Nawel Grant : “Je souhaite impliquer le spectateur dans mes œuvres”
Artiste au style marqué et aux idées engagées, Nawel Grant réalise des fresques mettant en scène le corps féminin sous toutes ses coutures.
Pouvez-vous vous présenter et exposer votre parcours ?
Je suis Nawel Grant, et ça fait maintenant dix ans que je me suis cherchée, pour finalement arriver à être artiste peintre. Je suis d’abord entrée en fac d’histoire de l’art, j’ai fait de l’anthropologie sociale en même temps ; je suis même allée en fac de biologie ! Finalement j’ai fait une licence d’architecture, qui m’a réellement plu, et j’ai commencé un master que j’ai abandonné. Je me suis remise à dessiner pendant mes études, en étant influencée par le tatouage contemporain ; petit à petit, j’ai réalisé des formats de plus en plus grands, jusqu’à faire des fresques.
Quelles sont vos inspirations ?
Je m’inspire d’abord de ma vie, des questionnements que j’ai, notamment via ma double culture, mon père étant marocain et ma mère française. Ça a beaucoup influencé ma vision du comportement que je suis censée avoir en tant que femme dans une société, et dans ce croisement des cultures. Je suis évidemment aussi influencée par l’architecture et par les peintres du XXe siècle : expressionnistes, surréalistes…
Vous travaillez beaucoup sur le corps, notamment féminin ; le mouvement de libération du corps que l’on connaît actuellement vous inspire-t-il ?
Oui, parce que je pense que notre génération en arrive à un ras-le-bol des diktats imposés par la société. Plus généralement, je m’intéresse à la représentation du corps féminin dans les médias et dans l’espace public. C’est aussi pour ça que j’aime faire de la fresque et du grand format : j’aime que ce soit exposé à la vue de tout le monde, pour espérer changer les codes de représentation de la femme qu’on peut voir sur les panneaux publicitaires ou à la télévision.
Pourquoi avoir choisi le corps comme sujet d’étude ?
J’aimerais le désacraliser, et enlever l’image du corps féminin parfait, qu’il ne faut pas toucher… J’aime faire des formes qui dérangent, où les gens se disent que c’est un peu gênant : le fait que ce soit gênant ça implique le spectateur, car il doit se confronter à ce qui le dérange, et surtout se demander pourquoi ça le dérange. C’est vrai que dans l’art, on a toujours exposé la femme, mais en tant qu’objet de désir. Aujourd’hui, je ne voudrais pas la montrer avec le regard masculin, mais que ce soit juste un corps, et arrêter d’en faire un objet sexuel.
Pourquoi travaillez-vous vos couleurs par aplats, en forme géométrique et partiellement, sur vos œuvres ?
Je travaille les couleurs en aplats en m’inspirant des arts graphiques, j’ai cette démarche pour les rendre très interpellatrices. Les couleurs que j’utilise, je veux qu’elles attirent le regard pour donner une présence aux personnages que je représente. Je tiens également la superposition des lignes et des aplats de l’architecture, car elle donne une sorte de profondeur suggérée entre des formes simples et un arrière-plan plus complexe. Encore une fois, je souhaite impliquer le spectateur dans l’œuvre.
Vous est-il déjà arrivé de refuser des commandes ? Si non, pensez-vous que quelque chose pourrait vous pousser à en refuser ?
Je n’ai jamais refusé de commande. Toutefois, il m’est déjà arrivé que des clients potentiels refusent mon travail, car ils le jugeaient trop engagé. Mais je sais difficilement faire autrement, parce qu’il s’agit de mon œuvre, qui reflète mes émotions. Je peux comprendre mais j’ai du mal à créer des choses qui ne sont pas engagées. Je pourrais refuser une commande si on me demandait de réaliser un travail qui n’est pas dans mon style ; ce n’est pas parce que je fais des fresques que je sais faire tout style de fresque.
Avez-vous des projets pour le futur proche ?
Pas pour le moment, mais je suis toujours preneuse de nouveaux projets, que ce soit du très petit format comme du tatouage, à de la fresque. L’idée aujourd’hui pour moi, ce serait d’aller travailler un peu partout en Europe. J’aimerais aussi pouvoir faire des collaborations, rencontrer d’autres artistes, avoir un travail pluridisciplinaire, pour qu’il soit encore plus évocateur et profond. J’ai soif de nouvelles rencontres artistiques.
Plus d’information sur le compte Instagram de Nawel Grant.
Propos recueillis par Chloé Vallot
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