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Quetzilla : “Il y a toujours matière à créer, il faut juste la chercher”

Antoine Faure 8 janvier 2021
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© Benjamin Navaron

Camille Rousset, de son nom d’artiste Quetzilla, peint depuis maintenant plus de huit ans sur toiles et sur les murs. C’est depuis sa formation en école d’art appliqués à Lyon qu’il développe un univers tant psychédélique que sentimental. Huit ans après, il interroge par ses formes et ses perspectives un spectateur qui voit ses repères brouillés. Rencontre avec cet artiste au talent indéniable.

En ces temps compliqués, plusieurs artistes, tout arts confondus, ont témoigné de leur difficulté à créer. Comment, toi, tu te positionnes face à ça ?

C’est vrai que c’est une période assez compliquée. Nous, en tant qu’artistes plasticiens et même dans la musique d’ailleurs, on s’inspire pas mal de ce qui nous entoure et de la vie. Besoin de sortir, rencontrer du monde, voir des spectacles, bref, voir des choses qui agissent sur notre inconscient créatif. 

Justement, en terme de création, tu sens que la tournure de cette crise t’a posé des difficultés ?

Écoute, j’ai toujours essayé d’être très positif face à cette situation. Ça a été pour tout le monde un moyen de se poser des questions sur notre vie d’avant, sur le monde : comment est-ce qu’on réagit à ce type de crise, comment agir, comment arriver à de réels changements… et ça, ça passe beaucoup par l’art. Justement, ça a été pour nous, artistes, le moment de faire un état des lieux et de réfléchir sur soi-même. Du coup, j’ai plus traité des sujets introspectifs. Il y a toujours matière à créer, il faut juste la chercher.

On peut parler de ton expo à l’Épicerie Moderne qui, à cause du covid, n’a malheureusement pas pu se dérouler comme prévu. Tu as pu quand même en tirer quelque chose de positif ?

Il y a toujours du positif comme je l’ai dit. Malheureusement, c’est vrai que cette expo a pas mal été chamboulée : changement de format dû aux restrictions sanitaires, lieu assez excentré, l’arrivée du couvre-feu à ce moment-là… Ça n’aidait pas les gens à réserver des places. En revanche, ça a été l’occasion pour moi de faire des ateliers où j’ai présenté mon travail face à des groupes. C’était le gros point positif : il y a eu du passage, on a fait une fresque participative, il y a eu de beaux échanges. J’ai pu bosser avec l’équipe de l’Épicerie Moderne que je ne connaissais pas et qui est vraiment engagée dans ce qu’elle fait, ça fait du bien.

Dans tous les cas, je crée. C’est un peu frustrant de faire une expo en cette période de pandémie mais il faut que la culture persiste. L’équipe de l’Épicerie Moderne et moi-même avons tout fait pour maintenir cette exposition. C’est une manière de montrer qu’il se passe encore des choses. C’est important pour le moral de tous. On reste positif !

Trop bien pour la fresque participative ! Tu peux nous en dire un peu plus ?

Oui, bien sûr ! On a fait ça sur les vitres de l’Épicerie moderne. J’avais préparé de mon côté des visages, que j’ai dessiné directement sur les vitres et j’ai pu ensuite faire intervenir un premier groupe de jeunes. Ils ont créé des formes abstraites : le but c’était de les guider mais de les laisser créer librement, s’évader sans leur donner de limites. Du coup, ils étaient super à l’aise et le résultat final était vraiment cool ! Puis on a eu un deuxième groupe, un mélange jeunes/adultes qui a complété la fresque. C’était top, l’Épicerie Moderne était contente, les gens aussi et moi de même, ça a profité à tout le monde !

© Quetzilla

Tu as posé tes valises à Lyon dans la Casa Mamy avec d’autres artistes, comme Chufy. Tu peux nous raconter comment ça se passe ?

Yes ! On a eu beaucoup de chance d’emménager dans ce lieu à Guillotière, juste avant le premier confinement. On est quatre artistes dans ce projet : Chufy, Kesadi, Ludo et moi-même. C’est un bel espace qu’on a aménagé comme on voulait. On a aussi mis en place notre nouveau petit plus : la sérigraphie. Depuis septembre, on a bien bossé là-dessus et on fait venir un artiste tous les mois. On lui offre les sérigraphies, il nous fait un petit carré sur un mur, et l’artiste nous cuisine même son plat signature ! Le but, c’est vraiment de passer un bon moment et de créer du lien.

CasaMamy

© Quetzilla

Génial ! Vous avez déjà reçu un artiste ?

On a commencé en septembre avec Ludo, qui fait partie de l’atelier, c’était plus un test pour la sérigraphie. On a ensuite fait intervenir Ynot en octobre et en novembre on a eu une collaboration avec Benjamin Navaron puis avec le graffeur 1conue. En décembre, on recevra l’artiste Belonie Ovize.

On peut dire que tu es un artiste qui ne se restreint pas à un support : on t’a vu à l’œuvre sur un skateboard, un tonneau, une pochette vinyle et même sur un plancher à l’occasion du festival peinture fraîche. Est-ce que c’est une volonté de ta part, ou tu te laisses tout simplement guider par ton inspiration à un moment donné ?

Personnellement, j’aime de plus en plus travailler avec le bois. Il y a vraiment quelque chose d’authentique. Même si parfois il est retravaillé et que ce n’est pas toujours du bois brut, il y a toujours un rapport avec cette matière qui est “vivante”.  C’est plus original qu’une toile et, même par rapport à ma technique, c’est plus intéressant à travailler plastiquement. Le skate, c’était parfait ; le tonneau, c’était encore autre chose… Donc ouais le bois c’est vraiment un de mes supports favoris du moment.

DiVinClairDeLuneTonneau

© Quetzilla

D’ailleurs, est-ce que tu sens cette même liberté de s’exprimer plastiquement sur du bois que sur un mur en ville ?

Sans te mentir, je commence vraiment à préférer travailler en atelier. Ce n’est pas la même manière de travailler, ni la même approche. Déjà, il y a une notion de temps : on réfléchit un peu plus je trouve en atelier que sur un mur extérieur par exemple. On y va expressément et ce sera plus instinctif. Le résultat n’est donc pas toujours là et, justement par rapport à mon travail, ça me demande beaucoup plus de temps pour arriver à un résultat pleinement satisfaisant sur mur. Ça demande énormément d’adaptation… Après, c’est très intéressant de faire les deux. Le mur, ça parle plus, c’est plus “accrocheur” mais c’est une toute autre démarche. Tu ne vends pas ton œuvre, tu offres un peu de ton art aux gens. En ce moment, je préfère travailler en atelier. J’ai l’impression d’apprendre plus.

Bon, on va quand même parler de la rue. On a vu pas mal d’œuvres à toi un peu partout en France et à l’étranger durant tes voyages. Le Liban étant ta dernière destination. Qu’as-tu tiré de ce pays magnifique ? D’un point de vue artistique et personnel.

Oui, je me suis clairement fait plaisir. Ce qui était intéressant, c’était la relation avec la population. Ils sont super accueillants et ils demandent à avoir de la couleur sur leurs murs. Que ce soit sur de la propriété privée ou publique, ils sont très friands de ça. Ce qui a été surprenant, c’est cette impression de pouvoir repeindre toute la ville. Il reste énormément de maisons de l’après-guerre, un peu délaissées par le gouvernement, qui sont de vraies morceaux d’histoire. Il y a quelques organisations qui se battent pour conserver cette histoire et ces bâtiments et c’est bien !
D’ailleurs, j’ai rencontré le graffeur Meuh à ce moment-là qui est de Paris et qui a vécu trois ans là-bas. Il m’a vraiment aidé à comprendre comment les choses se passent là-bas en tant qu’artiste, comment la ville vit par rapport à l’histoire. Lui, d’ailleurs, ne peint que sur des moellons dans des parties de la ville reconstruite, il ne peint pas sur les murs d’origine. C’est une forme de respect du pays, de la ville et de son histoire. Je trouvais sa démarche intéressante et respectueuse donc j’ai décidé de faire de même. Je suis resté un mois, j’avais bien le temps de chercher des murs que je pouvais peindre et il y a vraiment du potentiel…

Par rapport à la France, c’est vraiment autre chose. Ici, tous les artistes ne respectent pas ça. Peindre sur un mur qui regorge d’histoire, je trouve ça assez bizarre. C’est un peu irrespectueux selon moi. Si il y a de l’importance dans le mur que t’as envie de graffer, tu te retiens et tu préserves l’histoire. Je trouve ça vraiment important de garder cette base.

Pour parler un peu plus technique, je m’interroge sur les notes de bleus et de reflets/d’opacité dans tes dernières œuvres. Est-ce que c’est une technique que tu as utilisée volontairement ?

Alors déjà, oui, le bleu a toujours été ma couleur phare. Ça c’est vraiment instinctif, j’ai toujours aimé travailler cette couleur et ses nuances. Ensuite, par rapport à la transparence, c’est vrai que c’est une évolution assez récente. En fait, mon but a toujours été de travailler le mouvement, c’est comme ça que je me définis. La volonté, c’est vraiment de rester dans ce thème avec des courbes, des lignes et ce genre de mouvements, souvent psychédéliques. Tout ça évolue bien sûr, notamment avec les visages et les proportions que je travaille de plus en plus. Je cherche à créer du mouvement sans qu’il y en ait réellement.

Je m’inspire énormément de la chronophotographie où il y a plusieurs étapes dans l’évolution d’un mouvement. Et du coup avec les transparences, j’apporte quelque chose d’encore plus fantomatique. Ce qui est intéressant, c’est de brouiller les pistes, d’arriver à quelque chose d’un peu abstrait. Pourtant je travaille dans le figuratif ! Avoir plusieurs lectures devant une œuvre est quelque chose que je recherche.

Une petite recommandation pour clôturer cette interview ?

Là, comme ça, comme je m’inspire pas mal de la musique dans mon travail, je dirai qu’il faut aller écouter le dernier album de Dirty Art Club qui est sorti il y a vraiment pas longtemps, c’est très cool. 




Retrouvez l’artiste sur Instagram et sur son site Internet

Propos recueillis par Antoine Faure

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