Onirisma : “Le collage est un médium accessible, on y trouve une dimension enfantine”
Sur la page web du 59 Rivoli, “Attention artistes vivants !” s’affiche sur mon écran. C’est assurément ce qui définit le mieux ce lieu où les artistes font loi. Une trentaine d’ateliers et une salle d’exposition leur sont destinés. Bref, le 59 Rivoli se revendique comme un îlot de créativité au cœur d’une ville musée. À l’occasion de l’exposition Souviens-toi l’été dernier, organisée par le collectif Rouge Rouge 3 du 14 au 26 décembre dernier , j’ai eu le plaisir de rencontrer l’artiste Onirisma… Ses collages vont vous saisir, c’est certain !
Comment décrirais-tu ton art ?
Mon art c’est de la colle, beaucoup de patience et surtout le goût de l’absurde. C’est comme avoir un tas d’images en main que tu balances dans un trou noir, qu’on appellera l’imagination, et d’un coup une combinaison d’images trouve quelque chose à te dire, comme sortant d’un monde parallèle. C’est parfois le fruit du hasard ou d’un vrai travail de recherche. À mes yeux, le collage c’est savoir subtilement déranger. C’est finalement échapper à notre réalité, comme faire un rêve lucide où tout devient possible. Détourner et m’accaparer une image…
Pour toi, que représentent les collages comme moyen d’expression artistique ?
Le collage c’est de la débrouillardise, chiner dans les brocantes, les dépôts-vente et y trouver des livres, des journaux, des magazines… C’est comme aller dans une friperie à images : de la surprise et des jolies trouvailles. Le collage est un médium accessible, on y retrouve une dimension enfantine en coupant et collant des images. Je tiens à cette pratique car ce n’est quasiment que de la récupération ; tel un renouveau, c’est du recyclage. C’est comme sortir les images de leur contexte et les “libérer”, comme j’aime si bien le dire. Je viens les conceptualiser dans un ailleurs, une sorte de passerelle vers l’imaginaire où une nouvelle narration apparaît. J’aime utiliser et détourner le sens d’une image. Ce qui me procurera toujours autant de plaisir, c’est rendre visible un monde surréaliste en quelque sorte, comme un accès à nos rêveries. Alors, le spectateur se laisse aller à la contemplation et à son imagination.
Au-delà des collages, tu as un parcours éclectique car tu pratiques la couture et organises des événements culturels. Qu’est-ce qui t’attire dans ces différentes disciplines ?
Je crois que j’ai toujours eu ce goût très prononcé pour l’art, les études en art étaient une évidence pour moi. J’y ai appris à théoriser mon travail et à explorer les écrits sur le rêve et la vanité. J’ai également découvert le surréalisme, et mon intérêt pour l’inconscient et le symbolisme s’est révélé. Le collage m’apportait alors une grande liberté. En apprenant en autodidacte, j’ai été amenée à réaliser une grande installation scénographique à partir de matériaux recyclés pour un festival sonore et électroacoustique. C’est une mission en bénévolat qui m’a fait évoluer en installation plastique. Après avoir co-fondé l’association La Tribu, j’ai réalisé des décors scéniques et un mapping vidéo. Au-delà du collage, j’ai également une marque de vêtements appelée Gotrashy. D’ailleurs, ma tante, qui est tapissière, m’a toujours captivée avec son atelier et ses beaux tissus de tapisserie. C’est un plaisir de récupérer ses chutes de tissus et de les revaloriser dans mes créations. J’ai une démarche éco-responsable bien ancrée dans mon parcours, je fabrique par exemple des bobs upcyclés atypiques.
Quels sont tes artistes référence, ceux qui t’inspirent ?
En étudiant l’histoire de l’art, j’ai découvert un intérêt tout particulier pour les artistes qui pratiquaient la technique du collage et de l’assemblage. Je crois que c’est la technique du trompe-l’œil, créer un monde étrange et irrationnel, qui m’a toujours plu. Ma plus grande référence est Kurt Schwitters, un artiste qui a participé au mouvement dadaïste du début du XXe siècle. Il a créé à lui seul son propre mouvement, “Merz”, obsédé par cette notion d’art total. Il récupérait des objets, des papiers, qui témoignaient de son époque et il réalisait des installations, de la sculpture, de la poésie expérimentale dans sa propre maison. Il a notamment réalisé le Merzbau, où tout son art se déclinait. Je le trouve fou, c’est un génie de la récupération.
Hannah Höch est aussi une artiste du mouvement dadaïste. Si on parle de la dimension politique dans le collage, je pense toute suite à elle. Elle interrogeait la place de la femme et de son corps dans notre société, à travers les stéréotypes des canons esthétiques. Presque tout est politique dans mon travail, je questionne aussi les dérives de notre société.
Et bien sûr, je pense également à Magritte et son surréalisme. C’est une grande référence pour moi car avec ses peintures très photographiques et épurées, on dirait un monde tout droit sorti d’un inconscient collectif. Avec son pouvoir d’autodérision, il arrive véritablement à m’emmener ailleurs. Je prends un malin plaisir à regarder ses œuvres et c’est aussi pour ça que je donne toujours des noms un peu à côté de la plaque à mes travaux.
Quel est ton rôle au sein du collectif Rouge Rouge 3 ?
J’étais chargée de diffusion et de production au sein du collectif Rouge Rouge 3. J’y ai beaucoup appris humainement et aujourd’hui, je fais partie du collectif. Ce sont devenus des amis, toujours de bons conseils, et je partage une belle énergie avec eux. J’ai participé à l’exposition Souviens-toi l’été dernier en tant qu’artiste du collectif.
Cette exposition au 59 Rivoli en décembre dernier, était-ce ta première exposition ?
Oui et c’était une vraie étape franchie pour moi car jusqu’alors j’avais toujours présenté mon travail dans le cadre universitaire et à mes amis. J’ai toujours pris beaucoup de plaisir à créer et cette exposition était une une belle occasion car je suis aujourd’hui en phase avec mon univers. Le 59 Rivoli c’est le meilleur endroit pour avoir l’audace de présenter ce que je réalise, c’est impressionnant et excitant à la fois. Et je me dis que les expériences qui me font sortir de ma zone de confort me feront toujours grandir.
Plus d’informations sur le compte Instagram d’Onirisma.
Propos recueillis par Xavier Ouzounian
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