Neri Oxman ou l’art comme langage d’une écologie humaine
L’originalité artistique de Neri Oxman est certainement nourrie par la pluridisciplinarité de sa formation. Diplômée de l’Institut de Technologie d’Israël, Technion, elle poursuit des études de médecine puis d’architecture avant de rejoindre le prestigieux Massachussets Institute of Technology où elle dispense aujourd’hui des cours sur l’art, les médias et les sciences.
Neri Oxman est une femme de son époque préoccupée par les problématiques du monde actuel face à l’émergence des nouvelles technologies associées au numérique dans la conceptualisation de notre environnement sociétal. Sa démarche, à la fois expérimentale et visionnaire, questionne les changements d’ordre structurel liés principalement aux avancées scientifiques et techniques.
Les nouveaux outils dont nous disposons à ce jour permettent d’envisager la vie future à travers une approche transversale où l’on repense la modélisation des formes, les propriété et fonctionnalité de la matière tout en adaptant l’objet façonné à la nature humaine. Ce paradigme se concrétise avec la réalisation de Beast, la chaise conçue par Neri Oxman et Craig Carter. Ici, la malléabilité de l’objet est générée par l’énergie cinétique de l’individu et s’adapte ainsi à sa gestuelle. Autrement dit, on raisonne et construit à partir d’une écologie humaine au cœur de laquelle l’interactivité entre espace, corps et objet est primordiale.
Neri Oxman puise son inspiration dans l’observation de notre biotope en perpétuelle évolution. Le langage formel de son art est à la fois harmonieux et lyrique. Un langage conscient et intelligent tenant compte des modifications inhérentes à l’être humain qui, soumis aux progrès technologiques, observe la mutation du monde à travers sa propre condition et une connaissance plus approfondie sur lui-même. L’innovation formelle de son travail repose notamment sur le calcul numérique, ses retranscription graphique et matérialisation computationnelle.
Le progrès trouve donc toujours une résonance dans l’art concomitamment à l’émancipation d’un nouveau modèle de société. L’art est par définition la matrice esthétique qui reflète un monde en devenir. Il est le lieu de toutes les innovations et l’esprit contemporain d’une humanité mouvante. L’architecture et le design en sont le reflet incontestable.
En 1909, Filippo Marinetti publie Le Manifeste du Futurisme qui définit la modernité à travers le développement dynamique de la société. Dans les 1920 et 1930, les Constructivisme et Suprématisme de Tatline et Malévitch répondent au changements radicaux insufflés par l’ère industrielle avec l’essor de la machine et sa substitution aux hommes dans le travail. Le courant De Stijl puis l’Ecole du Bahaus de Walter Gropius amorcent quant à eux les bases de l’architecture internationale et proposent une esthétique s’appuyant, entre autres, sur l’aspect fonctionnel de la forme et de la matière. Enfin, l’art cybernétique, ou « art interactif », de Nicolas Schoffer, ouvre une ère nouvelle dans le domaine de l’art contemporain avec la réalisation de la toute première oeuvre multimédia interactive au monde.
Le travail de Neri Oxman s’inscrit dans la continuité de ces mouvements. Pour réaliser ses sculptures en résine, l’artiste a recours à une impression tridimensionnelle encore très peu exploitée à ce jour. Ses sculptures portent souvent des noms empruntés au domaine médical. Et lorsque celles-ci ne se réfèrent pas à des êtres fantastiques, elles sont la représentation des organes vitaux humains sublimés par l’éxubérance et le chatoiement de leurs couleurs proches des oeuvres « néo-pop ». Ce que les sculptures sont à l’art, les prototypes le sont à l’industrie, à l’architecture et au design.
Pour Neri Oxman, il est important d’associer l’art et la science comme vecteur d’une écologie humaine sans lesquels rien ne serait perfectible. Dans les années à venir, son oeuvre trouvera sans doute un écho retentissant dans le monde de l’art pour la pertinence et l’avant-gardisme de son propos.
Le Moma quant à lui s’est déjà emparé de ses œuvres en les incluant dans sa collection permanente. Neri Oxman est indéniablement une artiste à suivre…
Géraldine Tachat
Multiversités créatives
Du 3 mai au 6 août 2012
Du mercredi au lundi, de 11h à 21h
Plein tarif : 13€ // Tarif réduit : 10€ (PT : 11€ // TR : 9€ selon période)
Forfait donnant accès à toutes les expositions temporaires et aux collections permanentes du musée
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Centre Pompidou
Espace 315
75004 Paris
M° Hôtel de Ville ou Rambuteau
www.centrepompidou.fr
[Visuel : Neri Oxman, Léviathan 1, 2012.Série des torses / Torso Series. Photographer: Yoram Reshef]
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