Rencontre avec Arnaud Adami : un talent de l’art figuratif à l’affiche de l’Espace Richaud à Versailles
Si vous résidez à Versailles ou si vous avez eu l’occasion de déambuler dans les rues de la ville récemment, il est impossible d’avoir manqué l’une des nombreuses affiches arborant le nom d’Arnaud Adami. Actuellement exposé à l’Espace Richaud jusqu’au 20 novembre, ce jeune artiste de 26 ans utilise la peinture figurative afin de mettre en lumière les métiers de l’ombre. Véritable travailleur, Arnaud Adami mêle les grands thèmes de l’histoire de l’art à la peinture contemporaine, afin de mettre en valeur ces hommes et ces femmes appartenant au prolétariat moderne.
Bonjour Arnaud. Pourrais-tu te présenter et nous en dire un peu plus sur ton parcours scolaire s’il te plait ?
Bonjour Artistik Rezo. Je m’appelle Arnaud Adami, j’ai 26 ans et je suis artiste peintre. À l’origine, j’ai fait un bac technologique – bac STI2D – qui n’a donc rien à voir avec l’art. Par la suite, j’ai travaillé un an à Coliposte, un entrepôt logistique où je triais les colis. À ce moment-là, je me suis dit que je voulais faire autre chose que travailler à l’usine toute ma vie, donc je suis entré en étude d’art, en classe préparatoire à Châteauroux. À Châteauroux j’ai découvert l’art, j’ai aimé l’art, j’ai trouvé ça vraiment agréable comme truc. Et puis ça m’a entraîné, j’ai beaucoup appris là-bas, j’avais de supers profs. Puis j’ai tenté des concours, dont celui des Beaux-Arts de Bourges. C’est là-bas que j’ai étudié pendant trois ans, jusqu’au diplôme, et par la suite je suis entré aux Beaux-Arts de Paris, en deuxième année. Pour le moment j’étudie toujours là-bas, je suis en cinquième année.
Les Beaux-Arts ont-ils été un tremplin dans ton apprentissage ?
Oui, on apprend beaucoup de choses là-bas. J’y ai moi-même appris énormément ; quand je suis arrivé je ne savais ni peindre, ni dessiner, j’étais une vraie bille (rires). Après, là où l’on apprend le plus ce n’est pas tant par les professeurs, c’est surtout par les élèves. C’est l’entre-soi. J’ai appris beaucoup plus à peindre grâce à mes camarades que par mes profs.
À partir de quel moment tu t’es dit qu’être peintre pourrais devenir ton principal métier ?
Déjà, j’ai la chance d’avoir une maman qui me soutient beaucoup. Elle me répète toujours que le but dans la vie n’est pas de gagner de l’argent, mais d’être heureux. Donc à partir de là, tu peux tout faire, ça ouvre beaucoup de portes. Et puis après, j’ai tenté ça sans y croire vraiment. Même jusqu’à ce que j’arrive à Paris, je ne pensais pas forcément en vivre, je pensais plutôt être galeriste, commissaire, etc. Puis finalement quand je suis arrivé à la capitale, ça a marché assez vite, notamment grâce au Covid paradoxalement. Les gens étaient beaucoup sur leur téléphone, et c’est comme ça que je me suis fait repérer. À ce moment-là, les collectionneurs étaient à la recherche de nouveaux talents, des “petits nouveaux” dans le milieu de l’art. Ma première vente a été effectuée dans le cadre d’une œuvre caritative ; c’était une petite toile que j’avais faite à Bourges, une nature “cuite” : j’avais repris une nature morte de Chardin, j’avais acheté les aliments qu’il y avait dedans, je les avais cuisinés et puis peints. Cette vente m’a mis en relation avec une collectionneuse, et après ça plusieurs autres personnes m’ont contacté pour acheter mes toiles.
Quand est-ce que s’est fait le basculement vers la représentation du prolétariat contemporain dans tes peintures ?
Quand j’étais à Bourges, au cours de ma deuxième année je crois, je passais beaucoup de temps à l’usine, puisque j’y travaillais à chaque période de vacances pour payer mes études. Et finalement, je me suis rendu compte que mon entourage était ces gens-là. J’étais bien plus à l’aise avec eux qu’avec des gens du milieu de l’art. Donc je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse quelque chose. J’ai commencé par peindre mes collègues, puis après je suis allé dans d’autres usines. Ensuite, je suis arrivé à Paris, et j’ai été frappé par l’omniprésence de tous ces livreurs à vélo, qui représentent une grande partie des ouvriers contemporains.
Quelle est la chose qui t’as frappé chez ces travailleurs justement ?
Déjà, le fait que ce soient des travailleurs fortement invisibilisés ; ils ont un statut social où ils livrent juste de la bouffe, et on s’en fiche un peu d’eux. Et à côté de ça, ils arborent des tenus super flash, super fluo. Donc il y a un contraste énorme entre leur rang social et leur visibilité dans les rues. Je trouvais ça intéressant de les mettre en valeur. Et puis pour un peintre, c’est super intéressant toutes ces couleurs : les bleus, les jaunes, les oranges, c’est magnifique.
Comment se passe généralement la réalisation de ces peintures ?
Ça dépend, mais souvent ça démarre avec une idée que j’ai en tête. Je peins à l’huile, donc c’est très long comme technique. C’est compliqué de faire poser les modèles pendant trois semaines. Donc, généralement, je prends en photo le modèle que je veux peindre, puis je fais des photomontages avec Photoshop. Et ensuite, je peins le résultat !
Mais parfois il y a des idées qui viennent sur le moment, comme par exemple les livreurs qui chutent à vélo. Ces peintures-là, je les ai réalisées pendant le deuxième confinement. Un matin je me réveille, je regarde par la fenêtre et je constate que tout est blanc. En plus il n’y avait personne, donc j’avais un Paris tout blanc. J’ai demandé à un pote qui travaille dans l’atelier d’à côté de m’accompagner faire des séances photo. On a commencé à sauter dans la neige tous les deux, habillés en livreurs. Et puis, c’était marrant parce qu’en rentrant, on a croisé les policiers sur la route, qui se sont étonnés de nous voir dehors à 4h du mat, habillés en livreurs Uber Eat et trempés, avec de la neige dans les cheveux. On leur a expliqué qu’on était artiste, on leur a montré des photos de notre travail et ils nous ont finalement laissés repartir sans même regarder nos attestations (rires). Instagram et la peinture, ça a suffi.
Tu fais souvent référence dans tes peintures à des grands thèmes abordés dans l’histoire de l’art. Comment t’es venu l’idée d’associer ces thèmes à ta peinture ?
En fait, mon objectif premier est de mettre en valeur les ouvriers, le monde ouvrier au sens large. Et la mise en valeur suprême ce sont les peintures qui sont soit chrétiennes, soit les peintures de roi. J’ai donc associé les codes des portraits de roi pour mettre en avant ces métiers que je peins.
Récemment, l’APHP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) t’as fait une commande de sept tableaux. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
La fondation m’a proposé de réaliser sept toiles autour du personnel de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu. Je trouvais ça intéressant parce que ça rejoint mon travail des gens qui font des métiers de l’ombre – même si là c’est plus trop le cas avec le Covid, où l’on entend bien plus parler de ces métiers. J’ai commencé ma phase d’immersion pour cette série au nouvel an. J’ai passé mon nouvel an 2022 avec le SMUR et… oh la bêtise ! (rires) La première intervention à laquelle j’ai assisté c’était un décès, dans un appartement. C’était très compliqué comme moment, j’étais là avec mon appareil photo, mais je prenais aucun cliché. Je ne faisais que de me dire « mais qu’est-ce que je fais là moi ». Moi qui voulais être en immersion directement, ça n’a pas loupé. Mais finalement avec le recul, c’est un de mes meilleurs nouvel an, parce que ça m’a appris plein de choses. Et sur moi, et sur la vie en générale, et sur ce métier-là.
Les semaines suivantes, je me suis promené de service en service : je suis allé dans le service radio, le service technique aussi : parce que je voulais mettre en valeur tout le personnel, et non pas seulement que les soignants. J’ai fait la réhabilitation par le sport aussi, le centre du sommeil, les urgences, et il me semble que c’est tout.
Est-ce que tu trouves que c’est compliqué d’être un artiste peintre aujourd’hui ?
Alors un artiste tout court déjà oui, c’est compliqué parce que financièrement ça ne marche pas pour tout le monde. Et puis après peintre ça va, franchement on se plaint moins. Surtout en ce moment, il y a un regard qui est porté sur nous, qui est propre à la peinture. Et finalement de tout temps, les peintres ont plutôt bien vécu. C’est plutôt l’installation dans le marché de l’art qui est compliqué mais voilà, faut faire ça par plaisir.
Tu fais ça encore par plaisir ? Tu penses pouvoir garder ce plaisir toute ta vie ?
Bien sûr. Et si je ne prends plus de plaisir, j’arrête. Je ferai autre chose.
Tu conseillerais à de jeunes peintres de se lancer là-dedans ?
Oui, mais même à n’importe qui de se lancer dans l’art, évidemment. Ça porte tellement sur tout, même pour la confiance en soi. C’est quand même un métier où tu passes ton temps à réfléchir à comment créer, c’est magique. C’est super stimulant comme métier, ta seule obligation c’est de devoir peindre, c’est quand même mieux qu’être dans un bureau (rires).
Où est-ce qu’on peut te retrouver ?
En ce moment, j’expose à l’Espace Richaud, à Versailles, jusqu’au 20 novembre. Puis après je suis à Miami début décembre, mais c’est un peu plus loin. Et sinon l’année prochaine à Londres.
Super, merci beaucoup Arnaud !
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Espace Richaud
78, boulevard de la Reine
78000 Versailles
Propos recueillis par Iris Guazzini
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