Quentin DMR : “Le but principal c’est de faire parler des personnes grâce à l’art”
Quentin DMR est un artiste urbain engagé : à travers ses photos originales et captivantes il fait parler les catégories d’hommes les moins écoutées. Rencontre avec l’artiste.
Est-ce que tu pourrais nous expliquer ton parcours ?
Après mon bac j’ai commencé à travailler dans le commerce. J’ai arrêté assez rapidement car cela me fatiguait moralement. Ensuite, je me suis orienté vers le social où j’ai fait un BP JEPS Animation social. Je travaillais dans un foyer de jeunes travailleurs avec des gens originaires du monde entier et qui venaient dans un foyer pour s’intégrer en France. Mon rôle c’était vraiment de les aider à trouver un travail, donc à faire leurs CV, lettres de motivations, les aider dans les démarches d’autonomies, le but n’étant pas de rester tout le temps dans le foyer mais de pouvoir être autonome.
Ça c’était mon travail de base et ensuite j’ai réorienté le boulot aussi sur des projets culturels : donc à l’intérieur du foyer on a créé des films, des albums, des fresques murale, fait de la peinture. J’ai toujours été un passionné d’art et de photographie mais c’est à ce moment-là où j’ai commencé à faire des projets en groupe, avec la participation des gens, et où je me suis dit que j’avais envie de faire passer un message sous forme artistique.
De fil en aiguille j’ai continué et après j’ai arrêté de travailler et je me suis lancé en solo dans ma manière de faire de l’art. Ça fait maintenant depuis 2014 que je fais que ça.
L’humain est toujours présent dans tes œuvres, même si par fragments. Pourquoi c’est important que des personnes communes, de tout âge et origine, soient collées en grandes dimensions dans la rue, l’espace le plus démocratique par excellence, auquel tout le monde a accès ?
Tout le monde y a accès et c’est gratuit.
En fait l’idée de base c’est que chaque projet est complètement différent c’est-à-dire que, même si je travaille toujours sur l’humain, ça va être différent type de personne. Le but principal de chaque projet, au-delà de l’esthétique, c’est de pouvoir parler des personnes, de faire parler d’elles grâce à l’art, de rendre hommage à des personnes qu’on ne met habituellement pas forcément en avant, de faire en sorte qu’on s’intéresse à leur cause.
Par exemple dans le cas de mon dernier projet sur les lycées d’excellence, j’espère avoir expliqué aux gens via l’art ce qu’était un lycée d’excellence : le nom porte à confusion car on peut croire que c’est destiné à l’excellence alors que c’est totalement l’inverse. C’est un peu le lycée des jeunes qui ne peuvent aller nulle part. J’espère avoir éclairé qui était dedans, ce qu’il apportait aux élèves : ne pas forcément faire une formation professionnelle mais ne pas être dans la rue non plus, continuer l’école mais sur un autre biais, avec des enseignements différents.
La forme de déstructuration que j’ai trouvé c’est de pouvoir d’abord intégrer plusieurs personnes dans une même œuvre, qu’il y ait un côté anonymat même si on parle des gens. En effet, c’est très délicat de coller une photo en dimension géantes, les gens sont assez réticents, et ça apporte un coté créatif dans le sens où ceux qui regardent ne savent pas au début ce que c’est.
C’est un peu comme pour un jeu ou puzzle, dans un premier temps on ne sait pas trop ce que c’est et après on passe du temps devant l’œuvre, et on essaie de remodeler un peu tout, on voit qu’il y a différents degrés de lecture qu’on essaie de remettre dans l’ordre, ou pas du tout. C’est ce que je trouve intéressant dans l’art : chacun est libre de faire ce qu’il veut.
Tu pourrais justement nous parler davantage de ta dernière exposition, Identité Interne, à la Galerie Artistik Rezo ?
En règle générale, pour les tableaux, je travaille la matière. Je suis photographe plasticien du coup la matière plastique est très importante. Par exemple, l’exposition que j’ai faite chez Artistik Rezo il y a deux ans c’était sur l’architecture, principalement sur les Tours Trump, pour dénoncer la grandeur, l’ultra-puissance et l’argent. J’ai décidé de déstructurer ces immeubles : c’était un peu une manière pour moi de casser son projet, de casser ses tours. Pour faire ça par rapport au tableau j’ai uniquement utilisé des matériaux qui intègrent une construction d’immeuble : du plastique, du fer, du verre et du métal.
C’est un peu pareil pour la dernière exposition avec les élèves dans le lycée d’excellence. Tous les tableaux sont issus de récupération d’objets qui peut y avoir dans un internat : des lits, des tiroirs, des extincteurs. Ce sont des choses que j’ai récupéré dans les internats d’excellence et que j’ai retravaillé pour en faire un objet créatif. L’expo va ré-ouvrir mardi 9 juin 2020 et restera jusque début juillet.
Quels sont tes projets pour le futur ?
Je vais faire un mur de 300 mètres carrés à Massy. Ça va être un mur architectural, le résultat des expositions que j’ai faites il y a un an et deux ans. En outre, je vais faire une fresque dans un foyer du 13ème arrondissement à Paris qui s’appelle la Mie de Pain.
J’avais pas mal de projets prévus avant le confinement mais pour l’instant je ne peux pas m’avancer car je ne sais pas quand et comment ils seront reportés.
Plus d’informations sur Quentin DMR sur sa page Instagram.
Propos Recueillis par Violagemma Migliorini
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