Rencontre avec Alix Bayle, lauréate du concours -30 de la D Galerie
Alix Bayle est une artiste à l’aube d’un long chemin artistique. En 2019, elle dévoilait pour la première fois ses photographies, lauréate du concours -30 organisé par la D Galerie à Paris, se faisant remarquer parmi d’autres artistes de moins de trente ans.
Fascinée par les paysages de ses voyages, l’intimité des scènes vivantes qui l’entourent, la couleur et la suspension éphémère de moments partagés, Alix expérimente le médium photographique comme un moyen de rendre visible une réalité précieuse, intemporelle. Sa photographie est bien souvent marquée par une composition qui balance d’un reflet à l’autre, met en scène la couleur dans un double équilibre qui interroge le sujet et sa représentation. Aujourd’hui, elle entend poursuivre sa recherche artistique en introduisant d’autres filtres dans son processus de création, utilisant le développement de ses photographies comme un espace de composition où l’accident, l’altération du film photographique devient l’un des sujets. Alix Bayle s’est confiée.
Bonjour Alix !
Bonjour Domitille, merci de me recevoir.
Nouveau né avec une œuvre déjà très construite, d’où vous vient cette envie de développer un travail artistique ?
Cette envie a pris forme au fur et à mesure du temps et des rencontres mais a débuté dès l’enfance. J’ai été marquée par les albums photo de mes parents où leurs voyages sont très présents mais aussi par le reportage de la vie qu’ils partagent avec leurs amis et leurs enfants. Ma grand-mère était aussi très sensible à l’histoire de l’art. Elle organisait notamment des concours photo pour la promotion de la conservation du patrimoine. J’ai eu la chance d’y participer et une de mes photos a été sélectionnée et exposée. Plus tard, c’est la rencontre avec cette amie passionnée d’histoire d’art qui a pris le temps de m’expliquer chaque oeuvre du musée Beaubourg, l’intention de l’artiste, son ressenti comme spectatrice. Ainsi, j’ai moi aussi eu envie de photographier mon quotidien, j’ai compris que la photographie est un art qui demande du travail et peut susciter des émotions.
La photographie semble être votre moyen d’expression privilégié, comment y êtes vous arrivée ? En envisagez-vous d’autres ?
La photographie et l’art visuel m’ont toujours beaucoup touchés. J’ai eu la chance très jeune, d’avoir mon propre appareil photo et d’utiliser des appareils jetables – le numérique n’existait pas encore ou peu. Avec le passage au numérique, j’ai eu la liberté de prendre des centaines de photos mais je ne retrouvais pas le même plaisir. Grâce à des ateliers argentiques pendant mes études j’ai retrouvé le goût à cette technique. J’ai aussi participé à des concours photos qui ont été déterminants pour avoir un oeil critique sur mon travail. J’ai pris confiance en moi lorsque j’ai réalisé que j’arrivais à faire passer une émotion à travers mes photos. Aujourd’hui la photographie argentique reste mon moyen d’expression préféré. Cependant j’aimerais élargir le champs des possibles en expérimentant la peinture directement sur des photos ou sur des négatifs.
Il y a dans votre œuvre Alix, des suspensions où l’on semble nous spectateurs, invités dans des instants qui nous semblent familiers. Comment abordez-vous vos sujets de représentation ?
Je suis moi-même spectatrice de ce qui se passe autour de moi, j’adore observer les inconnus qui croisent mon chemin mais aussi mes amis dans les moments que nous vivons ensemble ou dans leur intimité. Je trouve beaucoup de beauté dans la simplicité des moments que nous partageons avec les gens qu’on aime. Je veux capturer sur la pellicule un instant qui me semble précieux. Parfois j’ai de la chance : le paysage, la lumière et la composition me permettent de transposer la vision que j’ai en tête.
La couleur semble s’inviter comme une matière, un espace particulier. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Ma sensibilité à la couleur vient probablement encore une fois de mon enfance, j’étais très myope et refusais de porter mes lunettes, je vivais donc dans un univers de flou coloré. La lumière naturelle crée des couleurs exceptionnelles que je cherche à capturer. J’aime beaucoup utiliser des pellicules expérimentales qui créent des atmosphères et magnifient le sujet. Certaines vont créer une ambiance presque onirique. Cela ouvre le champs des possibles sans utiliser de logiciel digital. J’aimerais aller encore plus loin et développer moi-même mes photos, “cuisiner” les pellicules pour provoquer des imperfections, des taches de couleurs et ainsi créer des photos uniques.
Vous parlez souvent de l’importance des voyages dans vos explorations, de l’eau aussi comme un élément récurrent. En tant qu’artiste, que poursuivez-vous ? Qu’est ce qui vous anime le plus ?
J’ai effectivement beaucoup voyagé, j’adore ça. Il y a tellement de souvenirs que j’aimerais garder mais je fais attention de ne vivre pas le moment présent à travers l’objectif de mon appareil photo. Au bord de l’eau la vie va moins vite ce qui me permet de faire les deux. J’y trouve à l’état naturel cette atmosphère onirique que je cherche à reproduire dans le travail de la pellicule. J’y adore la lumière qui est spectaculaire, les reflets sur l’eau, les corps mouillés, le naturel des gens… Je suis aussi très sensible à la beauté des femmes que j’aime les prendre en photo dans leur simplicité et sans artifice. Mon moteur est de créer un lien entre elles et l’environnement qui les entoure pour mettre en image ce moment de vie dont je suis spectatrice.
Vous développez déjà plusieurs séries de photos bien distinctes, pouvez-vous nous parler de celle exposé à la galerie D ?
Cette série se passe sur la baie d’Halong au Vietnam. Je voulais garder ce moment de vie que nous partagions, cette sensation de “dolce vita”, de chaleur, de solitude au milieu de l’eau, l’insouciance que nous pouvions ressentir pendant ces deux jours. Au cours du développement de la pellicule, les négatifs se sont collés les uns aux autres, il a fallu les déchirer pour les retirer de la machine. Les altérations ainsi créées ont magnifié les photos.
Il n’est pas difficile de vous imaginer exposer prochainement d’autres œuvres passionnantes. Quels sont vos projets ?
J’aimerais développer moi-même mes pellicules, créer volontairement des altérations pour être un peu plus dans l’expérimentation, pour continuer l’expérience que j’ai eue avec les photos de la baie d’Halong. Je souhaiterais également me lancer dans l’autoportrait ce qui est un défi pour moi d’être devant l’objectif, pour faire des photos encore plus intimistes.
Propos recueillis par Domitille Bertrand, Commissaire d’exposition et directrice de la D Galerie.
Retrouvez le travail d’Alix Bayle sur son compte Instagram
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