RCF1 – Une fresque en forme de retrospective personnelle
RCF1 “Blackbook, The Remix” Jusqu’au 13 mars 2017 Pavillon Carré de Baudouin www.artazoi.com |
Près d’un an après son exposition «MOD» à la Superette, RCF1 revient, bombes à la main, sur le mur du Pavillon Carré de Baudouin dans le XXe arrondissement de Paris. Répondant à l’invitation de l’association Art Azoï, RCF1 rend hommage à ses années graffiti et aux différents styles qui ont jalonné son parcours avec une longue fresque sur fond de Soul et de couleurs primaires. «J’ai abordé ce mur comme une rétrospective personnelle. Un hommage au graffiti, aux lettrages, aux tracés directs. Je voulais que cela ressemble à un carnet de croquis, avec des lettrages épurés réalisés directement en contour noir. La première partie nous ramène en 2006, lorsque je peignais les trains de la ligne Nord. «Fetish» était l’un des noms que j’utilisais sur les «petits gris». C’est un nom qui m’a coûté cher lors de mon procès en 2008. Mes lettrages avaient alors un côté plus «new-yorkais» que ce que j’avais l’habitude de faire. Sur cette partie, on retrouve la motrice Z.6100 chère aux amateurs de trains gris ainsi que quelques éléments de la culture Mod comme le damier ou la cocarde anglaise.» «Le second lettrage est un «Mod 68» qui souligne mon attachement à ce mouvement alternatif né dans les années 60 en Angleterre. Esthétiquement, c’est un mélange d’influences qui me nourrissent depuis pas mal d’années. On y retrouve un design très «milieu de siècle», un mélange de graphisme et de mobilier des sixties, le tout mixé aux rondeurs du graffiti. Cela renvoie au sculpteur et peintre américain Alexander Calder, au studio Eames des designers Charles et Ray Eames et au style Knoll des allemands Hans et Florence Knoll, fabricants de mobilier particulièrement prolifiques et créatifs de l’après guerre.» «Ce lettrage RCF, je l’avais peint en 1994 dans le terrain P2B que Stone avait trouvé à Porte de Brancion. Plus tard, le terrain est devenu un hall of fame connu sous le nom de «la cuvette de Porte d’Orléans». Au mois de février 1994, nous nous étions réunis avec Opak, Fancie, Jiwee, Stak, Honet, Reno, Spher, Legz et Hoctez pour une longue fresque en compagnie des allemands Akim, Nick et Use qui avaient précipitamment quitté Berlin pour échapper à une vague d’arrestation liée au graffiti. Avec les P2B, nous avions alors une farouche volonté de nous détacher du style new-yorkais pour développer un style plus personnel, plus européen voire plus parisien. Ce lettrage est emblématique de cette époque-là.» «À la fin de l’année 1987, je réalise mon deuxième graff sur les voies ferrées de La Défense avec des lettres dynamiques inspirées de Futura 2000. Je ne connaissais alors personne dans le graffiti, je n’avais pas de crew et j’avais réalisé ce graff avec des bombes Aéro-Décor. Une peinture particulièrement tenace puisque le graff existe encore, près de trente ans plus tard. Ici, je lui ai rajouté une 3D bleue et ces effets vaporeux typiques des années 80.» «La dernière partie fait référence à la musique, plus particulièrement à la Northern Soul que je joue régulièrement en tant que DJ sous le nom de Jean Moderne. On y voit un patch «60’s Northern Soul», un logo avec une chouette que j’ai réalisé pour mes soirées. La chouette est le symbole de la Northern Soul, celui qui reste éveillé toute la nuit. Le lettrage Soul fait à la fois référence à la musique et à un graffiti que j’avais réalisé sur les quais de seine à Puteaux en 1987. Cela m’amuse de voir que trente plus tard, je suis toujours dans la Soul. Ce visuel composé de silhouettes est inspiré d’une pochette des Brothers of Soul dont le morceau «I’ll be grateful» fait partie de mon top 10. Tout autour, on retrouve ces yeux tirés des dessins animés des années 30 que je me suis approprié au fil du temps.» «Et puis j’ai un peu débordé du mur avec ce «fantôme» blanc à côté de l’arrêt de bus. J’avais commencé à en faire dans les rues de Paris en 1993, au départ c’était le point d’exclamation d’un throw-up qui s’est transformé en «fantôme». À cette époque, je cherchais une façon de me différencier des autres, une façon d’investir la rue différemment. C’était les prémices de la scène des logotypes qui s’est développée à la fin des années 90. J’ai du mal à intégrer ce motif dans mes fresques, pour moi c’est un throw-up donc il doit être sur un mur brut, c’est en quelque sorte son environnement naturel.»
Propos recueillis par Nicolas Gzeley [Crédits Photos : © Nicolas Gzeley / Spraymium Magazine ] |
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