Pauline Naret : “J’avais vraiment ce besoin de mettre les femmes en avant”
Artistik Rezo part aujourd’hui à la rencontre de Pauline Naret, jeune artiste peintre chez qui les femmes sont à l’honneur. Elle nous explique son rapport à l’art, à la création et à la féminité.
Même si l’art l’a toujours intéressée, Pauline n’avait pourtant aucun terrain qui la prédestinait à une carrière artistique : ses parents n’y étaient pas du tout intéressés et elle s’est lancée dans des études de droit. Pourtant, dès qu’elle trouvait le temps, elle créait.
Ne se retrouvant pas du tout dans le modèle éducatif de la fac, elle arrête sa licence et se retrouve un peu perdue pendant un an. Elle décide alors d’intégrer une MANAA. La jeune femme ne pensait pas avoir le talent nécessaire pour devenir praticienne et manquait de confiance en elle. Elle se lance malgré tout dans un master en illustration, qu’elle arrête en cours de route car il s’éloigne de plus en plus de ce qu’elle désire véritablement, à savoir devenir artiste peintre. Aujourd’hui, Pauline est à son compte et arrive à dégager des commandes, ce qui est une véritable réussite dans la période actuelle.
Si ses toiles sont désormais essentiellement féminines, cela n’a pas toujours été le cas. Ce fut le fruit d’un cheminement : “Quand j’ai quitté l’école, je me cherchais complètement sur le moyen d’exprimer ce que j’avais envie d’exprimer, je ne savais pas qui j’étais, ni où je voulais aller. Il a bien fallu commencer quelque part et je suis partie sur de l’expressionnisme pour que ce soit vraiment de la peinture émotive, pas réfléchie. Puis petit à petit en continuant à réfléchir, à essayer de comprendre ce qui me définissait, j’en suis arrivée là. J’avais vraiment ce besoin de mettre en avant les femmes et de faire sortir toute ma féminité dans mes peintures. Je suis très proche de ma mère et de ma petite sœur.”
Ce qui interpelle en effet dans la peinture de Pauline, c’est la douceur et la justesse avec lesquelles sont représentés les personnages féminins. Bien que ce soit des nus, aucune tension sexuelle n’émane de ses productions ; et si l’érotisme n’est pas convoqué, cela n’enlève rien à la puissance des toiles. Bien au contraire, les personnages féminins sont autant de rappels à des femmes ou à des sœurs bienveillantes, tant la pureté du trait et des intentions de l’artiste les magnifie. C’est un peu comme quand un rôle féminin est écrit par une femme au cinéma : en tant que femme, on le ressent instantanément, tant le personnage est criant de justesse.
“C’est ça ce que je veux montrer : désexualiser complètement le corps de la femme tout en mettant en avant sa féminité.”
D’autant plus que toujours dans cette idée de justesse de l’interprétation féminine, Pauline nous confie que si elle utilisait auparavant comme modèles de vieilles photos vintage, elle a conçu l’entièreté de ses derniers portraits sur le principe du dessin d’imagination : “C’est beaucoup plus intéressant à mon niveau, je me sens plus libre, je rentre dans quelque chose de beaucoup plus substantiel.” Elle ne renie pas pour autant les bienfaits des séances de dessins de nus du temps où elle était à l’école : celles-ci lui ont en effet permis d’acquérir une assiduité et une rigueur qu’elle n’aurait appris nulle part ailleurs. L’artiste a ainsi réussi à faire une synthèse de ces enseignements tout en s’en émancipant assez pour construire une pratique qui lui est propre, peut-être moins centrée sur la technique mais plus dans l’émotion.
Toujours dans cette idée d’évolution de sa pratique, Pauline raconte ce qui a changé entre sa première série de toiles et celle qu’elle réalise en ce moment, Doppelgänger :
“Je sens que j’ai évolué dans ma pratique pour cette série, je me sens mieux, plus libre, car n’ayant pas de modèles, j’ai moins de contraintes. Pour la première série, j’avais fait un premier tableau et un gars qui tient un bar à Bordeaux m’a dit qu’il l’adorait et voulait faire une expo avec moi, qu’il faudrait en faire une série. J’étais un peu guidée à refaire ce que j’avais déjà fait une première fois, et même si mes thèmes principaux étaient exprimés (sororité, maternité…), ce n’était pas aussi fluide que ce que je fais maintenant. C’était une superbe expérience mais je suis vraiment plus avec moi-même aujourd’hui, je ne pense qu’à moi et à ce que j’ai envie d’exprimer.”
Si la liberté semble être un élément crucial dans le processus créatif de la jeune femme, cela n’exclue néanmoins ni rigueur, ni productivité. Pauline raconte en effet qu’il lui arrive souvent de commencer un tableau le matin pour le terminer le soir même, quand elle est dans un bon “mood” créatif : “En général quand j’ai une idée, ça mûrit pendant quelques jours dans ma tête, il y a des choses qui vont m’influencer dans la journée, un film que j’ai vu, un bouquin… ça marine pas mal. J’ai toujours un carnet de croquis, dans lequel je vais faire une esquisse de ce dont j’ai envie. Ensuite mon père m’aide beaucoup, il réalise tous les châssis pour mes toiles.”
Interrogée sur l’impact de la crise sanitaire sur sa production artistique, Pauline dresse un bilan mitigé :
“Sans le Covid, je ne me serais pas lancée car j’ai eu une grosse prise de conscience quand j’ai quitté l’école. Les premiers mois ça allait très bien, j’ai eu tout de suite des commandes, beaucoup de soutien, c’est allé très vite par le bouche à oreille. Les six derniers mois ont été un peu plus compliqués, le moral n’est pas forcément au beau fixe parce que je n’ai pas trop de perspective de boulot, l’impression de travailler dans le vide… Mais au moins maintenant quand je me lève le matin je suis contente, je sais que j’ai choisi la bonne voie.”
Confiante en l’avenir et épanouie dans sa pratique, l’artiste nourrit de beaux projets pour le futur. Lors de la réouverture des commerces, elle a prévu d’ouvrir des pop-up stores avec l’une de ses amies qui vend pour l’heure des vêtements vintage à Bordeaux. Elle n’exclue pas d’organiser des expositions dans des bars, des restaurants… En tout cas, former une sorte de réseau d’entraide.
Si vous souhaitez découvrir l’univers de Pauline, le lien est juste ici.
Propos recueillis par Clémentine Michel
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