Nushka : “Il y a aussi quelque chose de plus contemporain dans mon travail”
Nushka, de son vrai nom Fanny Moreaux, travaille la peinture à l’huile comme jamais elle n’a encore été expérimentée. Rencontre avec une artiste complète et un travail rempli d’émotion.
Pouvez-vous décrire votre travail pour ceux qui ne vous connaissent pas encore ?
C’est de la peinture figurative, à l’huile, qui s’appuie sur une technique post-impressionniste très axée sur la couleur. Les sujets qui sont pour moi secondaires dans la construction d’un tableau visent toujours à décrire un univers qui est le mien, de manière à ce que leur ensemble constitue une sorte de portrait de mon imaginaire. Il y a aussi quelque chose de plus contemporain dans mon travail, de l’ordre de la violence ou de la déconstruction. Mon geste est toujours très rapide, parfois brutal et économique, ce qui contraste avec la douceur de l’ensemble.
Comment avez-vous commencé la peinture ?
À l’adolescence, j’ai eu la chance de rencontrer une peintre géniale, Maggie Siner, qui m’a donné l’impulsion. Elle m’a enseigné tout ce que je sais et continue de m’inspirer, même si je tente de ne pas faire “que” marcher dans son ombre.
Comment faites-vous pour choisir les sujets de vos nouveaux tableaux ?
Je fonctionne par série ou projet autour d’un thème, d’une idée, d’un concept. Je peins d’après photo et fais des séances photos avec ma modèle. Ensuite, je peins d’après photo à l’atelier.
Dans vos peintures, il n’y pas de visages nets. Est-ce une volonté de votre part ?
Je peins les visages à la même échelle que le reste du tableau. Architecture d’une maison ou squelette d’un visage, même combat. Il y a donc moins de détails mais l’ossature est toujours présente de sorte qu’on lit le visage et ses expressions, même si les items (yeux, nez, bouche) ne sont pas présents. Quand on croise une personne, nos yeux se portent systématiquement vers le regard, c’est social, on ne peut pas s’en empêcher. En enlevant les détails du visage, je vise à imposer un sens de lecture du tableau qui est celui que je désire et non celui dicté par un réflexe humain.
Vous aimez travailler le corps féminin. Pourquoi retrouve-t-on peu de personnages masculins dans vos œuvres ?
J’aime vraiment le corps des femmes. Vêtu ou nu, il est chargé de sens, de symboles, de codes, d’interdits, de diktats, de messages… C’est fabuleux. La façon dont une femme bouge un bras ou avance un pied est toujours très personnelle mais aussi très sociale, marquée par une époque, une façon de se mouvoir. Je trouve que le corps des femmes accueille avec beaucoup de grâce et d’élégance cette quantité de significations. J’aime jouer avec ça. Le corps féminin est aussi celui que je connais le mieux. Par moi, bien sûr mais également par ma modèle, Chloé, qui est un peu mon double fantasmé. Je projette beaucoup de mes attitudes sur son corps. Sans doute est-ce un peu narcissique aussi. Et je suis beaucoup moins objective quand il s’agit du corps des hommes.
Vos œuvres sont chargées de sensibilité. Comment faites-vous pour créer ces sensations ?
Je crois que si vous trouvez mes œuvres sensibles c’est que vous partagez ma sensibilité. Je ne sais pas comment je fais, si ce n’est que je m’applique à cacher le travail pour qu’on accède facilement au sens, au sensible.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ? Qu’est-ce qui vous inspire à l’heure actuelle ?
Je finis une série sur l’été, qui aurait du être exposée à la fin du mois. Dans cette série, je suis à la recherche de ce qui provoque cette sensation si douce et enveloppante de l’été. Le soleil qui crame la roche, l’éclat de rire dans les vagues, le sable chaud dans les doigts de pieds, un rayon de soleil qui traverse un chemisier. Quelles sont les couleurs qui provoquent ces sensations ? C’est un projet d’exposition mais avant tout une recherche très abstraite.
Avez-vous des envies particulières, des projets pour le futur ?
Je rêve d’abstraction. C’est un processus qui est extrêmement lent et j’ai la sensation très forte qu’il faut une maîtrise absolue de la figuration pour y tendre.
Retrouvez Nushka sur son site internet et son compte Instagram.
Propos recueillis par Pauline Chabert
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