Portrait : l’artiste Janice Mascarenhas et le symbole du cheveu afro
Janice Mascarenhas est un.e artiste afro-brésilien.ne dont le travail consiste en une recherche visuelle autour de la diaspora africaine, explorant l’histoire de ses ancêtres et la symbolique du cheveu afro, composante universelle de l’identité africaine.
Son travail aux dimensions politiques, sociales et culturelles, illustre la multiplicité actuelle et l’ouverture de l’art contemporain. Retour sur le parcours de l’artiste, aux multiples casquettes : à la fois sclupteur.rice, artiste visuel.le, curateur.rice et directeur.rice artistique.
Enfance à Rio de Janeiro, entre art et salons de beauté
Originaire de Rio de Janeiro, Janice Mascarenhas a grandi dans une favela. Sa mère travaillait dans des salons de beauté, et son grand-père était peintre dans la restauration d’églises. Dans ce foyer créatif, son père lui a appris jeune à peindre et dessiner, et iel sculpte aussi depuis ses 7 ans.
Janice commence à travailler en tant que tresseur.se dans un salon de beauté à Rio en 2016. Très vite, ce travail le.la nourrit de récits de personnes noires, de souvenirs qu’iels sont à l’aise de partager, notamment sur leur rapport à leurs cheveux afro. Ceux-ci font écho à des témoignages de personnes entendues dans son enfance et son adolescence. Commence alors à émerger un questionnement artistique sur le symbole du cheveu afro et tout ce qu’il peut signifier et révéler.
Dès lors, Janice devient sculpteur.rice à mi-temps, tout en continuant de travailler dans ce salon de coiffure.
Une pratique artistique aux multiples inspirations et techniques
Sa pratique riche et pluridisciplinaire se situe au carrefour de nombreuses croyances, techniques, matériaux et supports.
En effet, les références et influences du travail artistique de Janice viennent d’où iel a grandi : de son enfance dans les favelas de Rio, de son mode de vie en tant que tresseur.se en salon de beauté, et de ses croyances spirituelles : le Candomblé. Cette religion, mélange de catholicisme, de rites indigènes et de croyances africaines, est fondée sur la croyance de l’existence d’une âme propre à la nature. Chaque dieu est associé à un élément naturel (eau, forêt, feu, éclair, etc.). Le cheveu est considéré comme très important : il représente la vie même, et comment elle peut se manifester en tant qu’extension de l’esprit.
Ainsi, ses sculptures contiennent souvent des éléments naturels tels que de l’argile ou des cheveux, mais aussi du plâtre, de la céramique, du latex, du crystal… Iel aime se servir de matériaux réutilisés et/ou naturels. Ses techniques sont également diverses (sculpture, recherche visuelle, vidéo, dessin…).
Au-delà de ses croyances spirituelles, pour Janice, le cheveu raconte l’histoire des civilisations. Iel utilise les cheveux comme protagonistes de la narration de l’histoire collective de la diaspora africaine. Iel explore l’histoire de ses ancêtres, et essaie de comprendre ses racines en tant qu’afro-bréslien.ne faisant partie de la diaspora africaine. L’artiste s’interroge plus largement sur l’histoire de l’Afrique, du monde, et sur comment survivre dans un monde post-colonisé et dominé par les esthétiques caucasiennes.
Qu’il s’agisse de tresses sculpturales façonnant des mots, de dreadlocks incorporant des fleurs, des perles, des personnages miniatures et des masques d’argile, les créations de Janice Mascarenhas sont à la fois visuellement saisissantes et riches de sens.
Participation à Dazed100 et film Anatomia Da Diaspora
Travaillant peu à peu avec des marques sur le marché brésilien, l’artiste atteint une certaine notoriété sur Internet, est nominé.e et gagne le concours « Dazed100 » en 2021.
Plateforme lancée par le magazine Dazed, Dazed100 met chaque année en lumière le travail de 100 créatifs, autour d’une thématique. En 2021, l’édition a eu lieu avec le soutien de Converse, avec 30.000$ à la clé. Les participants étaient en compétition afin de répondre à la question : « Comment allez-vous façonner l’avenir ? », et expliquer comment ils souhaitent inciter à un changement positif dans le monde, le but étant de financer un projet créatif ou philanthropique.
Ce titre lui a notamment permis d’avoir une certaine couverture médiatique autour de son travail et de ses recherches, et de lui ouvrir des portes dans le monde de la mode.
Surtout, iel a pu réaliser son projet Anatomia Da Diaspora : un court film tourné dans 6 pays d’Amérique, d’Europe et d’Afrique, avec des récits d’artistes noirs originaires du monde entier (Brésil, Cuba, Maroc, France, Gabon, Portugal, Allemagne, Botswana, Côte d’Ivoire, Etats-Unis).
Ce film concentre sa narration sur l’histoire la plus entendue par Janice sur les tresses et les locks. Durant la période coloniale, ils étaient utilisés pour cacher des graines, comme stratégie de survie pour conserver de la nourriture en cas de besoins futurs.
Pour le futur
Janice Mascarenhas souhaite travailler de plus en plus dans le marché de l’art. Iel s’est installé récemment à Paris, où iel a réalisé sa première exposition solo en France à la Maison des Initiatives Etudiant.e.s à Paris, du 16 au 28 février 2023.
A côté de cela, iel a de nombreux projets : en septembre, iel commencera sa première résidence artistique à Fabrica, en Italie, où iel restera jusqu’en février.
Etant en ce moment au Brésil, son pays d’origine, Janice a reçu de nombreuses opportunités et travaille sur l’identité visuelle d’un groupe de musique brésilien appelé « Jazz das Minas ».
La version brésilienne de Vogue a également fait appel à son art pour la couverture du magazine digital du mois prochain.
L’artiste travaille sur son premier solo show au Brésil qui aura lieu l’année prochaine, après sa résidence en Italie. Iel a aussi été invité.e par l’université de la ville où iel est né.e (Niteroi à Rio de Janeiro) afin de diffuser son film Anatomia Da Diaspora pendant un mois dans l’espace culturel de la ville.
Janice a toujours son atelier au Brésil et quand iel y retournera l’année prochaine, iel espère pouvoir y réaliser sa première vente. En effet, iel n’a jamais pu le faire pour des pièces physiques – seulement des ventes NFT.
Aujourd’hui, Janice Mascarenhas vise à donner de la visibilité aux esthétiques noires dans le monde et de le marché de l’art, à renforcer l’estime de soi des personnes noires, et améliorer la représentation de leur communauté dans l’art et les médias. Iel souhaite également que les artistes noir.e.s qui parlent de leur histoire puissent avoir l’opportunité de gagner de l’argent à partir de leur travail artistique.
Vous pouvez suivre les prochains projets de Janice sur son compte Instagram : @janicemascarenhass
Gaëlle Mayer
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