Rencontre avec Antonio Cos, créateur verrier
Dans le cadre de l’exposition Verre – 30 ans d’innovations au Cerfav. Nous avons rencontré Antonio Cos, artiste et créateur verrier, pour nous parler de son évolution à travers les années. Le temps de cette discussion, Antonio va nous expliquer comment il est passé de la fonction à la technique. Ou comment selon ses propos, il est passé du pourquoi au comment.
Racontez-nous vos débuts. Comment vous est venue l’envie de travailler dans la création, le design ?
Le dessin a nourri toute mon enfance. Il était refuge et source d’imaginaire. C’est au collège, avec la rencontre de mon professeur de dessin Antoine Bernahrt que cette passion s’est consolidée et que j’ai donc décidé de m’orienter vers les arts : arts appliqués et design de produit – BTS esthétique industrielle – afin de donner un caractère utile à cette passion pour le dessin et la création.
Qu’est-il ressortit de votre BTS ?
Le BTS effectué impliquait une grande rigueur et des réponses précises à un cahier des charges. Bien qu’il fut formateur d’un point de vue technique c’est en partant pour l’Italie, à l’école ISIA de Florence, que je vais retrouver cet exutoire créatif ainsi que le pays de mes origines.
Que vous a apporté ce voyage en Italie ?
Beaucoup de choses aussi bien personnelles que professionnelles !
Le dessin et la peinture me suivaient toujours. Par exemple, je passais une bonne partie de mon temps à illustrer des petites scènes du quotidien.
Intégrer l’Institut Supérieur pour les Industries Artistiques de Florence m’a permis d’avoir un éventail sur la façon de créer. Les professeurs, tous professionnels dans le domaine du design ou de l’architecture, avaient leur propre vision qu’ils partageaient avec nous. La route était tracée. À nous de découvrir et parfaire notre propre méthodologie de création.
J’imagine que vous avez fait des rencontres importantes lors de vos études à l’ISIA.
J’ai fait la rencontre de Enzo Mari, Denis Santachiara et bien d’autres. Le design se mêlait à l’imaginaire, à la poésie et non seulement à une réponse d’un produit utilitaire.
Changement de ville en 2000 où je suis parti en stage chez Denis Santachiara à Milan. Un stage incroyable où la créativité débordante de Santachiara me stimulait à poursuivre dans le domaine de la création. J’ai par la suite travaillé comme graphiste dans la mode, chez Fiorucci. Cette expérience m’a permis de comprendre et de voir la vitesse à laquelle la mode change et l’importance de la communication dans ce secteur. Le secteur de la mode est intéressant mais il ne convenait pas à mes aspirations.
Après cette remise en question, vous avez participé à la Design Week de Milan. Que vous a apporté cette expérience ?
Ce fut une expérience incroyable où j’avais un retour direct sur mes créations de la part d’un public éclectique.
J’ai donc réalisé pour cet évènement une série de pièces/prototypes auxquels j’ai donné l’appellation d’”OGM” Objets Génétiquement Modifiés – Pièces qui présentaient un détournement de fonction à l’image du carton d’invitation où l’on voit une bouteille de vin ayant comme étiquette : “Je suis un rouleau à pâtisserie”. Orientation clairement “Magrittienne”.
C’est aussi durant la préparation à cette design week que j’ai rencontré le verre. La réalisation des prototypes m’a conduit directement dans un atelier de parachèvement où les artisans travaillaient des contenants en cristal à froid : taille/parachèvement. Je ne le savais pas encore mais cette rencontre changera l’orientation de ma vie professionnelle quelques 15 ans plus tard.
Comment se déroule l’après Design Week ?
J’ai eu la chance de rencontrer rapidement des partenaires industriels qui m’ont fait confiance et avec qui j’ai collaboré pendant des années. Par la suite, les projets, les expositions, les commandes se sont enchainés. Par conséquent, la présentation de mon travail durant la Design Week de Milan a véritablement été un déclencheur pour mon activité. Durant ces années, il m’est arrivé d’aborder des projets où la matière verre était à l’honneur. C’était toujours un plaisir de créer avec cette matière pour laquelle j’avais et j’ai toujours un faible.
Un grand changement s’opère à partir de 2010. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Un écart se creusait au fil des ans : le passage du dessin à la 3D, la délocalisation de la production des pièces où l’intervention sur le process n’était plus possible, le compromis à la modification des projets afin qu’ils s’insèrent dans une logique marketing-oriented…
Je souhaitais revenir à quelques chose de plus proche, à l’image du “slow food”, je me suis orienté dans une sorte de slow-design en réalisant des petites séries moi-même ou en collaboration avec des artisans locaux.
Le designer ne fait pas que concevoir, il met les mains à la pâte. Par conséquent, il se lance dans l’autoproduction.
C’est en 2017 que vous intégrez le Cerfav. En quoi cela participe-t-il au changement de votre vision ?
Ce début d’immersion dans la réalisation directe de pièces, notamment en verre, m’a questionné quant à mon futur. J’ai donc décidé en 2017 de quitter l’Italie, Milan pour m’épanouir dans l’apprentissage des techniques verrières. L’apprentissage au Cerfav va me permettre de découvrir de nombreuses façons de travailler le verre : la pâte de verre, le verre soufflé, le verre thermoformé… Je décide donc de m’orienter vers le vitrail, attiré par la narration et le lien qu’établit ce domaine entre le dedans d’une architecture et le dehors. C’est une occasion pour moi de revenir à mon premier amour : le dessin et la peinture et de l’appliquer à la matière verre. Par la suite, en 2018, à nouveau sur les bancs de l’école, j’obtiens mon CAP Vitrail.
Qu’en est-il de vos créations aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je nourris mes créations de mes passions. Par exemple, la marche en nature va être le point de départ des mes pièces verrières intitulées : Paysages Imaginaires. Carnet et nécessaire d’aquarelle font systématiquement partie de mes randonnées. Moment idéal, vue imprenable sur l’immensité, je m’arrête et retranscris au mieux la nature qui m’environne. Ce sera mon point de référence une fois de retour à l’atelier. Grâce à une marqueterie de verre étagé, je vais minutieusement agencer les pièces une à une pour reformer un paysage.
Cette composition sera ensuite fusionnée à plus de 700°C.
Vous pouvez retrouver une de mes œuvres intitulée Poussières d’étoiles, dans l’exposition Verre. La genèse de cette œuvre m’est venu lors d’une marche. Ainsi, la découverte de fossiles dans la nature lorraine m’a questionné sur la vie, sa formation et notre temps de vie. Un parallèle évident avec la lecture du moment :
Les Métamorphoses d’Ovide où, après le déluge le seul couple survivant, Deucalion et Pyrrha jettent des pierres pour reformer l’espèce humaine.
De ces fossiles de millions d’années émergent des petites créatures en pâte de verre. Court-circuit de vie entre un temps reculé et le moment présent.
Venez découvrir l’œuvre d’Antonio Cos et bien d’autres dans l’exposition Verre – 30 ans d’innovation au Cerfav.
Propos recueillis par Fanny Marin
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