Nocturnes musicales avec une œuvre de Dusapin au Panthéon
Pour la “panthéonisation” de Maurice Genevoix (1890-1980) qui a consacré son œuvre littéraire aux soldats tombés pendant la Première Guerre mondiale, la Présidence de la République a passé une commande musicale in situ à Pascal Dusapin (né en 1955). L’hommage est également rendu à Ceux de 14, aux femmes et soldats qui ont perdu leurs vies ou ont été mobilisés.
Le Panthéon – ancienne église Sainte-Geneviève -, est étroitement lié aux soubresauts de l’Histoire. Il a été transformé au gré des régimes et de ses changements de statuts, notamment au cours du XIXe siècle. Depuis le 11 novembre 2020, tous les quarts d’heure une composition de Dusapin est diffusée dans les pierres et sur les nefs du Panthéon.
Une œuvre consolante
L’œuvre In Nomine Lucis (Au nom de la Lumière) sera proposée au Panthéon en version longue pour trois soirées, les mercredis 30 mars, 6 avril et 13 avril. Dusapin a souhaité par sa composition manifester son attachement au Temple laïque de la République. Il travaillait sur le site quand Samuel Paty a été assassiné. Maurice Genevoix a été le fil conducteur de cette création musicale. Le compositeur a souhaité écrire une œuvre consolante adaptée au Panthéon : “Ce lieu bruissant des furies de l’Histoire, je désirais le baigner de grâce, d’harmonie, quelque chose de caressant, assimilable à la brume ou aux nuages.” Dusapin est né en Lorraine, les anciens champs de bataille ont été ses terrains de jeux. Pour son œuvre, il a travaillé avec Anselm Kiefer (né en 1945) qui a également été sollicité pour l’hommage à l’écrivain. Si le plasticien allemand peut faire figurer la guerre par des vélos rouillés, des fusils, la composition musicale s’appuie sur les voix de chœurs. Une installation sonore a été conçue et tout un ensemble de calculs, de simulations 3 D ont été réalisés pour permettre à une sonorité particulière de circuler dans l’ensemble du Monument. Ce sont soixante-douze à soixante-quinze haut-parleurs qui ont été dissimulés et disposés à différents niveaux, jusqu’à trente mètres de hauteur. Le Panthéon s’est révélé un lieu de réverbération étonnant qui a captivé le compositeur dans son travail de création.
En journée, pendant la visite, ce ne sont jamais les mêmes extraits musicaux qui sont diffusés, n’importe quel chœur intègre l’échelle musicale suivante dans un ordre toujours renouvelé. La version longue qui sera présentée aux Nocturnes musicales a nécessité une réécriture des formes. Cette fois, nous n’entendons pas les noms des soldats cités par les comédiens Florence Darel et Xavier Gallais.
Au son du Monument
L’œuvre musicale très investie par Dusapin est forte et incarnée. Cette musique immersive s’écoute à tout endroit du Monument et varie selon la nef. In Nomine Lucis a été enregistré avec le Chœur Accentus dans un répertoire a cappella à la Philharmonie de Paris, à partir de textes issus de l’Ecclésiaste, de Virgile et d’inscriptions funéraires de la Rome Antique. La composition commence par des voix féminines d’une grande profondeur, à la fois proches et lointaines. Des hommes répondent à leur tour. Ces voix font écho à la tragédie pour témoigner de l’innommable. In Nomine Lucis traduit aussi une force, de l’énergie. Dans un élan, les chants s’élèvent. La symphonie délicate est marquée par l’intensité dramatique, mais les intonations du mouvement musical font naître une espérance. Pendant la nocturne, la promenade dans le Panthéon se fait au son du Monument. Les œuvres de Kiefer intriguent et attirent tous les regards. Le plasticien a assemblé des “traces” : vêtements suspendus comme des fantômes, sol éventré d’où naissent des coquelicots… Le décor du Panthéon est étrangement révélé au travers des vitrines. L’effet est saisissant. Au bas d’une des vitrines, les mots racontent le désespoir : “Aujourd’hui le mal a gagné, on ne peut pas réparer tout ce mal. Il est trop tard.” Dans Bataillon, les vélos évoquent une jeunesse sacrifiée, pétrifiée dans l’horreur. A l’écoute de la symphonie mémorielle, l’esprit vagabonde dans une impression d’immensité. Il y a les vastes colonnades, les sculptures dont la statue de Mirabeau par Injalbert, les toiles marouflées notamment de Puvis de Chavannes et Cabanel, et désormais les œuvres de Kiefer même s’il y a des discussions pour que de nouvelles expositions soient programmées.
La “panthéonisation” de Maurice Genevoix et de tous Ceux de 14 est une mise en lumière d’un écrivain et d’une période de l’Histoire dont la résonance est hélas d’actualité. Au centre de la nef, le Pendule de Léon Foucault par son mouvement éternel qui produit une rotation autour de la Terre capte l’attention et nous rappelle notre humble condition. Quelques pas mènent à la crypte. Un grand silence s’impose dans les voûtes souterraines qui abritent plus de soixante-dix tombeaux dont ceux de Voltaire, Emile Zola, Jean Moulin, Simone Veil et Maurice Genevoix.
Fatma Alilate
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