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Paris Photo 2012

21 novembre 2012
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Cette année, sous la nef du Grand Palais et ce pour la seconde année consécutive, Paris Photo accueillait 128 galeries, 23 libraires et éditeurs, venus de 22 pays. Occasion pour notre œil d’aller à la rencontre de cette photographie contemporaine qui se propose de nous raconter une histoire, son histoire, sans heuristique ni dogmatisme, mais bien en faisant appel à nos sens. Et c’est David Lynch qui nous accompagne (j’adorerais que cette phrase soit à prendre au sens propre…). Il a choisi 99 photographies réparties dans tout le salon, que l’on repère avec un cartel noir portant sa signature ; un agréable jeu de piste.

Focus sur une foire qui exalte par la vraie diversité des esthétiques représentées.

Au premier coup d’oeil, les bases sont jetées : Exit la photographie de reportage, la photographie appliquée ou dite « créative », ou encore les vintages bien qu’ils gardent une place des plus importantes – le succès de la galerie Françoise Paviot en est, à lui seul, le plus pertinent témoin — et place la photographie à la croisée des chemins des arts plastiques nouant ainsi d’indéniables liens d’affinités avec l’art contemporain.

Oui, Paris Photo 2012 a assisté à la présence d’une photographie toute plasticienne qui décloisonne totalement les champs de productions, comme si le médium arrivait à son point de maturation le plus important, le plus révélateur de sa pratique artistique.

C’est comme si l’Histoire de la photographie et de son marché se jouait ici.

Le premier choc visuel a lieu avec la galerie Jérôme de Noirmont (déjà présente lors de la FIAC) avec l’artiste Shirin Neshat et sa photo d’une femme allongée tel le Christ au tombeau de Hans Holbein le jeune. Une œuvre narrative, robuste, nue, qui respire une sorte de dérision calme.

Les galeries s’enchaînent mais ne se ressemblent pas tant les propositions, pourtant dans la même veine expressive, brillent par leur singularité. De Robert Polidor à Elliot Erwitt en passant par Steven Fitch ou Ryan Shude, c’est la vérité derrière l’apparence qui s’exprime, un regard profond mettant en évidence la vraie nature psychologique du sujet qui nous fait face. C’est la virtuosité des mises en scène très chorégraphique, renforçant le réalisme des compositions et crédibilisant le regard des artistes qui se fait jour. Sorte de virtuosité dans le rendu des moindres détails, dans le travail de la lumière ou des jeux d’ombres.

C’est une histoire que l’on nous narre.

Arrêt sur image à la galerie Bertrand Grimont. Le galeriste nous présente le travail du photographe Olivier Metzger, comme une invitation aux rêves les plus fantasmagoriques qui peuplent notre esprit. L’artiste joue du noir comme révélateur de ce qu’il faut voir : esthétique porcelainée, temps en suspend, atmosphère angoissante, présence d’une absence.

La création contemporaine a la part belle certes mais on peut aussi admirer quelques grands classiques de la photographie de mode américaine des années 60, ainsi que des précurseurs comme Gustave Le Gray ou encore une photographie constructiviste ou de reportage, inquiétante, froide, révélatrice du climat politique des pays de l’est dans les années 70 avec Kinszhi Imre par exemple. L’image comme témoin de l’Histoire en train de se faire. Fascination de la puissance d’expression du médium.

Et bien sûr il y a les lieux, traités par les artistes pour leurs qualités artistiques propres, jouant sur la notion de réel et d’irréel, oscillant entre l’objectif et le subjectif. Ces lieux, débarrassés de toutes contingences extérieurs, traités pour eux-mêmes, au-delà de leur fonction première, tels des « no man’s land » prêts à laisser ressentir au spectateur ce que sa sensibilité lui dictera. La galerie RX nous en donne un bel exemple avec le travail de Marie Amar. 

Eric Kovamen, gagnant du concours SFR Jeune Talents nous montre quant à lui des lieux en ruines, vides, comme abandonnés par l’humanité, posant ainsi la question de l’appréhension du site hors de ses fonctions premières, posant la question de son après. Vit-il encore ???

Le memento mori égrène ça et là. L’artiste chinoise Hai Bo chez Page/Mac Gill Galery en est le plus bel exemple avec une sensibilité toute évanescente et une picturalité à la Richter. Spiritualité. Douceur. Profondeur. L’artiste nous force au silence. On s’incline.

La violence souffle chez Westlich qui prend le parti pris de présenter des oeuvres exprimant la torture faite au corps. Un corps ligoté, scarifié, annihilé, tout comme la galerie Jerôme Poggi qui propose les photographies plastiques et picturales très marquées de Georges Tony Stoll, empreintes de son goût pour la mise en scène de corps et d’objets dans une symbolique toute particulière, teintée d’un esthétisme très intime.

Mon coup de cœur ira sans aucun doute à la School Galery/Olivier Castaing et à l’œuvre philosophique de Nicolas Dhervilliers. Une photographie méta-physique proche de la peinture de Caspar-David Friedrich. L’artiste nous propose des images troublantes dans lesquels l’homme se cherche, face à lui-même, face à la grandiloquence des éléments, face au monde, face à l’au delà. Des images fictions, des images théâtralisées proches d’un esthétisme cinématographique empruntant les codes de la publicité recréent un monde hypnotique, glaçant, dans lequel évolue des personnages énigmatiques. Où vont-ils, que regardent-ils, que cherchent-ils, qui sont-ils ? On ne le sait pas. Ceux-ci ont l’air de s’échapper d’un roman noir. Angoissant. Ils évoluent dans un monde nocturne, comme si le jour n’avait plus sa place dans ces lieux-là, où la densité du ciel enveloppe les êtres et le monde d’un velour étouffant. Inquiétant. Enigmatique. Nicolas Dhervilliers nous cloue littéralement sur place grâce à l’élégante dichotomie de la beauté noire et frissonnante de son œuvre.

Inspirations diverses, multiplicité du langage, des éléments représentés. Hymne à la lumière, à l’ombre, à la couleur et à la mise en scène. Foisonnement des esprits, des choix artistiques. Ôde à l’Histoire de l’art de la photo, hommage aux grands noms qui ont fait son renom. Nouvelle lecture de l’image, irréalité, imaginaire, images brutes, réalité transcendée. Cette édition de Paris Photo a été l’occasion de montrer un médium sur lequel le monde de l’art et de son marché doit compter, plus que jamais. Un médium en pleine évolution, en pleine maturité, qui puise son inspiration et sa justification dans l’art lui-même.

Si pour exister, il faut se réinventer, alors la photographie est en train d’écrire sa propre histoire en lettres d’or.

Anne-Lise Charache

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A découvrir sur Artistik Rezo : 
– Le Mois de la Photo 2012
– 
Le Mois de la Photo-OFF 2012

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