Mary Beale : première femme artiste professionnelle d’Angleterre
Une certitude : Mary Beale (1633-1699) était en avance sur son temps. À la fois peintre de renom et écrivaine, elle a procuré à sa famille l’unique source de revenus grâce à son activité professionnelle.
À cette époque, les rares femmes peintres étaient filles de peintre, cela leur permettait de recevoir une première éducation artistique. Son père, peintre amateur, faisait partie de la Guilde des peintres-coloristes, créée en 1268 et qui comptait parmi ses rangs des peintres reconnus. Cette proximité avec le milieu artistique local lui permit de côtoyer très jeune des artistes éminents, à l’instar de Robert Walker et Sir Peter Lely. Ce dernier, peintre de la cour du roi d’Angleterre, Charles II, et portraitiste, influencera fortement son style en lui prodiguant nombre de conseils et d’encouragements.
Ironie de son absence de reconnaissance par le grand public d’aujourd’hui, Mary Beale était mentionnée dès 1658 parmi les artistes dignes d’intérêt dans le livre The excellent art of painting de Sir William Sanderson.
En 1665, son époux Charles Beale perd son emploi. Cet épisode invite Mary à se consacrer entièrement à la peinture afin de subvenir aux besoins de sa famille. C’est ainsi un modèle extrêmement progressiste dans lequel les rôles sont inversés qui se met en place : Charles devient l’assistant de Mary. Assisté de leurs deux fils, il mélange ses couleurs, gère les comptes de la maison et note minutieusement les expérimentations de son épouse. Grâce à ses carnets de notes, Charles nous donne un aperçu de la vie qui régnait au sein de ce foyer atypique du XVIIe siècle.
Son talent se fait connaitre progressivement et sa réputation lui permet de recevoir des commandes, principalement issues de la bourgeoisie londonienne. C’est en 1677 que sa carrière atteint son apogée, elle reçut 83 commandes cette même année et enseigna, principalement à des femmes.
Néanmoins, dans les années 1680 la popularité du style de son ami Sir Peter Lely s’affaiblit, ce qui se répercute sur le travail de Beale. Son désir de peinture diminue et à partir de cette période, le nombre de commandes qu’elle reçoit annuellement chute à 39.
Parce que les talents de Mary Beale s’étendaient également à l’écriture, elle publia un ouvrage intitulé Discourse on Friendship en 1666. Rédigé à l’attention d’Elizabeth Tillotson, elle y prône l’égalité entre hommes et femmes sans laquelle l’amitié entre les deux sexes ne serait pas possible. À l’encontre des mœurs de l’époque, elle y conçoit l’amitié entre non-égaux à la seule condition qu’une ressemblance d’esprit existe afin de permettre un dialogue libre.
Enfin, elle écrivit Observations by MB, premier livre rédigé de la main d’une femme dont le sujet portait sur l’acte de peindre. À une époque où la société voulait que les femmes mariées soient modestes et silencieuses, cet ouvrage est le manifeste de Mary Beale grâce auquel elle prouve sa place en tant que femme peintre, et non pas seulement en tant qu’épouse. Elle se place implicitement dans une tradition picturale et construit son héritage artistique pour le futur.
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