Monsieur Qui : “J’ai toujours aimé les losers !”
Vous avez débuté par le graphiti, du côté d’Aix…
Oui, et j’en ai fait pendant toute la décennie 90. A l’époque, je faisais du skate, je bougeais beaucoup. C’était vraiment un jeu. Au départ, ce qui m’excitait, c’était, si ce n’est forcément de salir, au moins de m’approprier l’espace.C’est ensuite que j’ai évolué.
Comment votre travail a-t-il évolué vers une dimension plus figurative ?
En 2004, j’étais en coloc avec un ami, qui chaque fois me ramenait des images de ce qu’on appelait pas encore le street art : des interventions dans la rue avec des collages, de peinture, etc. J’ai découvert le travail de Faile, Bäst, etc. Pour moi, c’était vraiment nouveau. Ce n’était pas les codes du graffiti, l’impact était très fort. Et ça se rapprochait de ce que j’aimais faire chez moi : des dessins, que j’ai commencé sur le tard. Ca a été une découverte. Là, j’ai commencé à faire des collages à Marseille. Mais je procédais un peu comme pour le graffiti : mon but était d’en faire le plus possible, d’en coller des centaines un peu partout. J’utilisais des images proches de la vieille illustration de mode, du portrait féminin. Je trouvais rigolo de poser des portraits de femmes, parce que c’était le contrepied de ce que j’avais vécu dans le graffiti, cette culture assez macho – au point que beaucoup ont pensé pendant longtemps que j’étais une femme !
Mais vous travaillez aujourd’hui des fresques dessinées à la bombe…
Oui, depuis 2010, je peins à nouveau. J’ai toujours tout fait en noir et blanc. Pour moi, c’est vraiment total et absolu. Il n’y pas plus synthétique qu’une image en noir et blanc. Cela me permet de poursuivre une recherche du contraste absolu.
Pourquoi ce faible pour les créatures mal-aimées, comme les corbeaux ?
Au cours de ma décennie dans le graffiti, je n’ai pas aimé le côté très viriliste, côté confrontation permanente et grande gueule. Moi, j’ai toujours aimé les losers, les trucs de minable… Quand j’ai commencé à dessiner autre chose que des portraits de femmes, je me suis découvert une affection pour tout un tas de créatures sur lesquelles l’homme a projeté ses craintes : la hyène, le corbeau, le rat… Mais ça reste des animaux – beaucoup moins sanguinaires que les humains.
Vous avez aussi développé en atelier une pratique de papier découpés très sophistiquée…
Oui, et ça n’a rien à voir avec le street art. A plusieurs reprises, je suis tombé sur des livres qui traitaient de la tradition des papiers découpés au Japon, qui m’avaient fasciné. J’aime les travaux longs, qui isolent, comme une sorte de méditation… Des soucis de santé m’ont obligé à rester plusieurs mois à la maison. Et j’ai essayé… Je n’arrive pas à établir de lien entre ce procédé et ce que je fais à l’extérieur, mais à mon sens ça reste mon univers. C’est d’ailleurs toujours du noir, et il m’est arrivé d’en coller à l’extérieur.
Qu’est-ce qui vous plaît dans la fragilité du papier ?
Le défi ! A partir du moment où tu le déchires, c’est fini ! Or comme ce sont des travaux qui dépassent toujours les 100 heures, il y a une espèce de tension permanente… Un jour, mon chat a déchiré une portion d’une œuvre en cours, j’y avais passé plusieurs heures chaque jour depuis une semaine… Mais j’aime bien les contraintes. En extérieur, par exemple, on est toujours confronté à des obstacles, qui chaque fois font progresser. J’aime les lieux qui ont du vécu. Je peins toujours en transparence, j’essaie de ne pas recouvrir. Coller sur un mur tout blanc n’a pas d’intérêt…
Sophie Pujas
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