Polka Galerie – United colors
Connue pour ses nombreuses séries de mode et ses reportages-photos dans les backstages des défilés à partir du début des années 80, Françoise Huguier est avant tout une personnalité protéiforme : journaliste, écrivain, photo-reporter et cinéaste. L’exposition montre des photos tirées de son ouvrage intitulée « Communalka », qui retrace des instantanés de vie pris en 2001, dans des appartements communautaires de Saint-Petersbourg. D’autres clichés proviennent de ses séries de mode, marquées par ses références cinématographiques, d’Almodovar – il suffit de s’attarder devant un des tirages intitulé « Jus de Tomates » – aux maîtres japonais tels Ozu, Mizoguchi ou Kurosawa.
La photographe aime particulièrement immortaliser ses modèles dans une lumière et des décors naturels, en ne craignant pas le décalage entre les tenues, le paysage et la toile de fond. « Retour d’enterrement » montre une jeune femme habillée en jaune, dans un petit chemin de traverse, entre deux champs de canne à sucre. Au premier plan et en arrière-plan, des hommes en costume de deuil, revenant d’un enterrement, et qui ont accepté de poser pour la photographe. De l’art de l’anachronisme de la photo de mode, qui devient un reportage.
Marc Riboud a choisi comme parti pris de raconter la grande histoire, en se focalisant sur celle des pays d’Orient. De ses pérégrinations en Iran, Afghanistan, Maroc, Israël, résultent des clichés de photojournalisme à l’état pur. Cette inscription « libres et égaux » saisie en gros plan sur une photo, résume ainsi le climat de liesse en Algérie lors de la proclamation de l’indépendance du 05 juillet 1962.
Corps allongés sur le sol, emmitouflés dans une couverture, lumière blafarde, et en toile de fond, les grues du port de Calais. Le photographe japonais Kosuke Okahara s’est immergé dans le quotidien des migrants qui errent dans cette ville, et tentent de passer en Angleterre. Il raconte leurs vies, scandées par les repas distribués par les volontaires bénévoles et les nuits à dormir dans les locaux désaffectés. Sobriété, froideur clinique du noir et blanc pour dépeindre cet entre-deux mondes. Entre l’Eldorado de l’autre côté de la Manche, et la dure réalité de l’attente et de la fuite devant les descentes de police.
De l’autre côté de l’Atlantique, dans la grande mégalopole grouillante de Sao Paulo au Brésil, quand les inégalités entre riches et pauvres déforment le paysage urbain, cela donne les clichés de Carlos Cazalis et Julio Bittencourt. Images de favelas surpeuplées, et perdu entre deux barres d’immeubles vétustes, un terrain de foot. Comme un rayon de soleil dans la noirceur de l’existence des classes sociales les plus défavorisées. Les clichés d’un Ronaldo devenu superstar ont la vie dure chez les jeunes des bidonvilles : le foot reste un exutoire à la pauvreté, l’ultime espoir d’ascension sociale.
Le titre de l’exposition, clin d’oeil au slogan d’une célèbre marque, est en réalité une invitation à découvrir les œuvres de photographes venus d’horizons différents, mais tous, mus par une même envie : raconter en photos, une humanité diverse et complexe.
Roxane Ghislaine Pierre
United Colors
Jusqu’au 27 février 2010
Du mardi au samedi
de 11h à 19h30
Polka Galerie
Cour de Venise
12 rue Saint-Gilles
75003 Paris
Métro Saint-Paul ou Filles du Calvaire
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...