Philippe Hérard : “En parlant de tout le monde, j’essaie d’englober des problèmes plus larges”
Philippe Hérard est un peintre et artiste urbain de grand talent. Ses œuvres nous touchent par leur sensibilité tout en nous interrogeant sur la fragilité de la condition humaine. Rencontre avec l’artiste.
Souvent dans vos œuvres on ne voit pas les visages, ils sont couverts par une boîte. Est-ce que vous faites ça pour une raison précise ?
Non, je n’ai pas une envie de cacher quoi que ce soit, en tout cas dans ma démarche artistique absolument pas, mais peut être que ça peut s’analyser. Peut-être que d’une certaine façon, cela a à voir avec la présentation. Effectivement, comme je veux parler à tout le monde, le fait que ce ne soit pas identifiable permet que tous puissent s’y retrouver.
Donc il n’y a pas un message que vous essayez de transmettre ?
Il y a trop de messages que j’essaie de véhiculer, pour en sortir un du lot. Je pense que mon travail est un concentré de nombreuses questions que je me pose sur l’humain, sur le fonctionnement de la société, des choses absolument absurdes qui se passent autour de nous. Il y a trop de questionnements pour me focaliser sur un seul sujet. En parlant de tout le monde au quotidien, j’essaie d’englober des problèmes plus larges.
Mais je n’analyse pas du tout ce que je fais, j’ai pleins d’images qui me viennent à l’esprit, c’est ma façon de me libérer. Les questionnements que je me pose me permettent de dialoguer avec les gens à travers la peinture.
Vous êtes né comme peintre ou comme artiste urbain ?
J’étais dessinateur et peintre bien avant d’être street artist. J’ai commencé en tant que street artist en 2009. Donc j’ai un peu plus de dix ans d’expérience dans ce domaine. Avant, j’étais peintre en atelier et en galerie.
Quel est votre formation, vous êtes autodidacte ou vous avez fait une école ?
J’ai suivi des ateliers de nu, ensuite je suis venu à Paris et pendant trois ans j’ai été à l’Académie Charpentier, où j’ai fait des études de nu, des plâtres, j’ai travaillé sur la couleur, entre autres. Tout cela m’a énormément apporté.
Pourquoi avez-vous décidé de commencer à faire de l’art urbain ?
Parce qu’en 2008/2009 les galeries avec qui je travaillais ont fermé et je me retrouvais avec une série sur toiles que je ne pouvais pas montrer, chose qui m’a frustré. Donc j’ai refait cette série-là mais sur papier et je l’ai collé dans la rue. Un mois ou deux après je me suis rendu compte que j’avais un retour des gens, un dialogue, comme en galerie, et ça m’a énormément plus, donc j’ai continué. Ensuite j’ai rencontré des gens dans la rue, qui ne viennent pas en galerie. Grâce à tout ça, ensuite je suis retourné en galerie. Je trouve que la rue c’est un complément de la galerie ou la galerie c’est un complément de la rue : on n’y voit pas forcément les mêmes personnes, ce n’est pas le même regard. Donc mon histoire dans la rue, ça a commencé comme ça.
Vous peignez directement dans la rue ou vous faites des collages ?
Non, je n’arrive pas à peindre en direct : j’ai besoin d’être tout seul, pour pouvoir me tromper, pouvoir tout recommencer.
Donc je fais tout à l’atelier, je découpe et ensuite je vais coller dans la rue. Après je peux faire des fonds sur place, mais le plus gros est fait à l’atelier.
Quels sont vos sources d’inspirations ?
Elles sont énormes. Il y a beaucoup d’artistes que j’aime, qui me font vibrer, d’autres que je découvre en permanence, qui ont énormément de talent. Après, tout le monde n’a pas quelque chose à dire et c’est important d’avoir des choses à exprimer dans l’art. Ce n’est pas que pour montrer sa technique : pour moi un artiste ne se trouve pas là. Donc je puise beaucoup sur les autres et sur tout ce qui m’entoure. J’observe beaucoup et je mets en situation beaucoup de choses, tout ce qui se passe dans le monde.
Au final ce qui nous touche c’est ce qui nous fait nous-mêmes.
Actuellement vous exposez à la Galerie Openspace dans le cadre de l’exposition collective ENSEMBLE. Quels sont vos projets futur ?
En ce moment il y a également une exposition collective “Polyphonissima” jusqu’au 26 juillet à la galerie Joël Knafo à laquelle je participe.
À la rentrée j’ai une exposition de prévue à Florence, en Italie, qui concerne toute la série que j’ai faite pendant le confinement : une peinture par jour pendant cinquante-six jours. Au mois de septembre d’ailleurs je sortirai un bouquin sur cette série, je ferai une signature ici à Paris et ce sera disponible dans les librairies à partir du mois d’octobre.
Je vais aussi faire des collages à Florence.
Après je ferai un solo show au Cabinet d’amateur à Paris et un autre à la galerie ArtCan à Marseille et puis en 2021 j’ai beaucoup d’autres projets de prévus.
Plus d’informations sur son site Internet et sa page Instagram
Propos recueillis par Violagemma Migliorini
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