Pierre Soulages – Strasbourg
« J’ai fait de la gravure parce qu’avec la gravure quelque chose apparaissait qui ne pouvait apparaître dans la peinture. » Manifeste de sa création, définition du travail de l’artiste, cette phrase introductive à l’exposition met immédiatement en exergue l’importance que prit ce procédé dans l’œuvre de Pierre Soulages.
Connu comme le peintre du noir, de l’outre-noir, ce « champ mental » qui diffère de celui du « simple noir », il est néanmoins l’auteur d’une œuvre sur papier absolument magistrale où l’eau-forte, la lithographie et la sérigraphie tiennent une place de choix. Trois types d’impressions expérimentées, dépassées puis menées à leur paroxysme par l’artiste qui leur offre une véritable dimension créatrice.
Une dimension sculpturale inédite
L’exposition s’ouvre sur la présentation du travail de Soulages aquafortiste. Réunissant quarante-trois gravures, elle offre au regard un panorama de la vision et de la singularité de l’artiste. « Plus je creusais le cuivre, plus le noir était profond. Mais à force d’approfondir le noir, brusquement j’ai troué la planche, c’est-à-dire que j’ai trouvé le blanc, le blanc du papier à l’impression. À ce moment-là, tout a basculé. » Cet « accident heureux » comme il le nomme, conduisit Pierre Soulages à se laisser de plus en plus diriger et porter par les effets de l’acide, ses œuvres gagnant dès lors une dimension sculpturale inédite et des plus surprenantes. Les eaux-fortes, impressions en creux, deviennent des sculptures mises à plat, dont le relief reste pourtant évident aux yeux des visiteurs. Une dimension poussée à l’extrême pour certaines gravures dont Soulages conservera d’ailleurs longtemps les plaques pour en réaliser, des années plus tard, des bronzes, les seuls jamais réalisés par le peintre. Sculptures en relief ou sur papier, mais toujours porteuses d’une profondeur de champ inattendue.
Transparence et lumière
À l’impression en creux de l’eau-forte succède l’impression à plat de la lithographie qui, passées les premières œuvres qui laissent indifférent, emmène les visiteurs vers des lieux lointains : calligraphie arabe, totem ou signes aborigènes, les échos sont variés et exotiques. Un voyage dans le lointain, dont le sommet est atteint par les lithographies où Soulages procède par enlèvement de la matière. Dès lors, la transparence s’y fait jour au milieu du noir, comme si la lumière provenait du papier lui-même. Par ce travail incessant, ses interventions, Soulages permet à ses œuvres d’aller au-delà même de la spontanéité propre à la peinture.
Volet le plus récent de l’œuvre de Pierre Soulages, la sérigraphie clôt également l’exposition. Souvent résultats de commandes, elles ne restent pas moins des œuvres originales dont la singularité réside dans l’inégalité de séchage de la couleur qui offre des matières et des formes inattendues.
L’exposition du MAMCS offre une vision remarquable de l’œuvre unique, singulière et plus méconnue de Pierre Soulages, véritable créateur d’univers. « L’imprimeur pour moi est un révélateur, quelqu’un qui me fait voir, qui m’aide à voir… »
Solène Zores
Soulages. Le temps du papier
Du 31 octobre 2009 au 3 janvier 2010
Tous les jours sauf le lundi.
Les mardi, mercredi et vendredi de 12 h à 19 h, nocturne le jeudi jusqu’à 21 h.
Le samedi et dimanche de 10 h à 18 h.
Plein tarif : 6 € // tarif réduit : 3 €
Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg
1, place Hans Jean Arp
67000 Strasbourg
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