MOMO : “Les personnes en marge de la société me semblent toujours plus inspirantes”
À 45 ans, MOMO est un artiste peintre américain qui crée une abstraction colorée et vibrante. Il est internationalement connu pour, notamment, avoir réalisé le plus long tag au monde, et ce, à vélo en traçant une ligne orange dans les rues de Manhattan. Rencontre avec un grand artiste.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai grandi en Californie jusqu’en 1989. J’ai par la suite fréquenté pendant trois ans, un lycée spécialisé en art en Caroline du Nord. Cette école était située sur un campus d’université dans lequel je vivais avec des étudiants plus âgés que moi. De 1993 à 1994, j’ai vécu dans le désert du Nouveau-Mexique dans une maison à dôme géodésique. Un dôme géodésique est une construction architecturale en forme de sphère, décomposée en formes géométriques (triangle, carré, pentagone) de telle manière que la structure ne nécessite pas de fondations importantes. J’ai ensuite voyagé pendant un certain temps. J’ai ainsi vécu dans une grotte dans le sud de l’Espagne durant un an. Pendant à nouveau un an, j’ai résidé dans une tente sur une petite île à l’extrémité sud de la Floride. De 1999 à 2000, j’ai commencé à travailler et à vivre en Jamaïque durant de longues périodes. J’ai passé un hiver à Oslo en Norvège. Enfin, j’ai vécu à New York jusqu’en 2010, puis à la Nouvelle-Orléans jusqu’en 2019. J’ai beaucoup appris par moi-même artistiquement parlant pendant ces périodes. Désormais, mon studio est installé dans le nord de la Floride.
Vous présentez un parcours marqué de voyages atypiques. Votre style pictural a-t-il évolué durant ces différentes périodes ?
Mon “style” a toujours évolué plus vite qu’il ne le devrait et ce, dans une perspective commerciale. Mais bien entendu, je considère que mon style reste immuable bien qu’il prenne différentes formes – de la peinture de paysages au dessin de portraits en passant par le travail de rue ou le collage, les actions, les peintures murales et bien entendu l’abstraction. Mon amour pour l’art abstrait vient de mes nombreux voyages en Jamaïque. Mes créations sont composées de formes géométriques, de lignes pures et de couleurs vives et brutes créant des effets de mouvement. Je crée ainsi des toiles, sérigraphies, sculptures, fresques murales, collages géants, installations urbaines collectives…
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus lorsque vous créez ?
Je suis plus intéressé par les visuels qui appellent au désordre, en ce qu’ils décrivent le changement, que par les visuels qui dégagent un certain ordre. Ce qui me fascine également, c’est l’opposition entre la nature, riche en informations et infinie, et l’homme, au contraire fini et “à une échelle lisible”.
Quelles ont été ou sont vos inspirations ?
Le graff est une inspiration de longue date et j’aime toujours le pratiquer pour le plaisir. Mais je puise mes véritables inspirations dans les rencontres avec des individus qui vivent librement. Lorsque j’étais jeune, je tentais en voyageant de comprendre comment la vie fonctionnait et ce, avant Internet. Je m’inspirais donc des personnes qui m’apparaissaient intelligentes et aventureuses. Ainsi, jusqu’à aujourd’hui, les personnes légèrement en marge de la société et même en dehors du monde de l’art, me semblent toujours plus inspirantes.
Vous définissez-vous comme un street artiste ?
Non, j’ai tenté d’éviter ce terme pendant au moins douze ans. Je comprends bien entendu que ce mot fasse écho pour le public, mais les artistes se sentent tout simplement artistes et cette description de street artiste est réductrice.
Avez-vous une façon de travailler particulière ?
Je réfléchis beaucoup en amont et planifie énormément avant de réaliser quoi que ce soit. Je consacre la moitié de mon énergie à des travaux et expériences en atelier sans toujours obtenir ce que je recherche et sans que personne ne le voit.
Avez-vous un message à transmettre à travers vos œuvres ?
Mes œuvres ne véhiculent aucun message. Je souhaite seulement que le public soit curieux et sensible aux œuvres d’art afin de célébrer un certain état d’esprit et une certaine société que beaucoup d’artistes soutiennent. De nombreux artistes portent ce message sans être nécessairement dogmatiques.
Quels sont vos futurs projets ?
Je prévois un solo show pour Paris, à la fin de l’année. De grandes peintures murales à New York ont été retardées en raison du Covid-19 ; j’espère pouvoir les réaliser à la fin de l’été. Enfin, mon nouveau studio est en cours de construction.
Retrouvez le travail de MOMO sur son site Internet momoswhopalace.com et son compte Instagram @momoshowpalace.
Propos recueillis et traduits par Annabelle Reichenbach
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...