Rencontre avec Hervé Robbe, directeur du Pôle Création Chorégraphique de l’Abbaye de Royaumont
Hervé Robbe est une personnalité reconnue de la danse contemporaine. Il a été formé à l’Ecole Mudra de Maurice Béjart, tout en suivant des études en architecture. Il devient interprète au début des années 1980, puis directeur d’une compagnie. De 1999 à 2011, il est à la tête du Centre Chorégraphique National du Havre Haute-Normandie. En 2012, il fonde la compagnie Travelling & Co qui réinvente la danse sous différents formats. Depuis 2013, Hervé Robbe est responsable du Pôle Création Chorégraphique de la Fondation Royaumont et propose une programmation Danse pour le Festival de l’abbaye.
Vous avez un très riche parcours dans la danse contemporaine débuté au début de la décennie 1980. Que pensez-vous du contexte actuel de la danse ?
Après quarante années d’évolution de la danse, il y a désormais une plus grande pluralité d’esthétiques, une richesse de propositions particulièrement en France avec des artistes innovants et prometteurs. Depuis les années 1980, il y a une visibilité accrue de la danse de création et des offres de rencontres avec le public. J’ai été à la fois témoin et acteur de toutes ces évolutions.
Il semblerait que la danse se soit énormément démocratisée depuis le début des années 1980.
Absolument, c’est le résultat de l’engagement des artistes. L’accent a été mis sur la création de nouvelles formes, de nouveaux lieux ont été investis pour des projets chorégraphiques qui ont été participatifs, in situ, des installations, des films… Les artistes se sont beaucoup engagés sur ce qu’on appelait “l’action culturelle” par l’essaimage de la culture chorégraphique auprès d’un large public. Et à chaque fois que les artistes s’engageaient dans la création, ils étaient aussi très présents sur les territoires. C’est très important de le souligner, c’est ce qui a permis à la danse de se démocratiser parce qu’avant cette période, ce qui dominait c’était une représentation très opératique liée à des grandes institutions. Il y a eu un impact dans la formation pour les danseurs et les chorégraphes qui se sont beaucoup ouverts et inscrits dans une réalité sociale.
Avant de devenir chorégraphe, vous avez été interprète.
J’ai été interprète pour des chorégraphes intéressants qui étaient liés à une époque très dense. J’ai commencé dans un répertoire néoclassique et assez rapidement au début des années 1980, j’ai eu envie de rencontrer les nouveaux créateurs, de participer à cette aventure de l’évolution de la danse. En 1987, j’ai commencé mon propre travail par ma compagnie Marieta Secret. J’ai fait des projets extrêmement intéressants, des résidences importantes, des rencontres avec des artistes qui sont aujourd’hui connus qui étaient interprètes comme Rachid Ouramdane, Emmanuelle Huynh, Christian Rizzo. En 1999, j’ai dirigé le Centre Chorégraphique du Havre en Haute-Normandie et ça a été aussi un tremplin pour développer des collaborations très riches. Au bout de treize ans, j’ai souhaité devenir de nouveau nomade et j’ai créé la Compagnie Travelling & Co. Et au même moment où je créais cette compagnie, j’ai été sollicitée par la Fondation Royaumont pour la danse.
Par la compagnie Travelling & Co, vous avez proposé différents formats avec de multiples partenariats.
J’étais sur des formes hybrides – films, installations, spectacles -, ça m’a amené à collaborer avec des institutions musicales, des institutions plastiques. Surtout ce qui m’importait c’était de communiquer dans des lieux inattendus cette vision de la danse et c’est ce qui constitue ma démarche artistique de ces dernières années et le socle d’une partie de mes activités au Pôle chorégraphique de l’Abbaye de Royaumont.
Le Festival de Royaumont qui aura lieu du 3 septembre au 2 octobre donne une place plus grande au versant danse, pouvez-vous nous présenter la programmation Danse ?
Cette année la danse est présente sur quatre week-ends successifs. Le premier week-end, la pièce So Schnell de Dominique Bagouet est recréée par Catherine Legrand qui était une interprète et une Muse de Dominique Bagouet. Cette pièce des années 1990 est la pièce testamentaire de Dominique Bagouet puisqu’il est décédé en 1992. Ce beau projet pour dix danseurs sera présenté dans les jardins de l’abbaye, sur les grandes pelouses. A partir du 10 septembre, ce sont des présentations de pièces liées à des résidences et des accompagnements du Pôle Création Chorégraphique. La chorégraphe Anna Chirescu sera à l’affiche avec Vaca, autour de la figure de la vache. C’est aussi une interprète très talentueuse qui a dansé pour Cunningham et pour des projets expérimentaux. Sa pièce Vaca est une fable à la fois féministe et écologique. Le samedi 17 septembre, il y aura différentes propositions. Doria Belanger vient de la danse mais a aussi un parcours de vidéaste. Joule – in situ est une déambulation dans les jardins, les espaces du cloître, en lien avec une installation que nous présenterons également. Un autre projet, c’est une jeune artiste Rebecca Journo qui a participé aux différentes formations que nous mettons en place au Pôle Chorégraphique. Sa pièce chorale a pour titre Portraits. Rebecca Journo avait été remarquée à partir de deux solos qui mettaient en exergue la figure féminine. Elle a un réel talent, elle est très innovante au niveau de la gestuelle. Par Portraits, elle réunit quatre interprètes sur la question de la représentation avec une musique en live. Et nous avons un spectacle jeune public, ce sera le 18 septembre. Le Pôle Chorégraphique de l’Abbaye de Royaumont s’intéresse au jeune public, nous réalisons des formes qui s’adressent aux familles. Main dans la main de la Compagnie Affari Esteri a pour sujet l’amitié, l’altérité. Les quatre danseurs ont tous été en résidence à l’Abbaye de Royaumont. Un groupe d’enfants sera dans un dispositif participatif. Le dernier week-end pour la danse, le 24 septembre, c’est la pièce Métropole de Volmir Cordeiro. Cet artiste brésilien est arrivé en France il y a une dizaine d’années, il s’est formé en France et au Brésil. Il est assez iconoclaste. Sa pièce se rapprocherait d’un opéra-punk très revendicatif en lien avec son histoire. Il collabore avec un percussionniste. Il a quitté une grande métropole brésilienne avec toutes les incohérences, les tensions et sa pièce est très engagée.
L’Abbaye de Royaumont est un lieu d’exception, qu’apporte ce lieu patrimonial aux pratiques artistiques ?
Il y a des espaces intérieurs qui peuvent être aménagés et le site est extraordinaire avec le parc, les jardins, l’abbaye. Dans le champ de la danse s’offre une pluralité de pouvoir agir et réagir à des espaces propices à l’apparition du chorégraphique. Le cadre permet d’inventer des formes originales. Pour les résidences, les formations, il y a un accompagnement exceptionnel puisque les personnes viennent travailler à Royaumont, ont des lieux à disposition, sont aussi en pension complète donc hébergées et vivent généralement pendant une dizaine de jours à l’abbaye pour créer, réfléchir, échanger. Les artistes sont concentrés et vivent dans un havre temporaire qui permet d’investir les projets.
Propos recueillis par Fatma Alilate
La Programmation Danse du Festival de Royaumont du 3 septembre au 2 octobre 2022
Samedi 3/09 à 17h30 So Schnell – Catherine Legrand
Samedi 10/09 à 17h30 Vaca – Anna Chirescu ; Dimanche 11/09 à 14h Vaca – Anna Chirescu
Samedi 17/09 à 14h30 Joule, in situ – Doria Belanger ; Samedi 17/09 à 16h Portraits – Rebecca Journo ; Dimanche 18/09 à 11h30 Main dans la main – Compagnie Affari Esteri ; Dimanche 18/09 à 14h Portraits – Rebecca Journo
Samedi 24/09 à 15h Métropole – Volmir Cordeiro
En parallèle du 10 au 18 septembre Installation Joule de Doria Belanger
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