Printemps de Bourges 2010
Pour l’occasion, les organisateurs ont décidé de passer à la vitesse supérieure en engageant quelques têtes d’affiche bien calibrées pour épauler de nombreux groupes prometteurs, tout en mélangeant élégamment les genres pour une programmation définitivement plus éclectique qu’à l’accoutumée.
Durant cette semaine printanière,Artistik Rezo était sur place pour constater l’ampleur de ce changement radical, sous le soleil, bien évidemment. Surprise, ceux que l’on attendait ont souvent déçu et à contrario, de bonnes nouvelles sont venues éblouir les quelques salles allouées aux artistes. Retour sur quatre jours passés dans la capitale du Cher.
-E- comme Exceptionnel
Mardi 13 : Pour cette soirée inaugurale, c’est dans un Phénix affichant complet que-M- remplit sa mission de lancer les hostilités du festival. Pour l’occasion, le performer français bénéficie d’une aide très précieuse grâce aux jeunes Gush qui ne font pas que chauffer la salle en livrant un set honorable et en montrant une certaine sérénité face à un public déjà acquis à la cause de leur aîné.
Après un instrumental introductif apocalyptique, Mathieu Chédid fait une entrée fracassante sur scène, brisant au passage le cœur de la toile de fond, représenté par un éclair. Durant une heure et demi, le virtuose alterne le bon et le très bon et récite ses classiques avec brio comme sur cette version épique de Je dis aime (plus de dix minutes). Entre temps, le front-man mégalo traverse la foule avec sa fender en bandoulière, plaisante avec les élus locaux sagement assis dans les tribunes et arrive à mettre les six mille âmes présentes à terre après avoir demandé un silence complet. Et de repartir sur un rythme endiablé. Peu avare en gentillesse, l’homme à la coupe de cheveux improbable reprend leClose to me desCure et le public lui rend bien.
On peut ne pas aimer la musique parfois complexe de ce personnage schizophrène, il n’empêche. Visuellement, sa prestation était Exceptionnelle.
-D- comme décevant
Mercredi 14 : Ce mercredi devait être le jour le plus attractif de toute la semaine tant les artistes proposés au Phénix le soir faisaient office de valeurs sûres de la scène hexagonale et internationale. Il n’en est rien. Malgré la logistique déployée pour l’ensemble des prestations, ceux qui devaient être les héros du festival ont déçu à l’exception d’Emilie Simon qui, malgré un set trop carré, ne s’est jamais éloignée de ses racines musicales spatiales et euphorisantes.
18h30 : A l’ouverture des portes, une poignée de jeunes fanatiques se dirigent vers les barrières devant la scène en courant pour attendre avec impatienceIzia.La jeune femme, si calme quelques heures plus tôt enconférence de presse, devient tout à coup une véritable bête de scène et crie à tout va durant un set débridé, marqué par de nombreuses approximations qui ne créditent pas la chanteuse qui en fait trop, dédicaçant au passage une chanson « à une connasse ». Seuls les jeux de lumières stratosphériques sauvent une prestation assez pauvre contrairement à celle d’Emilie Simon qui ne sur-joue pas sa musique et balance en toute tranquillité les compositions new-wave de The big machine. La sauce prend bien devant un public impatient de voir se produire Archive. Sous des effets stroboscopiques permanents, les Anglais enchaînent les titres dans un enfer sonore appuyé par des basses omniprésentes et un chant très approximatif.
Dans leur univers, les Archive n’ont que leurs classiques à revendre (I’m finding it so hard, sane) et laissent une place royale à Iggy Pop et ses Stooges, nouvelle génération. Pour le coup, pas de superflus, les Américains optent pour un équipement minimal pour un son brut. A peine la première chanson terminée, Iggy se débarrasse de son gilet en cuir et se déhanche comme un forcené sur des titres moins directs et efficaces qu’à l’époque où Ron Asheton officiait encore au sein du combo de Detroit. Au fur et à mesure du concert, la lassitude se ressent. Le meilleur moment du concert reste la joie des quelques heureux spectateurs venus partager de précieux instants avec l’iguane sur scène.
-I- comme Impressionnant
Jeudi 15 : Ce jour- ci, c’est au Palais d’Auron que l’attraction rock principale se déroule avec les BB Brunes, précédés d’Eiffel et des (désormais) vétéransNada Surf. Ces derniers, qui viennent présenter un album de reprises, regrettent de jouer si tôt (18h), ce sur quoi le chanteur plaisante, dans un français quasi-parfait : « On va essayer de faire comme si c’était la nuit. » Ceci étant dit, le quatuor livre une prestation nette et assène des refrains tranchants. Mais les Américains n’arrivent réellement à attirer l’attention du jeune public que sur deux titres, victimes de leurs gloires passées (Popular et Always love) contrairement à Eiffel qui étonne son monde avec ses compositions intimes, narrées à la perfection par un Romain Humeau toujours aussi possédé. Le groupe ne s’encombre pas de longues phrases inutiles, préférant ainsi faire partager sa messe rock et établir le chaos. Les quatre Français tirent leur révérence pour laisser place aux très attendus BB Brunes qui montent sur les planches duPrintemps de Bourges pour la troisième fois.
On aurait pu parier sur une prestation quasi quelconque. Erreur, le groupe enchaîne ses titres avec une incroyable intensité, Karim maltraite ses fûts tandis que Bérald et Félix donnent la réplique à Adrien qui arbore un chapeau melon. Original, le fait que le quartette ne joue que des titres de son deuxième album jusqu’aux bons vieux standards que sont Le gang et Dis-moi qui passent comme des classiques aux yeux d’un parterre rajeuni. En fait, la tête d’affiche du Palais d’Auron a impressionné et a livré l’un des meilleurs concerts du festival.
Un récital Folklorique
Vendredi 16 : Après une journée ensoleillée et une rencontre avec les Plastiscines en point presse, direction le chapiteau pour voir se produire Gaëtan Roussel, ancien leader de Louise Attaque. Dans un registre définitivement différent de celui connu avec son ancien groupe, le sympathique chanteur use d’influences diverses pour proposer un spectacle intéressant mais n’arrive pas à faire l’unanimité au sein d’un public venu (encore une fois) nombreux pour voir lesCaravan Palace et qui n’est pas déçu devant la prestation de Rodrigo y Gabriela, qui déballent une panoplie hallucinante de technique dans leur récital folklorique. A la façon des White Stripes, les deux se comprennent sur de simples regards et impressionnent.
Curieux de découvrir de nouveaux talents, on part inspecter les lieux du 22 Est, à quelques hectomètres de là. Pour l’heure, c’est auxLadylike dragons que revient la tâche d’ouvrir cette soirée devant les quelques trois cents personnes présentes. Durant quarante minutes, le trio rock-garage envoie des décharges électriques (Heart burst) par l’intermédiaire de son guitariste (qui rappelle Sergio Pizzorno de Kasabian) et propose des titres dansants à souhait (My need of naughtyness) qui attirent la ferveur générale. La chanteuse, d’ordinaire timide, se démène corps et âme pour défendre son disque au son de sa basse et au groupe de conclure sur une chanson supplémentaire, réclamée par le public.
Le samedi, le rédacteur de ces lignes rejoignait ses contrées normandes avec l’amertume du départ en prenant rendez-vous avec Bourges en 2011, pour sûr.
Olivier Cougot
Lire aussi sur Artistik Rezo, l’interview de Madjo au Printemps de Bourges.
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