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Philippe Lombardo : “Public virtuel, public in situ : pas de bouleversement des profils”

Lionel Favereau 26 avril 2021
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Philippe Lombardo est chargé d’études au Département des Etudes, de la Prospective et des Statistiques (DEPS) du ministère de la culture. Il présente les résultats de deux études publiées en 2020 : “Cinquante ans de pratiques culturelles en France” & “Pratiques culturelles en temps de confinement”.

Quelles sont les missions du DEPS ?

Le DEPS est en charge de collecter, produire et diffuser les statistiques propres au champ de la culture, qu’il s’agisse par exemple de l’économie de la culture, des données sur les professionnels de la culture ou des pratiques culturelles en France. Il publie régulièrement des études, qui sont issues d’enquêtes ad hoc ou de collectes de données régulières, parfois en partenariat avec l’Insee, par exemple. Il veille à diffuser de l’information objective, pertinente et d’actualité, afin d’éclairer les politiques et le débat public.

Le DEPS a publié en juillet 2020 les premiers résultats de la sixième édition de son enquête sur les pratiques culturelles. Quels sont les objectifs de ces enquêtes successives ?

Pour cette enquête, on interroge des personnes résidant sur le territoire métropolitain, âgées de 15 ans ou plus. Il existe six éditions : 1973, 1981, 1988, 1997, 2008 et enfin 2018. Ce qui est remarquable pour ce dispositif – et assez rare dans la statistique publique pour une telle profondeur historique – c’est que les questions phares sur la participation culturelle ont été posées d’une façon identique au fil des ans. Ainsi, nous sommes en mesure de reconstruire des séries sans changement des concepts statistiques : c’est ce que nous avons fait dans notre étude Cinquante ans de pratiques culturelles en France, publiée en juillet.

L’essor des pratiques via le numérique est l’une des grandes tendances identifiées lors de la dernière édition. Pouvez-vous m’en dire plus ?

Il est clair que certaines pratiques ont été rendues plus faciles ou plus accessibles à un plus grand nombre de personnes. Typiquement, les contenus numériques et la massification des moyens d’écoute et de visionnage en ligne ont permis un essor spectaculaire pour certaines pratiques, comme on le voit pour l’écoute de la musique, et ce dans des environnements ou des zones qui étaient auparavant de faibles utilisateurs. On le retrouve notamment dans la proportion croissante de personnes qui écoutent de la musique tous les jours ou presque, dans les milieux ruraux (58 % en 2018 versus 27 % en 2008 et 4 % en 1973).

Les écarts sociaux se résorbent pour nombre de pratiques liées au numérique, qui sont donc davantage « partagées ». Le numérique a amplifié ce phénomène qui était déjà amorcé. 

Cela affecte-t-il la fréquentation des lieux culturels ?

Je crois qu’il faut rappeler qu’une expérience in situ ne remplace pas une pratique qu’on peut avoir à la maison. Et le fait que l’on dispose au XXIe siècle d’une offre incroyable de contenus audiovisuels en ligne ou sur supports numériques n’a pas « remplacé » les pratiques de visites de sites culturels à proprement parler, qu’il s’agisse des salles de spectacle, de concert ou les visites patrimoniales (musées, expositions, sites historiques…).

En effet les 15 ans et plus étaient 33 % à se rendre à des spectacles en 1973, alors qu’ils étaient 43 % en 2018. De même les visites patrimoniales ont connu un léger accroissement des publics : 44 % en 2018 versus 41 % en 1973. Mais les années à venir seront certainement riches d’enseignement, et je suis curieux de voir quelles seront les pratiques en France à l’horizon 2030 !

Qui sont les publics des visites numériques ?

Il n’y a pas de différence très marquée dans les profils des publics in situ et des publics virtuels : ils sont plus souvent diplômés et cadres. Si les opportunités offertes par le numérique permettent de gagner des visiteurs, nous n’assistons donc pas à un bouleversement des profils de publics.

Pour quasiment l’ensemble des pratiques ayant un pendant « virtuel », les visites in situ demeures plus fréquentes. En revanche, concernant la danse, le public virtuel est aussi nombreux que le public physique et quelques disparités apparaissent. Les diplômés du supérieur ne représentent que 28 % du public virtuel, versus 45 % du public in situ.

On retrouve également une plus grande jeunesse des publics pour les spectacles de danse, de théâtre et de concerts virtuels (58 % ont entre 15 et 39 ans, versus 37 % des publics in situ).

Fin 2020, vous avez également publié les résultats d’une enquête sur les pratiques culturelles en temps de confinement. Quels sont les principaux bouleversements identifiés ?

Il y a de nombreuses répercussions du confinement, mais je peux vous citer deux exemples. D’une part, l’étude montre que les pratiques en amateur ont connu un second souffle, notamment de la part des plus jeunes (qui sont déjà en temps normal les plus nombreux à s’y adonner). Si bien que l’on retrouve pour certaines activités le niveau de pratique mesuré lors de l’enquête 2008.

L’autre point notable : les seniors se sont appropriés les outils numériques, notamment à des fins communicationnelles, pour palier à l’absence de contacts réels.

Propos recueillis par Lionel Favereau

 À lire :

Cinquante ans de pratiques culturelles en France [CE-2020-2], Philippe Lombardo, Loup Wolff, Collection “Culture études”, 92 p., juillet 2020

Pratiques culturelles en temps de confinement [CE-2020-6], Anne Jonchery, Philippe Lombardo, Collection “Culture études”, 44 p., décembre 2020

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