, et surtout nous ressentions beaucoup moins de pression vis-à-vis d’éventuelles répressions (Rires). J’ai alors pu travailler mes fresques de manière très détaillée et soignée. Pour être honnête, je n’ai jamais bien maîtrisé ce qu’on appelle le “graffiti classique”. En dépit de toutes mes tentatives, je n’y trouvais pas de plaisir. Ainsi, lorsque j’ai découvert la typographie et ses infinies possibilités, j’ai immédiatement été mordu. Mes sources d’inspiration étaient et sont toujours illimitées : elles peuvent venir d’une typographie sur un pot de yaourt, comme d’un papier bulle.
Travaillez-vous à la bombe ou via d’autres techniques ? Et avez-vous un processus particulier ?
Je travaille essentiellement au spray, les bombes de peinture restent mes premières amours. Toutefois, j’utilise également des rouleaux et un pulvérisateur de jardinage dans lequel je mélange de l’eau à la peinture. Mon véritable plaisir est de peindre en tracé direct sans possibilité d’effacer : j’aime relever ce challenge à chaque fois.
Préférez-vous la ligne à la couleur ou l’inverse ?
C’est une très bonne question, j’apprécie tout particulièrement les lignes dont je maîtrise le tracé à main levée. Qu’elles soient parallèles, perpendiculaires, symétriques… Quant aux couleurs, s’il est vrai que je peux m’en passer et peindre en aplats de noir, cela ne dure jamais très longtemps. Je reviens toujours à la couleur ! M’extasier devant un beau dégradé m’arrive très souvent.
De toutes vos créations, lesquelles préférez-vous et pour quelles raisons ?
Graphiquement parlant, mes dernières peintures me plaisent énormément car j’ai réussi à y intégrer des textures telles que le papier froissé et le papier bulle. Mais évidemment ou paradoxalement, mes peintures préférées sont sans nul doute les moins bonnes, celles réalisées en fin de soirée lorsque le sommeil et le rêve guettent.
Réfléchissez-vous beaucoup en amont à vos peintures et aux spots ?
Peu de gens le savent mais je ne dessine presque jamais sur papier, encore moins sur ordinateur. Je déteste ces façons de travailler. Alors je pense, je réfléchis, je rêve beaucoup. A contrario lorsque je pars en “urbex”, c’est-à-dire que je pars en exploration urbaine dans des lieux construits et abandonnés par l’homme, je m’adapte. En effet, selon le mur que je trouve et le matériel à ma disposition, j’improvise entièrement.
Comment choisissez-vous justement vos spots ?
Je passe beaucoup de temps dans les friches ou les maisons abandonnées, à la recherche de murs vierges de préférence. En effet, ces surfaces me permettent de faire évoluer mes peintures.
Vous travaillez beaucoup en collaboration. Pouvez-vous nous parler de votre crew ODV ?
Figurez-vous que le travail en collaboration n’est pas ce que je préfère. Selon moi, le graff n’est pas un sport collectif… Mais mon crew ODV, fondé par Pyor et Goujat en 1999, est comme ma deuxième famille ; on est toujours ensemble et donc souvent amenés à travailler en collaboration. Au fil des années, ce crew est devenu très important pour moi. C’est une belle bande d’amis sur lesquels je peux compter. Bien entendu, comme dans toute famille, nous traversons des hauts et des bas mais nous sommes toujours là les uns pour les autres !
Pour quelles raisons avez-vous choisi votre nom d’artiste REVER et pourquoi le retrouvons-nous dans toutes vos peintures ? Avez-vous un message à faire passer ?
REV, à la base, est mon blaze (nom de graffeur). Je l’ai choisi parce que j’adore les grasses matinées et que je rêve énormément. Mais j’étais jeune quand je l’ai trouvé. Je n’avais pas encore le recul (ou l’intelligence) de penser aux sens et à la force des mots, ni même aux messages qu’ils véhiculent. J’ai ensuite commencé à écrire REVER car il s’agissait d’un palindrome et j’aimais travailler sur la symétrie. Aujourd’hui, pour en revenir au sens, j’aime de plus en plus écrire ce mot car par les temps qui courent, les gens ont besoin de rêve. Rêver est un luxe que tout le monde ne peut pas forcément s’octroyer…
Où pouvons-nous retrouver vos créations ?
En plus de rêver, j’adore voyager. Je suis très souvent invité, dans le cadre de festivals notamment, en Amérique du Sud, en Amérique centrale, au Japon, aux États-Unis, partout en Europe, et bien entendu dans plusieurs villes en France.
Quels sont vos futurs projets ?
Ils existent toujours ! Quoiqu’un peu chamboulés par le COVID-19. Je me rendrai prochainement au Festival Colors à Strasbourg. Par ailleurs, durant le confinement, j’ai commencé à réaliser des toiles pour préparer une exposition…
Retrouvez le travail de REVER sur son compte Instagram @rever_odv.
Propos recueillis par Annabelle Reichenbach
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