Pol Bury, instants donnés
Pol Bury. Instants donnés Du 28 avril au 23 août 2015 Entrée libre Espace Fondation EDF |
Ce nom ne vous dit rien ? Pol Bury ? Pourtant, si vous êtes bien déjà passé dans les jardins du Palais-Royal, vous n’avez pas pu rater ses fontaines, juste à côté des colonnes de Buren. Le terrain de jeu de l’artiste belge est le mouvement avec ses sculptures en bois tout d’abord, jusqu’à ce qu’il donne ses lettres de noblesse à l’acier brossé qu’il magnifiera en relançant l’art des fontaines. Une rétrospective très efficace et de qualité muséale lui est consacré à l’Espace Fondation EDF, et c’est gratuit. Nous avons rencontré le commissaire de l’exposition, Daniel Marchesseau.
Pourquoi avoir choisi la Fondation EDF pour cette exposition sur Pol Bury ? La plupart des œuvres de cet artiste – qui s’est passionné pendant plus d’un demi siècle pour le mouvement – sont mues par l’électricité ! Et sa dernière grande exposition rétrospective dans une institution parisienne remonte à 1982 au Musée d’art moderne de la ville de Paris (MAMVP). Il était donc temps de redécouvrir cet artiste, et ce d’autant plus en cette période qui voit une réaffirmation des années 1960-1980 – comme l’illustrent les récentes expositions Julio Le Parc, Takis, Télémaque, Antonio Seguí, Erró, Niki de Saint Phalle… Face à la nouvelle figuration, le mouvement appartient à cette révolution créative défendue à l’époque par des figures importantes comme Denise René, et promus par des expositions historiques comme « Lumière et mouvement » au MAMVP en 1967. Celle-ci réunissait des signatures aussi différentes que Julio Le Parc, Agam, Carlos Cruz-Diez, Victor Vasarely et… Pol Bury. Cette communauté artistique se développe autour du mouvement et de l’art optique qui ne disait pas encore son nom. Franck Popper, philosophe et professeur d’esthétique n’était pas un critique comme le furent un André Breton pour le surréalisme, ou un Pierre Restany pour les Nouveaux Réalistes. Né en 1922, il a passé plus de la moitié de sa vie en France, puisqu’il s’y est installé au début des années 1960 jusqu’à sa mort en 2005. Il fait partie de ces nombreux artistes étrangers qui ont choisi de travailler à Paris. Assez vite, après y avoir été reconnu par la galeriste Iris Clert, il part aux Etats-Unis où il est très applaudi grâce à un grand marchand d’origine européenne, John Lefebre. Celui-ci défendait à New York les artistes européens et en particulier ceux de CoBrA, dont Pierre Alechinsky, l’ami de Pol Bury qui lui avait présenté John Lefebre à la Biennale de Venise en 1964 – où Pol Bury représente la Belgique. Tout cela marche formidablement bien, tant et si bien qu’au mois d’octobre de la même année, Lefebre organise à New York une exposition de Pol Bury qui est immédiatement un énorme succès. Il aurait pu choisir de rester aux Etats-Unis mais ce n’a pas été le cas. Il reviendra en France. Pourquoi ? Oui, il aurait pu y avoir un basculement de Pol Bury aux Etats-Unis, d’autant qu’il y rencontre en 1966 une New-Yorkaise, Velma, qui deviendra sa femme. Dans le catalogue de l’exposition de la Fondation, elle a écrit un très joli texte où elle évoque leur vie dans le milieu new-yorkais, puis à Los Angeles où il a enseigné pendant 1 an à l’université de Berkeley et ensuite 6 mois à Minneapolis. Encouragé par Aimé Maeght, avec qui il noue une relation de grande confiance, il revient à Paris. Lorsqu’il revient à Paris en 1972, devient-il rapidement un artiste reconnu ? L’époque est à l’effervescence sur le plan culturel avec la fameuse « Expo 72/72 » au Grand Palais. Nous présentons d’ailleurs la très grande pièce de 7 mètres de long commandée justement par le ministère de la culture à cette occasion. Pol Bury fera appel à la régie Renault pour réaliser ensuite une œuvre à la pointe du progrès : 50 colonnes animées, pièce de 25 tonnes aujourd’hui à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. Ce soutien d’une régie d’Etat a permis à nombre de plasticiens alors de progresser et de faire des expérimentations considérables, qu’ils se sont ensuite appropriées. En 1984, Jack Lang – Ministre de la Culture depuis 1981 – commande à Pol Bury les deux fontaines du Palais Royal qui seront mitoyenne des colonnes de Buren. Et tout cela participe d’une époque où l’invention technique permet de soutenir le rêve, et le rêve chez Bury, c’est la lenteur du mouvement mise au profit d’une surprise, d’une attention renouvelée demandée au spectateur. C’est d’autant plus intéressant qu’il sera plus tard très admiré au Japon. Cette concentration du spectateur nécessaire face aux œuvres de Pol Bury participe d’une manière lointaine, d’une exigence nippone. On découvre alors dans toute l’Europe l’importance considérable de l’espace temps ressenti d’origine zen. Combien de pièces avez-vous réunies pour l’exposition ? Nous avons réuni 80 œuvres, ce qui est beaucoup par rapport à l’espace Fondation EDF et permet de présenter la très large diversité et la richesse de ses multiples expérimentations dont les premières remontent à la première exposition sur le « Mouvement » à la galerie Denise René en 1955, dont le catalogue était préfacé par un certain… Pontus Hultén. Comment allez-vous découper cette exposition, comment a-t-elle été conçue ? Pol Bury a beaucoup œuvré par séries. Les premières sont les Érectiles, un travail où la connotation sexuelle est finalement limitée. En amoureux de la langue française, il joue beaucoup sur les mots. Cette première large série mobile traduit les imperceptibles mouvements de petits fils de nylon rassemblés en forêt sur un panneau, mus par un moteur électrique invisible : en particulier celle du musée de Grenoble, probablement une des plus importantes en taille. Aussi mystérieux que les Érectiles, les grandes sculptures de bois présentent des éléments mobiles dissonants, également articulés et mus électriquement avec des aimants. Ces éléments jouent sur l’aléatoire du mouvement le plus extrêmement lent. Pourquoi a-t-il redonné cet intérêt aux fontaines précisément ? Dans l’exposition, nous montrons, outre deux fontaines dont l’une commandée cette année par EDF, un certain nombre de maquettes de travail en bois ainsi que des projections de films, où on les voit en mouvement et comment elles s’inscrivent dans un paysage urbain. Elles sont à la fois fontaines et sculptures comme celle, monumentale, commanditée en 1988 pour le siège de L’Oréal. La période chronologique que vous saisissez dans l’exposition se concentre essentiellement sur les années 1960 à 1980 ? Oui, mais il créera des fontaines jusqu’au soir de sa vie en 2005. Nous présenterons en complément de nombreuses pièces en ronde-bosse, plusieurs œuvres murales en mouvement, qui illustrent bien la façon dont il aimait décliner certains plans géométriques dans l’espace. Propos recueillis par Stéphanie Pioda Légendes. Pol Bury, 25 œufs sur un plateau, 1970, laiton poli, moteur, aimants, 50 x 50 x 20 cm© Collection privée / 12 petits volumes ovoïdes, 1967, bois et moteur, 40 x 27 x 8,5 cm © Collection privée / 12 et 13 cordes verticales et leur cylindre, 1973Bois et nylon, 141 x 50 x 25 cm © Collection Sylvie Baltazart-Eon / Bijoux en or © Clo Fleiss collection
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