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Natalie Seroussi : “Il faut encore et toujours se réinventer !”

Pauline Leroy 21 avril 2020
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Natalie Seroussi

Rencontre au cœur du marché de l’art avec Natalie Seroussi. Galeriste et collectionneuse d’œuvres d’art authentiques, elle nous ouvre ses portes où dialoguent art moderne et contemporain.

Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ?

Tout juste diplômée de l’École du Louvre, j’ai ouvert ma première galerie en 1977, rue Quincampoix, tout près du nouveau Centre Pompidou. Je souhaitais y présenter ce que j’avais appris avec mon professeur Michel Hoog, à savoir l’art des années 1920, le constructivisme, le suprématisme, “l’abstraction-création”. En 1983, j’ai inauguré l’espace que j’occupe encore aujourd’hui, au cœur de Saint-Germain-des-Prés, avec le désir de lier intimement art moderne et contemporain.

En quoi consiste votre métier ?

Répondre à cette question revient à définir les missions d’une galerie. Avant tout, c’est un métier de passion, de choix personnel et de partage avec le monde de l’art, que ce soit les amateurs ou les institutions.

Une galerie a pour principe de faire des expositions, ce qui traduit une part de créativité du galeriste. Le thème d’une exposition peut être le point de départ d’achats. Mais je pense qu’il faut savoir tout faire : l’accrochage (très important !), des publications, de la recherche, de la communication, la comptabilité… et même le ménage !

Quelle est l’identité de votre galerie ?

C’est une galerie d’art moderne, donc de second marché. Je découvre des œuvres chez les collectionneurs qui souhaitent les vendre, aux enchères publiques, chez d’autres marchands ou galeristes.

Éclectique, je suis restée fidèle aux années 1920 mais, avec le temps, j’ai avancé dans l’histoire de l’art en me spécialisant dans le surréalisme, les années 1950, le nouveau réalisme, l’arte povera, la poésie, le son. J’aime confronter les époques, les artistes, les œuvres pour dégager un sens commun.

Quelles sont vos responsabilités, en tant que galeriste ?

La grande responsabilité d’une galerie d’art moderne : vendre des œuvres authentiques, conserver une grande qualité pour durer le plus longtemps possible. Pour les galeries d’art contemporain, c’est différent puisqu’elles ont surtout des responsabilités vis-à-vis des artistes qu’elles ont choisis de promouvoir.

Quelles sont les compétences requises, les qualités et aptitudes ?

D’abord, le travail ; ensuite, le travail ; enfin… le travail (rires).

Il faut connaître l’histoire de l’art et avoir un bon œil, ce qui veut dire acheter des œuvres de qualité. On doit poser des questions, être curieux. Une galerie est aussi un commerce : d’où la nécessité d’avoir le sens de la négociation. Et comme on négocie tous les jours, notamment avec soi-même, on est proche de la psychanalyse !

Quelles motivations vous ont poussé à faire ces activités ?

Avant de faire ce métier, je ne connaissais rien, car je n’avais aucune culture artistique. J’ai découvert l’art avec mes études. Je n’avais pas forcément l’idée d’ouvrir une galerie, mais mon mari collectionnait un peu. Nous partagions cette passion et je voulais travailler dans ce nouvel univers. Originaire d’une famille de commerçants, il m’a été naturel d’ouvrir une galerie.

Quel parcours d’études avez-vous suivi ?

J’ai eu mon Bac D (Bac S), puis j’ai réalisé une année plus ou moins chaotique, d’abord à la faculté de médecine de Strasbourg, mais je voulais être psy, pas médecin. J’ai arrêté et radicalement changé en m’inscrivant à des cours d’arts plastiques, des cours d’hébreu et d’arabe. Or, je me suis trompée, car c’est l’histoire de l’art qui m’intéressait. J’ai donc suivi les cours de l’École du Louvre, jusqu’à obtenir mon diplôme, tout en apprenant en parallèle le chinois aux langues orientales. Je devais me décider de passer les concours de muséologie, mais je ne souhaitais pas me retrouver dans un musée de province. Alors, à 23 ans, j’étais mariée, j’avais un premier enfant et j’ai ouvert ma petite galerie, avec l’appui de mes parents.

Avec votre expérience, voyez-vous une évolution ?

En 42 ans, ma galerie a évolué au gré des rencontres, de la connaissance, de l’apprentissage et de mes possibilités financières. Et, je peux dire que le changement a été radical. Les ventes aux enchères publiques ont pris une place très importante, tant dans les ventes publiques que privées. Le marché de l’art est devenu bien plus un marché financier que le marché d’amateurs que j’ai connu à mes débuts. Le nombre de foires internationales a explosé en passant de 60 à 300 foires par an. Est-ce que cela va continuer ainsi ? J’en doute.

Pensez-vous que les galeries d’art moderne vont durer ?

Je ne suis pas certaine que les galeries d’art moderne vont croître. Nous restons une niche pour les chineurs – des vrais amateurs – et certains musées. Mais, aujourd’hui, les œuvres sont très difficiles à trouver et à négocier, à cause de la concurrence des salles de ventes publiques.

Les nouveaux collectionneurs s’appuient surtout sur l’art contemporain, achètent beaucoup d’artistes différents, spéculent sur celui qui va faire carrière. Ils ont les exemples de grands collectionneurs russes, comme Chtchoukine, ou américains, comme Barnes, et ils aimeraient rester dans l’histoire. On voit beaucoup de fondations privées s’ouvrir.

Comment cela va évoluer, je n’en sais rien ! En tout cas, cela devient plus difficile. Les galeries internationales d’art contemporain sont devenues des entreprises corporate, certaines avec plusieurs espaces, dans chaque grande ville du monde, comprenant 250 employés, plus de 60 artistes, un grand nombre d’estate d’art moderne.

Aujourd’hui, il faut donc, encore et toujours, se réinventer. Un challenge de plus !

Propos recueillis par Pauline Leroy

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