Quand l’art est source d’inspiration…
L’art inspire l’art : si la peinture permet d’illustrer certaines œuvres comme Marc Chagall qui illustre les Fables de La Fontaine, la peinture influence aussi des écrivains et des cinéastes. Focus sur certaines oeuvres qui s’inspirent de la peinture et de la vie d’artistes.
Les auteurs veulent transmettre les émotions des peintres
Tout d’abord, de par les émotions et les histoires qu’il transmet, l’art peut fasciner. C’est cette fascination qui inspire les auteurs et qu’ils cherchent à retransmettre aux lecteurs. Cette fascination est parfois accompagnée d’une profonde noirceur, d’une folie dévastant la vie des personnages. Il semble impossible de ne pas tout de suite penser au Portrait de Dorian Gray, unique roman d’Oscar Wilde datant de 1890. Dorian Gray, après avoir vu sa beauté dans son propre portait, souhaite la jeunesse éternelle, qui ne se fera pas sans prix… Les mêmes thèmes sont repris par Edgar Allan Poe, traduit par Charles Baudelaire, dans sa nouvelle Le Portrait ovale de 1842, un peintre se laisse prendre par sa passion en réalisant le portrait de son épouse et, en atteignant la perfection, entraine sa femme dans la mort. De même pour la nouvelle fantastique Le Portrait de Gogol écrite en 1835 avec un peintre qui, par paresse choisit la facilité, mais jaloux d’autres peintres finit par sombrer dans la folie.
En s’éloignant de l’aspect fantastique des œuvres précédentes, des auteurs sont inspirés et veulent transmettre les difficultés des artistes, leurs souffrances. Émile Zola dans son roman L’Œuvre, 1886, rappelle la passion et la frustration créatrice dont souffre de nombreux artistes avec le personnage de Claude Lantier, peintre acharné ne finissant jamais une œuvre. Ce roman n’est pas sans rappeler la nouvelle de 1831 d’Honoré de Balzac, Le Chef-d’œuvre inconnu avec le maître Frenhofer, qui après dix ans trouve l’inspiration pour finir un tableau mais sombre dans le désespoir en voyant les réactions après l’avoir montré. L’artiste peut aussi souffrir de difficultés psychologiques que veulent partager les auteurs, comme David Foenkinos dans son roman Vers la beauté, 2018, mettant en scène un professeur des Beaux-Arts de Lyon quittant son prestigieux poste pour devenir gardien au musée d’Orsay, suite à un traumatisme.
Aussi, les sentiments amoureux ou la peine qu’ils entraînent sont souvent des moteurs à la création. Pourtant parfois les ruptures peuvent au contraire couper l’artiste de son art. Comme par exemple le roman de 1875 Roderick Hudson d’Henry James, le personnage Roderick, peintre, sombre dans la dépression après de multiples déceptions amoureuses et ne crée plus.
Les auteurs s’inspirent aussi des mystères des peintures
Certaines peintures sont au cœur de nombreux mystères, ce qui permet aux auteurs de créer des enquêtes. Par exemple, Mon nom est Rouge, roman d’Orhan Pamuk de 1998, raconte une enquête de meurtre d’un enlumineur lors de l’illustration d’un manuscrit, nous permettant de plonger dans les miniatures ottomanes et persanes du XVIème siècle.
Juan Manuel de Prada écrit lui aussi une enquête policière dans Tempête, 1997, avec un maître-assistant en histoire de l’art qui devient témoin d’un meurtre et de trafic de tableaux de maître. Josephine Tey publie en 1951 le roman La Fille du Temps qui suit le personnage de l’inspecteur Alan Grant, qui enquête après avoir vu un tableau de Richard III et le trouve innocent, contrairement à ce qu’il reste de lui dans les mémoires. L’inspecteur mène son enquête pour éclaircir sa supposée implication dans les assassinats de ses deux neveux.
De plus, des auteurs peuvent aussi tenter de répondre à des énigmes que posent certains tableaux. Ainsi, Tracy Chevalier imagine l’histoire du tableau de La Jeune fille à la perle, de Vermeer, en racontant l’histoire de la jeune fille, si mystérieuse, qui serait à l’origine de ce tableau. Tracy Chevalier écrit aussi un autre livre sur la tapisserie médiévale La Dame à la licorne, en nous interprétant son histoire, des intrigues historiques…
Pierre Michon, dans Les Onze en 2009, écrit un roman sur un fictif tableau d’un fictif peintre François-Élie Corentin sur les onze personnalités du Comité de salut public au temps de la Révolution française. Michon réussit à mêler contexte historique et fiction.
Pour finir, des auteurs s’inspirent de la vie et des relations des artistes
Enfin, nous avons des livres inspirés du réel et des vies d’artistes comme Charlotte de David Foenkinos, roman de 2014, sur la vie de Charlotte Salomon, une peintre allemande morte très jeune à Auschwitz. En effet, certaines vies d’artistes et certaines relations fascinent et inspirent des auteurs comme Le Clézio qui fait paraître en 1993 Diego et Frida, retraçant la relation compliquée des deux artistes Diego Rivera et Frida Kahlo ainsi que le contexte historique mexicain de l’époque. Beaucoup plus récemment, en 2019, Claire Berest publie Rien n’est noir sur les deux mêmes artistes. Dominique Bona en 2006 écrit une biographie Camille et Paul : la passion Claudel.
Des oeuvres littéraires font aussi part de l’activité artistique
L’art fait parfois scandale, dérange, et créer des débats : sur ce qui peut être appelé “art”, ce qui peut être considéré comme “œuvre d’art”, qui peut juger de cela, comment reconnaître un artiste… Cela entraîne parfois des procès : Brancusi contre les États-Unis retrace le procès du peintre en 1927 contre les États-Unis lorsque les douanes ne reconnaissent son œuvre comme une œuvre d’art mais comme un objet utilitaire et veulent ainsi le taxer. Ces discours et critiques sur l’art contemporain sont repris dans la pièce de théâtre Art de Yasmine Reza, 1994.
Certains critiques, historiens de l’art, écrivent sur l’art. Cela est le cas de Théophile Gautier qui écrit de nombreux articles pour la presse. Mais aussi Ernst Gombrich, publie en 1950 la très classique Histoire de l’Art, qui tente de retracer l’art. Plus récemment, les éditions Flammarion publient plusieurs ouvrages d’histoire de l’art, regroupé par époque (Préhistoire et Antiquité, Moyen-Âge, Temps Modernes, Époque Contemporaine).
Nous avons aussi d’un grand historien de l’art, Daniel Arasse, des échanges sur de nombreux tableaux. Celui-ci parle de ce que l’on peut voir et tout ce que peut apporter les tableaux dans On n’y voit rien et le livre Histoire de peintures regroupe des émissions faites sur France Culture notamment sur son tableau préféré, sur les mystères de la Joconde, le travail de perspective dans de nombreux tableaux…
Pour aborder le sujet des couleurs, Dominique Simonnet et Michel Pastoureau ont écrit Le Petit livre des couleurs sur leurs importances, leurs significations et leurs évolutions, puisque les couleurs sont liées aux mentalités à travers les siècles.
Les cinéastes s’inspirent aussi de l’art : ceux-ci adaptent des livres et la vie d’artistes
Tout d’abord, du côté du cinéma, certains films sont des adaptations de livres sur l’art : cela est le cas pour La Jeune fille à la perle, en 2003 avec Scarlett Johansson et Colin Firth.
Ensuite, comme les livres, des films reprennent la vie et parfois la mort des artistes qui fascinent. Par exemple deux films sur Van Gogh sont sur Netflix : An Eternity’s Gate en 2018 avec Willem Dafoe dans le rôle-titre et Oscar Isaac et Madds Mikkelsen. Ainsi que La Passion Van Gogh, 2017, très particulier puisque le film est animé à partir des toiles du peintre. Nous avons aussi la vie de l’artiste coréen de la fin du XIXème siècle Jang Seung-eop, sous le nom d’artiste Owon, qui est reprise dans le film de 2002 Ivres de femmes et de peinture. De plus, des cinéastes se concentrent sur certains moments importants de la vie d’artistes. Cela peut être le cas lors de voyages, déterminants pour des artistes. Nous avons par exemple le voyage de Gauguin à Tahiti retracé dans le film Gauguin, 2017, avec Vincent Cassel.
Comme pour les auteurs, certaines relations inspirent les cinéastes : nous avons par exemple la relation entre Cézanne et Zola dans le film Cézanne et moi, 2016, avec Guillaume Canet et Guillaume Gallienne. Mais aussi le film The Final Portrait de Stanley Tucci, 2017, avec Armie Hammer et Geoffrey Rush sur la relation entre Alberto Giacometti et James Lord, peu de temps avant la mort de l’artiste. Enfin, Portrait de la jeune fille en feu, 2019, aborde la rencontre puis la relation entre une peintre et son modèle dont elle doit faire le portrait avant son mariage.
Les cinéastes tentent parfois de mettre en avant des artistes féminins, trop souvent dans l’ombre
Parfois oubliée de l’histoire, des artistes peintres féminins sont mises à l’honneur. Comme l’artiste Maud Lewis, femme de ménage avant de vendre ses peintures, dans le film Maudie, 2016, avec entre autres les acteurs Sally Hawkins et Ethan Hawke.
Nous avons aussi un film d’animation de 2015 Miss Hokusai sur O-Ei, dans l’ombre de son père, l’artiste Katsushika Hokusai. Ou encore, Paula, film sorti en 2016, est sur la vie de l’artiste Paula Becker et son combat pour pouvoir peindre, et être reconnue.
Les films mettent aussi en lumière des luttes
Pour finir, certains films évoquent certains combats comme dans le film La Femme au tableau, 2015, sur le combat de Maria Altmann pour récupérer les tableaux de Gustav Klimt que possédait sa famille avant la Seconde Guerre mondiale et qui ont été confisqués par les nazis, avec entre autres, le tableau portrait de sa tante, Adele Bloch-Bauer.
Le combat pour retrouver les œuvres saisies par les nazis est aussi au cœur du film de George Clooney dans Monuments Men 2014 avec le gros casting d’acteurs Matt Damon, Cate Blanchett, Jean Dujardin, Bill Murray, John Goodman… Pour finir, le documentaire Noire est la couleur, 2016, revient sur des artistes afro-américains, leur combat pour être exposé et reconnu par le grand public.
En conclusion, l’art est source d’inspiration. Il ouvre le champ à l’interprétation et à la fascination mais permet aussi d’aborder la souffrance qu’entraîne la création. L’artiste est une personne, avec des relations et une histoire parfois oubliées, qui doivent être partagées pour lui permettre de continuer à exister.
Propos de Clara Fromigué
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