Rencontre avec Emmanuelle Caschera : “Je n’ajoute pas la matière… je la retire”
Artiste établie à Metz depuis 1998, d’origine lyonnaise, Emmanuelle Caschera retire la matière plutôt qu’elle ne l’ajoute. Du 7 au 9 décembre 2018, elle participera à « Art en stock » à l’église Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz (57). En mars 2019, elle exposera au nouveau cinéma d’art et essai « Le Klub », à l’occasion de « Parcours d’artistes », association qui regroupe tous les artistes de la région. Rencontre avec une peinture intime et délicate.
Pouvez-vous nous parler un peu de vous : d’où vous vient votre vocation et quelle est votre formation ?
Tout a commencé avec une boîte de pastels alors que j’avais tout juste 10 ans. J’ai préparé les Beaux-Arts à partir de 1994 en cours du soir pendant quatre ans auprès du peintre Maurice Der Markarian, artiste reconnu dans la région Rhône-Alpes. Une fois à Metz, j’ai passé un DEUG Arts Plastiques en 2 ans à la faculté. Je voulais allier les Beaux-Arts, pour le côté pratique, à la faculté, pour le théorique. J’avais alors pour projet de créer un atelier ouvert au public.
Quel serait le fil conducteur de votre parcours artistique et les influences ou inspirations qui ont permis de l’établir ?
Le fil conducteur, c’est la transparence colorée. En effet, je suis assez contemplative, j’aime la nature et la lumière et, depuis 2011, j’ai mis au point la technique que j’utilise encore aujourd’hui. Elle me permet d’avoir cette transparence tout au long de ma peinture. Concernant les influences, j’adore l’Art Déco, pour le travail de la lumière avec les vitraux, et l’Art Nouveau pour le travail de la ligne.
Pourriez-vous nous décrire votre processus créatif, notamment pour le choix du sujet et de la technique ?
J’aime bien travailler par thème. Souvent, lorsque je fais une visite dans un lieu ou une balade, il y a un moment précis de lumière qui m’interpelle et me donne une envie de série. Une fois que le mot de la série va être choisi, par exemple « Traces », je fais plusieurs croquis. J’essaie toujours d’avoir dès le départ une vision globale de ce que j’ai envie de montrer. Pas l’œuvre en tant qu’unité, mais la série au complet.
La couleur tient-elle un rôle primordial pour vous ? Comment l’abordez-vous ?
La peinture, c’est un pigment. J’utilise peu de pigment. Mes toiles sont travaillées en lavis avec de l’acrylique utilisée comme de l’aquarelle. Je travaille par succession de couches de lavis qui me permettent de faire mes mélanges directement sur la toile et non sur la palette. Ensuite, je passe au glacis pour avoir ce côté brillant, afin d’interpeller le spectateur face à une transparence miroitée. Depuis quelques temps, je travaille avec du fil métallique pour des crochets d’art avec plusieurs collections comme des bijoux ou encore des petits récipients. Toujours en quête de transparence, j’ai réalisé des inclusions en résine transparente, matériau que j’ai récemment mis sur mes toiles en fine couche pour un aspect brillant et grossissant comme une loupe (l’acrylique est mat au séchage).
J’essaie donc de toujours faire évoluer ma pratique, même avec un fil conducteur de travail. J’aime me remettre en question quand j’aborde une nouvelle toile. Il n’y a jamais rien d’acquis, il faut toujours travailler.
Quel est l’équilibre entre figuration et abstraction dans vos compositions ?
J’ai été longtemps très figurative, comme si je voulais montrer une maîtrise technique. Mais j’ai beaucoup épuré avec la recherche de la transparence. Je suis allée aux Baux-de-Provence où j’ai vu le Sentier des ocres, ancienne carrière où l’on récupérait les pigments. Une partie de ce canyon a été mis en site classé en raison d’un retour à la nature. Cela a été un choc : on voit la végétation qui a pris le dessus. Ça m’a permis de me rendre compte que je voulais montrer de façon abstraite ce que la nature nous a donnés. J’ai toujours besoin d’un point de réalisme au départ, mais je tends à me diriger vers l’abstraction.
Quel message souhaitez-vous faire passer à travers vos œuvres ?
La beauté de la nature. Il y a 15 ans, je faisais des séries figuratives sur des choses très douloureuses car j’avais un besoin de m’exprimer. Mais désormais, il y un lâcher-prise.
Depuis 2002, vous donnez des cours multidisciplinaires à des enfants, adolescents ou même des adultes avec « L’atelier des manuels ». Quel a été le point de départ de ce projet de transmission et d’échanges ? Est-ce un élément influençant votre travail personnel ?
J’ai ouvert mon atelier au public pour pouvoir en faire mon activité principale. Le moteur a été de transmettre ce que je fais. J’aime les échanges. Cela permet de se remettre sans cesse en question, ce qui est très enrichissant.
Cloé Assire
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