Océane Harati : “OH GALLERY a pour objectif d’apporter quelque chose de différent et de qualitatif”
Passionnée d’art et de culture, Océane Harati expose ses artistes dans sa galerie incontournable à Dakar mais aussi dans nombreux projets hors-les-murs. Portrait d’une jeune galeriste active, pluridisciplinaire, attachée à accompagner ses artistes à long terme, et à apporter conseil et accueil à tous ceux qui s’intéressent à l’art.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours de galeriste ?
Il a débuté à Dakar en 2012, lors d’un stage dans le cadre de ma licence dans une autre galerie de la place. Puis j’ai ouvert OH GALLERY en novembre 2018. Depuis, j’ai la chance et le plaisir de continuer ce métier épanouissant.
Comment est venue l’idée d’ouvrir une galerie à Dakar ?
L’idée a jaillit du constat d’un besoin inassouvi d’art et de culture. Je suis née et j’ai grandi à Dakar. Ma famille est installée au Sénégal depuis quatre générations. J’ai découvert les arts et la culture relativement tard, adolescente. J’ai alors ressenti un réel manque. Il n’y avait pas grand-chose au Sénégal, d’où l’idée première de créer un centre d’art pluridisciplinaire et axé sur la communication culturelle. C’est pourquoi j’ai effectué des études en médiation culturelle à la Sorbonne avant de me spécialiser avec un MBA en Ingénierie culturelle à l’EAC. Mais c’est réellement lors de ce stage en 2012 que j’ai découvert le métier de galeriste et que j’ai eu le déclic. Depuis ce jour je n’ai eu cesse de travailler sur les prémices de OH GALLERY, avec pour objectif d’apporter quelque chose de différent et de qualitatif au marché sénégalais, afin de contribuer à son développement et à sa structuration, mais aussi et surtout de permettre l’acquisition de savoirs et d’œuvres d’arts au marché local ainsi que de la sous-région. Le projet aura mis sept ans à voir le jour.
Quelle est la ligne artistique de votre galerie, comment organisez-vous sa programmation ?
La programmation de la galerie est établie à l’année. Pour vous donner une idée, le calendrier de nos expositions est complet jusqu’en 2022. J’aime l’idée que la programmation de la galerie fasse sens dans son intégralité, en plus du fait qu’elle soit pour l’instant exclusivement basée à Dakar. Il était primordial pour moi que les artistes qui m’accompagnent, et qui, pour certains, ont une renommée internationale, soient exposés de manière permanente et visible en Afrique. Dakar est une capitale culturelle incontournable. Cependant, en dehors de la Biennale de Dakar, tous les deux ans, nous n’y voyons plus ces artistes exposés. D’ailleurs la quasi-totalité des artistes avec qui je travaille n’était pas en galerie avant. Cela ne me semblait pas normal. La première année, nous avons eu un rythme soutenu. Nous sommes dorénavant à une exposition tous les deux mois et demi, soit environ cinq expositions à l’année.
Concernant la ligne artistique, je fonctionne au coup de cœur. Je me laisse guider par mon ressenti et l’urgence de dire ou démanteler des idées préconçues, de révéler ou confirmer des talents. Bien entendu la galerie prend en compte les agendas, projets et besoins des artistes en plus du calendrier international.
Comment découvrez-vous vos artistes ?
Je suivais déjà certains comme Aliou Diack que j’avais découverts via des expositions au Sénégal, d’autres via les réseaux sociaux ou les foires, beaucoup par hasard ou grâce à des collectionneurs. Certains se sont présentés à la galerie lorsque j’ai ouvert. Désormais j’ai la chance d’avoir des artistes en galerie si investis dans ce projet et ses missions qu’ils me présentent eux-mêmes d’autres artistes. Enfin, certaines galeries qui cherchent à placer leurs artistes en Afrique me contactent également.
Comment travaillez-vous avec les artistes que vous représentez ?
J’avoue travailler de manière quasiment exclusive avec mes artistes. Nous avons des contrats sur du moyen ou long terme et qui englobent le monde. C’est assez étonnant ou déconcertant car la galerie travaille à la fois comme galerie, mais surtout comme agent de ses artistes. Une manière intelligente de travailler, de développer leur carrière avec d’autres confrères et consœurs galeristes, à qui je cède mes droits sur des zones géographique définies. Cela évite bon nombre de mauvaises surprises et permet aux artistes de se développer, d’avoir de nouvelles perspectives avec des acteurs sérieux dans des marchés étrangers. Sinon, nous travaillons beaucoup par projet en galerie, et bientôt hors les murs, en fonction de ce qu’ils ont envie de dire, de montrer et pour certains ce qu’ils ont longtemps caché. Tout cela se décide après de nombreuses visites en atelier, de longues conversations avec eux, des art advisor, curateurs ou critiques et une stratégie bien définie.
Quels sont les challenges auxquels vous devez faire face ?
En tant que galerie sur un marché quasi inexistant, on parle plutôt de niche, les défis sont nombreux notamment pour le développer. Il faut faire valoir l’intérêt des arts et la culture pour le bien commun, faire revenir les clients en galerie et les convaincre de l’importance de notre métier. Dans la même idée, il faut aussi convaincre les artistes de travailler avec nous, développer notre réseaux d’acquéreurs, de collectionneurs, mener à bien des expositions d’envergure et de qualité afin que nos programmations rivalisent avec les galeries internationales. Puis, on doit convaincre les institutions locales, internationales et les collectionneurs étrangers d’acheter nos artistes au même titre que les autres qu’il s’agisse du fond, de la forme ou encore du prix. Et bien sûr, en tant que jeune galerie, il faudrait également participer à certaines foires internationale à l’avenir.
Qui sont les visiteurs de la galerie, qui sont les acheteurs ?
Nous avons tout type de visiteurs : africains, européens, américains, asiatiques, de même que de tous âges, amateurs, confirmés ou totalement novices, même des scolaires avec leurs enseignants. C’est sans doute la plus belle réussite de la galerie que d’attirer des acquéreurs et publics de tous horizons.
La plupart n’avait jamais mis les pieds en galeries ou encore n’avait jamais osé acheter. Bien entendu nous avons beaucoup de collectionneurs/acheteurs confirmés qui sont venus à la galerie notamment grâce à son format rendez-vous qui leur garantit confidentialité et personnalisation. Ils s’accaparent rapidement l’endroit. Chaque visite est différente.
Pourriez-vous nous en dire plus sur vos prochaines expositions ou futurs projets ?
De très belles surprises ! Je dois avouer que les deux prochaines expositions de la galerie joueront un rôle particulier dans son orientation et sa perspective de développement. La prochaine, qui débutera en septembre, est une exposition que la galerie réalise avec un commissaire invité. C’était un des nombreux engagements que je m’étais fixé, que d’inviter une fois par an un curateur/commissaire à m’accompagner à réaliser une exposition.
La suivante, qui sera lancée en décembre, nous permettra de nous ouvrir encore plus à l’international. En tant que galerie d’art contemporain, je refuse que le marché de l’art, en grande partie conduit par l’Occident, me cantonne à un rôle de galerie d’art contemporain africain. Ce n’est pas parce que je me trouve en Afrique, que je ne dois faire que de l’art dit africain. Et par ailleurs, cette étiquette d’art contemporain africain qui, je dois l’avouer, séduisait aujourd’hui, m’exaspère. Ils sont contemporains. Juste contemporains.
Sinon la galerie a ouvert le 13 juin dernier une exposition monographique consacrée à l’artiste franco-ivoirien Gopal Dagnogo : “Still life rhapsody”. En ces temps troublés, il nous paraissait important que l’art garde toute sa place malgré les contraintes logistiques pour faire venir les œuvres, et sanitaires, pour recevoir les visiteurs. Le public est au rendez-vous ainsi que les acheteurs. L’exposition sera accessible durant tout l’été à la galerie et en ligne via notre profil Artsy. L’occasion de faire découvrir au Sénégal l’œuvre d’un peintre au parcours atypique, et en plus, d’aborder, de manière détournée, des questions profondément ancrées dans l’actualité comme la mondialisation, la consommation de masse ou encore l’héritage colonial.
Découvrez les artistes et expositions de OH GALLERY sur son site
Propos recueillis par Eleftheria Kasoura
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