Mosko (et associés)
Pour en savoir plus sur ces surprenantes œuvres d’art urbain, j’ai rencontré Gérard Laux à la Galerie Ligne 13, à deux pas de la place de Clichy, là où il expose ces girafes bigarrées devenues au fil des années sa marque de fabrique.
Artistik Rezo : Qui est Mosko ?
Gérard Laux : Mosko, ça a été moi tout d’abord, lorsque j’ai commencé vers la fin des années 80 à tapisser les murs du quartier de La Moskowa, là où j’ai grandi, dans le 18ème arrondissement. Ce quartier de Paris était insalubre, vétuste et voué à la démolition, mais entouré de végétation. Inspiré, j’ai eu une envie : égayer ces palissades un peu tristes. Michel Allemand m’a ensuite accompagné. En réponse au côté morbide de ces façades, la jungle a investi peu à peu les rues de la ville…
Pourquoi avoir opté pour l’Art de rue plutôt que pour un travail plus traditionnel en atelier ?
Le quartier était pauvre esthétiquement et économiquement (même s’il était riche d’un esprit « village ») et peindre là où le quotidien rimait avec grisaille, c’était donner un rôle social à notre implication artistique. On a essayé modestement d’amener de l’Art. Et puis nous n’avions pas de formation artistique à proprement parler, alors tout ce qu’on a appris, on l’a appris par nous-mêmes. Je ne pensais d’ailleurs pas être exposé en galerie quinze ans après ! Notre démarche a été spontanée et militante, tant mieux si elle peut nous amener à une réflexion plus plastique.
Pourquoi Mosko « et associés » ?
« Et associés » parce que notre duo a toujours voulu délibérément rester ouvert et fédérateur. Le noyau dur est ainsi toujours associé à ces personnes qui ont travaillé avec nous, qui nous ont donné un coup de main même ponctuellement, à tous ceux qui gravitent autour de notre travail. Tous ceux-là doivent pouvoir se retrouver sous un même nom.
Comment la jungle et ses animaux sont-ils devenus le thème de votre travail ?
Parce que ça plait à tout le monde, parce que c’est une réponse en couleurs au côté morbide. J’ai voulu que les gens puissent se retrouver à travers une thématique qui ne soit pas agressive, j’ai voulu amener des images agréables et qui puissent toucher tout le monde au-delà de tous les clivages, au-delà des âges, des cultures…
Avez-vous déjà envisagé de vous éloigner de cette thématique du bestiaire ?
Non pas du tout ! Je suis à fond dedans ! Le bestiaire offre une grande diversité au niveau des couleurs, des pelages… C’est tout simplement sans fin.
Vous peignez toujours en tandem ?
Comme nous travaillons avec des pochoirs d’assez grande ampleur, c’est dur à manipuler seul. Mieux vaut être deux ! C’est sûr qu’on n’a pas choisi la simplicité, comme avec cette girafe de 2m90… Très concrètement, le pochoir tient le plus souvent en un seul tenant, plié, alors pour le mettre en place, il faut nécessairement être deux. Au début, je travaillais seul, mais j’ai vite pris l’habitude de travailler avec quelqu’un. Et puis surtout, la vraie raison c’est que c’est toujours plus sympa d’être à deux !
Quelles ont été vos références ou inspirations artistiques ?
Ernest Pignon-Ernest, Jérôme Mesnager, Miss.Tic, entre autres. Ce sont des gens comme eux qui m’ont incité à faire ce que je fais aujourd’hui, même si j’ai évidemment une approche artistique toute personnelle. Sans chercher à faire la même chose qu’eux, ce sont des artistes et des personnalités qui m’ont incité à prendre cette voix du Street Art.
Vous collaborez souvent avec d’autres artistes ?
Je travaille régulièrement avec Jef Aérosol, Nemo, Artiste-Ouvrier, Speedy Graphito, Jérôme Mesnager. J’aime bien les collaborations, les rencontres d’univers différents, même si nous appartenons tous au même mouvement. Il faut reconnaître qu’on a de la chance parce que c’est un milieu assez amical de manière générale. On noue des relations fortes et on arrive à faire des trucs ensemble dans la rue. On trouve véritablement du plaisir à se retrouver, et cet aspect-là n’est pas négligeable dans un milieu artistique ou parfois les egos et les rivalités sont forts ! En tout cas une chose est sure, tout ça crée une forte émulation. Il y a des talents, de l’énergie… C’est une belle aventure !
De quel œil voyez-vous l’entrée du Street Art sur le marché de l’art contemporain ?
Je reconnais que ça intéresse de plus en plus de gens. Et c’est vrai que lorsque l’on voit des pièces de Peter Blake qui se vendent à 25-27’000 €, ça fait bizarre… Maintenant, je ne suis pas persuadé que ce soit l’aspect spéculatif qui prime. Si c’est seulement cet aspect-là qui entre en compte, ça sort de ce que j’ai envie de faire. Pour ma part, je préfère le côté émotionnel, c’est ce qui me séduit le plus : rester dans des prix accessibles et qu’il se passe quelque chose avec l’acheteur. Que ça ne soit pas uniquement une histoire d’argent, même si, je ne le cache pas, c’est toujours agréable de plaire.
Propos recueillis par Cassandre Bournat
Où voir les œuvres de Mosko et associés ?
Galerie Ligne 13
Jusqu’au 21 mai, exposition « Autour de la girafe »
13, rue de la Condamine – 75017 Paris
M° La Fourche
Tél. 01.45.28.44.22
www.galerieligne13.com
Toute l’actualité de Mosko et associés et les lieux où apercevoir ses œuvres :
moskoetassocies.fr
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