Rencontre avec Barbara Penhouët, artiste peintre de la couleur
C’est dans son bel atelier ensoleillé que Barbara Penhouët, peintre, illustratrice et architecte me reçoit pour me faire découvrir son univers. Ses grandes toiles lumineuses et vives semblent se répondre et cohabiter les unes près des autres. Une main tendue est proche d’un corps assoupi, un personnage se prélassant fait écho au corps exposé au soleil à ses côtés. Ses créations expressives sont à découvrir au plus vite !
Comment as-tu commencé à créer ?
J’ai toujours peint, notamment grâce à mes parents, grands amateurs d’art, mon père était également peintre amateur. Ils consacraient une pièce à leurs peintures et il y a toujours eu des tubes présents dans mon environnement. Ce n’était pas quelque chose vers lequel je devais aller, c’était juste là. J’ai participé à des ateliers de peinture toute mon enfance, j’ai été l’élève d’Aimé Eon avant de rejoindre d’autres ateliers dont celui de Béatrice Fourceaux. Par la suite, cela ne m’a jamais quitté, c’est peut-être ce qui m’a menée vers l’architecture. Cette année, je me consacre entièrement à ma pratique artistique, c’est un temps nécessaire pour pouvoir prétendre à un niveau professionnel et envisager d’en vivre pleinement.
Tu es partie vivre à Berlin, comment cette expérience t’as marquée ?
J’ai fais un Erasmus à Berlin et j’y suis retournée pour au final y rester six ans. J’ai beaucoup aimé cette ville, on s’y sent très bien, le rythme de vie et le rapport entre les gens est beaucoup plus doux.
En 2017 – 2018 j’avais créé toute une série de peintures sur des danseurs et des lutteurs, des personnes en tension, j’avais pour objectif de traduire le vivre ensemble. C’était une notion qui m’intéressait beaucoup en architecture, de voir comment le bâtiment vit avec les personnes et vice versa. La rue est par exemple un entre-deux, avec tous les mouvements qu’elle comporte, je me suis penchée sur les Hommes entre eux en tentant de capter un moment.
Tu as commencé plutôt à peindre avant de faire tes illustrations ?
La peinture a toujours été présente dans ma vie, j’ai toujours dessiné et essayé de nombreux médiums que j’affectionne. L’illustration s’est vraiment imposée en 2020.
J’ai été intriguée par la création sur tablette inspirée par David Hockney. En architecture nous travaillons beaucoup en digital, c’est cette flexibilité qui m’a attirée, de pouvoir avoir son médium à portée de main. C’est au moment du premier confinement que je me suis consacrée à cela. J’ai souhaité que ça s’apparente à de la peinture, j’ai mis du temps à trouver le résultat souhaité. C’est cet aspect qui est intéressant, on pourrait croire que l’outil digital est facile à appréhender, mais finalement il faut trouver les outils les plus adéquats à son intention comme dans la vie.
C’est intéressant cette notion d’éphémérité de tes créations digitales, les imprimes-tu pour en garder des traces ?
Pour les illustrations je m’inspire de photos, je fais des banques d’images, j’ai l’impression de les figer dans le temps peut-être. J’avais créé un petit magazine avec certaines illustrations, j’aime cette idée de pouvoir garder un objet aussi, qu’il vive auprès de nous. Je suis très attachée aux livres par exemple.
Pourquoi peindre sur du grand ?
Je crois avoir de l’attirance pour le grand, le grand impose un mouvement et une implication du corps lors de la pratique. C’est comme une chorégraphie avec la toile, avec des moments de prise de distance pour apprécier la globalité de la peinture. Les personnages aussi sont presque à échelle humaine sur mes toiles, ça doit participer à cette envie de peindre sur du grand. Je suis attachée à la touche, quand le format est petit le rendu n’est pas le même, mes plus petits formats vont être comme des zooms, ça en devient parfois abstrait.
Qu’est-ce que tu représentes ?
Ma série sur les mains, j’avais cette idée de repenser les objets, les mouvements, les interactions que nous avons avec les objets. Il y a cet aspect générationnel auquel nous pouvons faire référence, celui de la position de la main, qui peut nous faire penser à la souris d’ordinateur.
Maintenant, je continue à représenter des corps solitaires, l’éblouissement, la luminosité, comme si on avait regardé longtemps le soleil. Ce que je trouve intéressant, c’est la façon dont la lumière s’accroche à la toile. J’aime travailler avec la matérialité tant du support que du médium. Je choisis différents types de toiles que je monte sur châssis, celles-ci entrainent par la suite des traitements différents avec la peinture à l’huile. J’aime également expérimenter la matière, telle que le sable qui me permet d’avoir un effet presque de crépis venant accrocher la lumière et apporter une profondeur différente en fonction de l’angle sous lequel on appréhende la peinture.
Comment imagines-tu les couleurs de tes tableaux, les prémédites-tu ?
Je travaille en couches, il va y avoir une question de vibration avec la couche arrière. Je ne sais pas forcément où je vais aller dès le début, c’est assez instinctif, c’est ça qui me plait. Au début, je choisis mes fonds et deux ou trois couleurs qui vont en appeler d’autres. Je travaille aussi d’après des toiles teintées dans la masse. Avec les corps solaires, ça fonctionne de la même façon, ce sont les Nabis qui m’ont inspirée je crois, avec ces gris qui adoucissent tout et donnent presque un effet négatif, cohérent avec la lumière que je voulais apporter.
Tu me disais avoir commencé à l’huile puis être passée à la peinture acrylique ensuite ?
Oui, ce n’est que récemment que je suis revenue à l’huile. C’est certainement dû à mon environnement, l’huile peut sentir très fort dans une pièce de taille moyenne. Je travaille avec une succession de couches dont les transparences amènent de la profondeur. L’acrylique permet une exécution plus rapide par son temps de séchage court.
Après, selon les techniques, cela prend plus ou moins de temps, les illustrations sont rapides à créer. Pour la peinture, des temps de séchage sont nécessaires, parfois jusqu’à une semaine pour une couche avec un temps humide, c’est pourquoi je travaille sur plusieurs toiles en même temps. Ça me permet de prendre de la distance aussi, c’est nécessaire.
Travailles-tu d’après photographies ? Est-ce que la période actuelle a impacté ta pratique ?
Oui, je travaille d’après photos, que je prends, ou que je trouve et réinvente. Je me questionne sur cette pratique, j’aimerais dans un futur proche faire poser et imaginer une scène, ça m’intéresserais. C’est une pratique solitaire que j’aime effectuer seule dans mon atelier.
Après un an intense, j’avais juste besoin de repeindre, sans réfléchir, et en a découlé des personnes seules captées dans un moment. J’y vois avec un peu de recul peut-être un lien avec le confinement où nous nous sommes retrouvés seul, face à nous-mêmes. Je peins plus d’intérieurs aussi. Cette période a amené une sorte d’intrusion des écrans, des caméras, avec le télétravail dans nos vies. Dans mes peintures on retrouve des points de vue en contre-plongée, comme si le point de vue provenait d’un ordinateur posé au sol.
Quelles ont été les inspirations fortes dans ta vie ?
Pour évoquer la littérature, je pense à Georges Perec avec une écriture poétique, qui parle de l’ordinaire, à Italo Calvino aussi, qui a écrit des contes philosophiques. J’aime l’intérêt pour la complexité et les dualités de l’Homme que l’on retrouve dans leurs récits. Ces écrits questionnent le monde de tous les jours, ça renvoie aux objets dont on parlait plus tôt, quel rapport entretient-on avec eux ? Lesquels oublie-t-on ? Le peintre prend le temps de regarder les choses, et accéder à son propre rythme. Ce genre d’écriture a une rythmique assez lente qui me plaît.
En architecture, il y a des figures qui m’inspirent, tournées vers l’Homme, tel que l’architecte égyptien Hassan Faty qui a écrit le livre Construire avec le peuple. C’était à l’époque de l’apogée du béton, quand les constructions nécessitaient beaucoup de sables et déformaient l’environnement. Il a pu repenser des techniques artisanales afin de les préserver et de les appliquer aux habitations, en cohérence avec le milieu singulier.
Je pense aussi à John Pawson qui a créé un livre très beau, Spectrum, recensant ses photos prises à l’iPhone et organisées en spectrométrie.
J’apprécie pour les mêmes raisons les peintures de Simon Martin, exposé à la Galerie Perrotin et de Claire Tabouret. Sans oublier les peintres Mathilde Lestiboudois et Tatiana Vejic avec qui je partage mon atelier.
Quelles sont tes découvertes récentes ?
En ce moment, je visite plutôt des galeries, qui elles, restent ouvertes. À l’image de la ville, elles sont plus concentrées à Paris qu’à Berlin. J’ai beaucoup apprécié l’exposition de Christine Safa à la Galerie Lévy Gorvy, où nous avons l’impression d’être devant le soleil, c’est impressionnant.
Pour retrouver le travail de Barbara : rendez-vous sur son Instagram.
Propos recueillis par Mona Dortindeguey
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