Rencontre avec Fanny Nevière : l’entrée des jeunes photographes dans le monde professionnel
Quelle est la perspective des jeunes artistes après leur sortie d’études ? Quels sont les dispositifs ? Une rencontre avec Fanny Nevière, photographe.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Fanny, j’ai 24 ans et je suis diplômée d’une école de photo depuis le mois de juin. Il y a très peu d’écoles photo en France, la plupart sont privées et difficiles d’accès avec des concours. Il y a du public avec les Beaux-Arts mais les cours de photo restent minoritaires.
Les avantages de l’école c’est que j’ai eu accès à des intervenants et non des professeurs, donc ils avaient vraiment un statut d’expert de leur domaine. On a eu accès à des cours pratiques : une artiste qui se lance, comment gérer son entreprise, les droits d’auteurs, les démarches, comment communiquer, etc. Pas seulement de la création mais comment aller plus loin dans son travail grâce à la diffusion.
Avant tes études, comment tu voyais le métier de photographe ?
C’était assez flou, je pensais que tu avais des projets à réaliser et des projets personnels aussi. Assez dépendant des commandes qu’on pouvait te passer. L’aspect très commercial en fait. Je ne voyais pas toutes les autres possibilités. Et j’ai aussi appris qu’ il fallait se spécialiser, tu ne peux pas être trop polyvalent. C’est impossible d’être photographe culinaire et de sport en même temps. Il faut trouver sa ligne directrice, son domaine. Pour moi ce travail là c’est difficile à chercher mais très sympa. Parce que tu peux ne pas être seulement photographe mais aussi éditrice, scénographe, iconographe…
Est-ce que ce métier correspond à tes attentes ? Tu te sens en confiance maintenant que tu as fini tes études ?
Je pense que le travail d’artiste est une expérience en continue, la vie t’apprend à évoluer dans ton art. C’est un travail constant sur l’être qui finalement va se répercuter dans le travail. Et c’est sûr que par rapport à la confiance, ce n’est pas un métier stable, il n’y a pas de stabilité financière, avec des périodes creuses. Mais je suis quand même en confiance parce que il y a plein de possibilités et de solutions, il faut juste avoir un but et se mettre des objectifs. Il n’y a pas de solution miracle car il y a pleins de chemins différents qui correspondent à chacun. Il faut aussi se comprendre, savoir comment tu fonctionnes, tu travailles, ce que tu aimes réaliser, ce dont tu as envie de parler et transmettre. Ne pas être langue de bois avec soi même, sinon c’est se tirer un balle dans le pied. En fait c’est avoir un projet bien défini. Ça permet d’être curieux et de s’intéresser à plein de choses pour faire correspondre au mieux ton projet à ta personne.
Je suis confiante, parce que je suis curieuse, et prête à être enrichie par mes expériences. Certes il n’ y a pas forcément de l’argent qui tombe mais je suis prête à faire des choses avec mes idées. Mais on a quand même des aides, le RSA, moi j’ai moins de 25 ans donc j’ai la mission locale. Les aides à la création sont plus difficiles à obtenir, il faut répondre à des appels à projets.
Comment vit-on après la sortie d’école de photo ?
Faut premièrement faire un portfolio, pour ensuite démarcher et trouver des missions photos, ça permet déjà un petit pécule. Tu peux aussi répondre à des appels à projets, faire des résidences. Les résidences pour le coup sont complètement axé sur de la création et de la recherche, pas besoin d’avoir un cahier des charges et un travail fini à la fin. C’est plus un temps d’arrêt consacré à ça, sans se soucier du côté financier car tu es payé ou tu touches des bourses.
C’est dur d’être salarié en photo, un des seul poste c’est d’être assistant photographe ou travailler en labo. Aussi être lié à des agences, tu rentres dans leur book et ils te proposent des missions mais je pense que c’est compliqué en sortie d’études. Il faut avoir son style, de l’expérience.
Il me semble aussi important de séparer son temps pour ne pas se laisser submerger. Premièrement, séparer la création et l’administration. Sur le plus long terme, alterner des missions photo pour gagner sa vie et pour ensuite avoir plus de libertés pour faire des projets perso. De mon point de vue, tu ne peux pas faire les deux, tu perds toute ta flexibilité d’indépendante et ton énergie. C’est très dur de trouver un équilibre.
Que penses-tu des résidences ? Est-ce que tous les jeunes artistes doivent cocher la case ?
Je ne suis pas très calée sur le sujet des résidences parce que je n’en n’ai pas encore fait, mais j’aimerais bien. Je pense pas qu’il y ai des résidences pour les nouveaux artistes. C’est super enrichissant en création pure, car tu commences un projet ou tu en continues un. Chaque résidence à ses critères, donc oui certaines sont orientés pour les artistes émergents et d’autres pas du tout. Sinon il existe des critères sur la durée, sur un rendu final ou pas et sur la bourse allouée. Mais en tous cas la plupart des résidences ont un aspect pédagogique, par exemple tu dois en échange, faire des ateliers dans un programme d’EAC ou autre. Les résidences ça apportent toujours quelque chose de bénéfique pour moi à la personne qui y entre.
Tu as récemment monté avec 3 amies un collectif de photographes. Comment l’idée est venue, et quel est le but de l’association ?
On a créé le Collectif Météore avec des amies de l’école. On a quatre approches, styles et écritures différentes mais nous sommes toutes les quatre liées au documentaire et à la fiction. Ce qui fait qu’on a une bonne alchimie.
Ce collectif c’est une manière de fédérer notre travail, d’avoir un impact, rien que pour faire des demandes de résidences en collectif. Ça nous permet aussi d’être moins seules dans ce métier. Aussi on peut se partager les bonnes informations et le travail quand c’est des commandes lourdes ou qui peuvent moins nous intéresser. L’échange de conseils et l’entraide sont vraiment important pour nous. Mais on a mis un point d’honneur à garder nos individualités. Chacune avance à sa manière avec le travail perso et les projets du collectif.
Est-ce que le fait que vous prenez le fait d’être un collectif uniquement féminin comme un message politique ?
Inconsciemment le fait qu’on soit des femmes a son importance mais c’était pas du tout un choix de notre part. Dans la photo y’a beaucoup d’hommes qui ont percés, les femmes n’ont jamais été mises trop en avant. Avoir le statut de femmes nous permet aussi d’avoir des projets, on est la cible de démarches à la destination de femmes artistes. On coche les cases et c’est bénéfique pour nous. Mais on ne communiquera pas là-dessus.
Quelles sont vos actualités dans le collectif en ce moment ?
Le plus gros à venir de cette année scolaire, c’est que nous allons travailler avec une association Lyonnaise. Du côté du collectif, on aimerait bien se servir de ce projet pour, nous aussi, avoir du contenu et parler de nos actions en tant que collectif. Il faut faire en sorte de capitaliser sur le projet pour aller toujours plus loin, nous permettre de grandir et d’avoir des opportunités.
Propos recueillis par Mathilde Desuzinge
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