Rencontre avec la peintre Camille Brès
Inspirées de son quotidien, les oeuvres de l’artiste peintre Camille Brès transcendent le commun et recouvrent le réel d’un air planant aux couleurs étincelantes.
Comment as-tu commencé la peinture ?
J’ai vraiment commencé à peindre quand j’étais en troisième année aux Arts Décoratifs de Strasbourg (qui s’appelle maintenant la HEAR). Je peignais déjà beaucoup avant, c’était mon médium de prédilection mais c’est à peu près à mi-parcours aux Arts Déco que je me suis rendue compte que je voulais être peintre. Ce qui a été primordial je pense cette année là, a été d’intégrer un atelier au sein de l’école, mais aussi la rencontre à la fois d’enseignants, d’étudiants et l’émulation artistique qui en émanait.
Sur quoi travailles-tu, qu’est-ce qui t’inspire en ce moment ?
Ce qui change beaucoup depuis le confinement c’est que je travaille de chez moi. Il se trouve que ma source d’inspiration première c’est mon quotidien, ça n’a pas pour autant été facile de travailler dans ce contexte ; le confinement n’est pas une résidence d’artiste. J’ai un petit garçon et on a vraiment usé des balades de 1 km et c’est justement en faisant toujours les mêmes promenades et en voyant les mêmes paysages (un mélange de nature, de béton et de graffitis), que petit à petit des choses m’ont accroché. J’ai constitué un sacré stock de photos de ces promenades et je pense que ça va initier un retour au paysage dans mon travail ; quelque chose d’assez urbain, un mélange de fleurs et de bitume. C’est marrant de voir comment le contexte imprègne la pratique.
On retrouve souvent des couleurs primaires assez vives dans tes oeuvres, qu’est ce qui t’attire dans ces teintes ?
Ce que je peux dire, c’est qu’au départ, je suis attirée par le côté un peu racoleur des couleurs vives. Je vais surtout chercher une espèce d’acidité et de fraîcheur, des couleurs un peu étincelantes, et très souvent j’arrive à un moment où ces couleurs que je voulais séduisantes deviennent presque agressives. Parfois, c’est pas très loin d’une saturation et ça m’intéresse d’être à la limite du séduisant et du criard, qui peut presque basculer dans l’agressif. Ça me plaît que ma palette ne soit pas reposante, qu’elle pique un peu. Mais plus récemment j’ai un peu délaissé les contrastes de couleurs vives complémentaires au profit d’un contraste lumineux. Le noir de la gouache m’a vraiment amené vers ça parce qu’il est très mat, très profond, c’est une couleur que j’ai un peu découvert avec cette matière.
Cela fait trois ans maintenant que tu utilises de la gouache alors que tu travaillais à la peinture à l’huile auparavant, qu’est-ce que ce changement a engendré dans tes créations ?
La gouache c’est radicalement différent de la peinture à l’huile donc ça a bouleversé beaucoup de choses dans ma pratique ; ne serait-ce que le temps de séchage ou le support papier. C’est ce que je souhaitais au moment où j’ai laissé l’huile de côté ; je cherchais quelque chose de plus direct, plus lié au dessin. Avec la gouache, j’ai l’impression d’avoir une écriture beaucoup plus graphique et des contrastes colorés plus forts, comme si je me débarrassais de la multitude de possibilités qu’offre l’huile en terme de transparence, de matière etc. La gouache c’est beaucoup plus limité. Mon compagnon, qui est peintre aussi, a utilisé les adjectifs plus “pauvre” et “autoritaire” et ça m’a semblé assez juste. Je ne pensais pas basculer de l’huile à la gouache mais c’est comme si en limitant les possibilités, j’avais finalement trouvé une technique plus adaptée à ma manière de peindre.
Tu dis t’inspirer de concepts psychanalytiques pour tes peintures, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Il y a eu quelques peintures pour lesquelles je me suis inspirée de concepts psychanalytiques. Après la naissance de mon fils, j’étais dans la découverte de la maternité. Pour diverses raisons, j’ai été confrontée à ces notions (le rapport mère-enfant, le père…), dans des lectures mais aussi des discussions, et ce qui me frappait dans le vocabulaire de la psychanalyse c’est qu’il est hyper impressionnant, on dirait des titres de blockbusters (le complexe d’oedipe, l’omnipotence de la mère, la “toute-puissance”, le complexe de castration, le tiers séparateur). Il y avait quelque chose d’assez archaïque qui me faisais un peu rire et que je trouvais assez décalé avec mes idées féministes et comment je souhaitais être maman ; comme des espèces de clichés un peu révoltants mais dans lesquels on se retrouve quand même. Tout ça m’a donné une matière, pour l’instant c’est en suspens mais j’aimerais bien illustrer une sorte d’abécédaire de la psychanalyse de manière très personnelle et très premier degré.
Il y a-t-il un projet que tu rêverais de réaliser, mais que tu n’as pas encore osé faire ?
J’ai envie de faire des très grandes gouaches. Je ne me donne pas vraiment les moyens de le faire en ce moment parce que c’est un peu un bordel de travailler sur d’aussi grands formats, d’autant plus que quand mes gouaches sont exposées, elles sont encadrées sous verre. J’attends un peu qu’on me donne les moyens de faire du vraiment grand ou l’exposition qui irait avec, ce qui n’est pas forcément évident pour moi puisque je n’ai jamais attendu un projet d’exposition pour faire un projet particulier.
Quand je peignais à l’huile ça m’aurait moins impressionnée. Une toile, même si elle est très grande, peut être stocké si tu as l’espace nécessaire. Le papier c’est fragile, si je veux que mes gouaches soient encadrées, mises sous verre, c’est toute une organisation.
Retrouvez les oeuvres de Camille Brès sur son site ainsi que sur sa page Instragram.
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