Rencontre avec WU BoQi, peintre chinois spécialisé dans l’aquarelle
Partons à la rencontre de Monsieur Wu BoQi, peintre chinois spécialisé dans la technique de l’aquarelle.
Pouvez-vous vous présenter, quel est votre lien avec l’art ?
Je me souviens que lorsque j’étais enfant, j’aimais dessiner partout, souvent en esquissant des images de bandes dessinées dans mon cahier, et j’aimais jouer avec la pâte à modeler. En deuxième année d’école primaire, j’ai participé à un cours de peinture près de chez moi. Les enseignants étaient un jeune couple, les deux avaient les cheveux longs, mais leurs visages sont flous pour moi désormais. En revanche, je me souviens très clairement de la première leçon. Elle s’est déroulée dans une très grande salle de classe, le professeur m’a enseigné à dessiner un cercle à partir du croisement des diagonales d’un carré. C’est le premier souvenir que j’ai de mon apprentissage du dessin. Ainsi, pendant deux ans j’apprenais le dessin de temps en temps le week-end.
A la fin du collège, j’étais sûr de m’engager sur la voie de l’art, je suis donc entré au lycée des Beaux-Arts de Lu Xun. Ces trois années de lycée, pendant lesquelles j’ai intensément travaillé, m’ont permis de passer de la passion à la professionnalisation dans le domaine des Beaux-Arts.
Une chose à noter est que je suis davantage doué pour les esquisses. Je trouve que la technique pour l’esquisse est la partie la plus intéressante, mais je ne suis pas très doué pour le choix des couleurs. Mes camarades avaient le même problème, chacun était plus doué pour un domaine que pour l’autre. Durant cette période, j’ai fourni d’importants efforts mais les résultats sont toujours contraires à ce que l’on souhaite. Une fois, je suis allé demander de l’aide à mon professeur pendant le cours, et il m’a dit en plaisantant “vous êtes trop rationnel pour peindre”. Cette phrase m’a fortement marquée. J’ai secrètement pleuré pendant un long moment devant la fenêtre au bout du couloir. Aujourd’hui, je me souviens que l’énergie et l’amour que je portais à peinture à ce moment-là étaient vraiment énormes, j’ai alors fini premier du lycée dans le cours des Beaux-Arts.
Ensuite, je me suis présenté à l’examen d’admission à l’université, je suis arrivé 58ème à l’Institut des Beaux-Arts de Tsinghua et 1er à l’Institut des Beaux-Arts de Lu Xun. Bien que Tsingua était l’université de mes rêves, j’ai dû choisir l’université de Lu Xun. Tsinghua est donc devenue l’école de mes rêves, de sorte que plus tard, j’ai nommé mon studio “Qingfang”. “Qing” vient phonétiquement de “Tsing” et “Fang” veut dire atelier.
Pourquoi avez-vous choisi l’aquarelle ?
Probablement en raison de l’influence de mon professeur d’art préféré au lycée. Affecté à notre école, il venait d’être diplômé de l’université des Beaux-Arts de Lu Xun. Très professionnel et très cultivé, particulièrement excentrique. Nous avions que 10 ans d’écart, il était presque comme un grand-frère. Avec son caractère rebelle et mystérieux, son style différent, on pouvait ressentir sa compréhension de l’art sous un angle “nouveau” et ses opinions plus avancées, telle une forme de vérité artistique.
À l’époque, le département de gravure de l’université des Beaux-Arts de Lu Xun comportait deux spécialités, la gravure (que mon professeur a étudiée) et l’aquarelle. L’aquarelle était enseignée en tant que cours appartenant au tronc commun entre les deux spécialités. Une fois, alors que je dessinais sur le vif avec mon professeur en ville, le professeur a sorti un papier de 640 grammes, semblable à du carton épais, ce qui a été mon premier contact avec l’aquarelle, et à partir de ce moment-là, la graine a été plantée dans mon cœur.
Admirant mon professeur, j’ai commencé petit à petit à m’intéresser à sa spécialité, la gravure. Cependant, comparé au mystère et à la production de la gravure, je préférais le sentiment de liberté de l’aquarelle. C’est pourquoi j’ai choisi l’aquarelle comme spécialité lorsque j’ai postulé à l’université. Autre chose importante à mes yeux à cette époque, la peinture à l’huile représentait la solennité et la peinture chinoise représentait l’obstination. Ces deux types de peintures ne correspondaient pas au style de peinture que j’aime.
Quelle est l’influence de l’aquarelle sur vous ?
L’aquarelle était à l’origine un amour pour moi, puis un travail. De l’intérêt à l’amour de l’aquarelle, il y a des changements importants dans la relation. Chaque fois que je fais un progrès pour mes compétences en peinture, j’ai le sentiment d’être né pour peindre. Chaque fois que j’échoue ou que je m’arrête de progresser, je ressens un fort sentiment de frustration.
Peut-être que mon état d’esprit a changé lorsque je peins. Je me sens désormais très sévère envers moi-même lorsque je n’arrive pas à peindre correctement. Je n’ai également plus le sentiment d’insouciance d’un enfant qui peint dans une atmosphère libre. Parfois, je dis à mes étudiants que la peinture est peut-être plus agréable en tant que passion qu’en tant que carrière. Mais avec le temps, je réajuste petit à petit mon état d’esprit pour trouver une relation plus agréable avec l’aquarelle. Je mets aussi de coté mon pinceau de temps en temps pour faire autre chose ou un autre type de travail. Mais je crois que l’aquarelle est une chose que je n’abandonnerai jamais.
Sur quel sujet vous concentrez-vous en particulier ?
Depuis que j’ai obtenu mon diplôme universitaire, je peins essentiellement des personnages ou des portraits et je ne peins que rarement d’autres sujets.
Pourquoi avez-vous choisi la peinture de portrait ?
Cela a commencé par une création de fin d’études. À l’université, la peinture des personnages était notre cours de base, c’était probablement le sujet avec lequel nous étions le plus familier. J’ai été profondément touché par l’état des personnages du film “vol au-dessus d’un nid de coucou”, à la fois honnêtes et réalistes même s’ils étaient fous. Les personnages peuvent transmettre des émotions de manière très intuitive, y compris la joie et la tristesse, ce qui, à mon avis, n’est pas si évident au travers des peintures de paysages. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles j’aime peindre les personnages. Quant à la beauté et à la laideur , elles ne m’attirent pas vraiment, c’est plutôt la spécificité et l’originalité des caractéristiques du modèle qui m’intéressent.
La compréhension et les avancées techniques ont donc constitué un bon point de départ pour les recherches suivantes. Plus tard, lorsque j’ai créé mon atelier, j’ai poursuivi mon travail de fin d’études, j’ai peint des personnes autour de moi et j’ai commencé à faire des recherches sur le thème des modèles féminins.
De nos jours, la beauté intérieure est exagérément vantée ainsi que la beauté du dévouement, la beauté de la responsabilité, la beauté de la récolte, et la beauté de l’histoire qui sont souvent représentées, mais la beauté de la jeunesse et de l’amour sont rarement dépeintes. La grande beauté a de grands sentiments, la petite beauté a une petite chaleur, chacune a ses valeurs mais il ne devrait pas y avoir de distinction, de supériorité entre les deux. La beauté minimaliste ne doit pas être interprétée comme simple. En effet, je pourrais utiliser un style plus artistique et plus complexe pour dépeindre les émotions et toucher le public. Par exemple je peux peindre une composition très complexe pour créer une atmosphère animée, ou encore utiliser un fond sombre pour créer une atmosphère froide, mais je n’aime pas cela. Je suis une personne relativement entêtée, j’espère simplement que la beauté minimaliste dans mes peintures peut toucher et être comprise par le public, comme un endroit lumineux. C’est pour ces raisons que j’ai commencé à faire des portraits représentant des jeunes personnages féminins.
Quelles sont vos exigences et vos préférences pour la sélection des modèles ?
Lorsque j’ai appris à peindre, j’ai été influencée par les peintures à l’huile classiques. Je préférais donc peindre des personnages européens et américains avec des orbites profonds, mais après avoir découvert qu’il s’agissait probablement d’une préférence subconsciente, je m’en suis détaché en peignant davantage de visages asiatiques. Au début, en raison des difficultés à disposer de modèles vivants, la plus grande partie de mes modèles provenait d’Internet. J’étais donc assez sévère dans le choix des lumières, des couleurs, des perspectives, de la clarté ainsi que d’autres détails. Cependant je n’ai pas de préférence spécifique, chaque fois que je vois quelque chose qui me touche, même si c’est un tout petit point, je veux le dessiner. Comme les objets que j’ai appris à copier proviennent aussi bien de la peinture, de la photographie que du cinéma. J’ai hâte de les combiner avec mon étude de la photographie. En effet, j’ai hâte d’apprendre les techniques de photographie afin d’être apte à prendre les photos que je souhaite et m’en servir comme modèle. La photographie représente également une occasion de passer du temps à l’extérieur et ainsi de venir peindre sur le vif.
A part l’aquarelle, y a-t-il d’autres types de peintures ou de nouvelles techniques de peinture que vous aimeriez essayer ?
En fait, j’aime la plupart des choses liées à l’art, la peinture à l’huile, la peinture chinoise, l’acrylique, les crayons de couleur, les bâtons d’huile, la calligraphie, la sculpture sur bois, l’argile ou encore la céramique. Beaucoup d’artistes travaillent ou ont travaillé sur une grande variété de supports, comme Paul Gauguin, Lopez Garcia, etc. Récemment, j’ai fait des essais avec des crayons de couleur pour réexaminer ma compréhension de la couleur via un autre médium, et j’ai essayé de peindre en utilisant des crayons pastels aquarellables pour revenir à la simplicité, la détente et la franchise originelle que je ressentais pour l’aquarelle.
Pouvez-vous nous parler d’une ou de plusieurs de vos œuvres les plus satisfaisantes ?
En fait, je n’ai pas un œuvre dont je suis le plus satisfait, mais il y en a quelques-unes que j’aime particulièrement.
Par exemple, pour les œuvres que j’ai réalisées autour du film “Vol au-dessus d’un nid de coucou”, j’aime ce dessin avec le visage flou et le flux des filigranes qui suggèrent des sentiments que je ne saurais même pas vous exprimer. En réalité je suis davantage absorbé par l’arrangement de la composition et la représentation rythmique des détails des vêtements. Bien que ces œuvres soient très précoces et pas très mûres, elles me plaisent davantage.
Un autre exemple est le fond noir de cette peinture que j’ai créée il y a deux ans. Celui-ci la fait sembler plus lourde et plus terne, plus proche de la perception d’une peinture à l’huile. Le modèle provient d’une œuvre photographique. Pour l’expression du visage, j’ai utilisé un mélange de techniques humides et sèches, puis j’ai rajouté quelques petits coups de pinceau. Ils n’ont pas de sens particulier du point de vue de la technique mais qui apportent une sorte de cachet supplémentaire à l’œuvre et lui confèrent une certaine touche d’originalité. Je n’aime pas être lié à un style, même si de nombreux amis me disent qu’ils sont immédiatement reconnaissables, j’essaie de cacher de petites choses dans chaque tableau pour les rendre plus intéressants, je suis une personne très exigeante lorsqu’il s’agit de détails par rapport à l’ensemble.
En guise de dernier exemple voici un portrait de profil que j’ai réalisé récemment, utilisant des couleurs assez subjectives et plutôt spéciales, avec quelques traits qui se rapprochent du niveau de l’esquisse approfondie et un arrière-plan qui a été changé un nombre incalculable de fois, encore et encore.
Il y a encore beaucoup d’œuvres que j’aime particulièrement et je pense que chacune d’entre elles est unique et irremplaçable, soit en hommage à un prédécesseur, soit inspirée par un désir particulier. Cependant je n’en considère aucune comme mon chef-d’œuvre et il n’y a aucune chance que l’une d’entre elles ne le devienne, mais les assembler est ma compréhension de l’aquarelle à ce stade.
Propos recueillis par Ying MA
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