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Marine Van Schoonbeek : “Il faut agir avec la conviction de sa réussite.”

Agathe Pinet 14 mars 2019
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Ambitieuse et passionnée, Marine Van Schoonbeek se consacre à créer un nouveau modèle d’engagement social européen au sein du monde de l’art. Avec Thanks for Nothing, elle met sur pied des projets à la croisée de la création artistique et du monde associatif engagé.

Comment en êtes-vous arrivée à lier le monde de l’art contemporain et celui de l’engagement ?
L’environnement dans lequel j’ai grandi, qui était engagé et politisé, m’a donné l’envie de concilier carrière professionnelle et engagement social. J’ai très vite souhaité lier le monde de l’art contemporain et celui de l’engagement. C’est aussi le cas de mes associées, Anaïs, Bethsabée, Blanche et Charlotte. Cette volonté commune nous a amenées à créer Thanks for Nothing.

Le monde de l’art contemporain est un monde engagé qui, par essence, questionne et bouscule les normes sociales. Représenter les artistes et défendre leur voix est donc un acte d’engagement. Depuis plus de dix ans, ma carrière s’est construite dans le monde de l’art et au contact des artistes, aussi bien dans des musées en France et à l’étranger, dans des foires mais aussi des galeries. Cette compréhension des différents acteurs du monde de l’art m’a permis de trouver une formule qui instaure un dialogue concret et impactant avec l’engagement citoyen.

Par ailleurs, le fait d’avoir débuté ma carrière à Chicago m’a permis d’appréhender l’engagement citoyen dans le modèle américain. Thanks for Nothing intègre aussi cette analyse de la philanthropie anglo-saxonne. Celle-ci est fondée sur une implication forte et évidente des citoyens dans leur communauté.

Le Pont des Échanges est l’un des projets menés par Thanks for Nothing

 

Avec vos quatre associées, vous avez créé, en 2017, cette plateforme philanthropique ? Pourquoi ?
Thanks for Nothing est né de la conviction qu’il est nécessaire de développer le modèle européen de l’engagement. Nous proposons donc une nouvelle formule de diffusion de l’art et de la création, tout en ayant un impact social. Selon nous, l’amélioration de la société se joue en deux temps : susciter la prise de conscience des citoyens qu’il faut ensuite transformer en action concrète. Ainsi, nous développons des projets ambitieux dont l’un des principaux enjeux est de mesurer précisément l’impact social.

Justement, avez-vous un exemple ?
Notre premier projet, We Dream under the Same Sky, nous a directement démontré que ce modèle d’engagement fonctionne. Organisé en huit mois, l’événement a réuni plus de 5 000 personnes au Palais de Tokyo et a permis de lever 2 millions d’euros reversés à des associations qui accueillent les réfugiés en Europe.

Vous avez travaillé pour plusieurs types d’institutions. Dans quelle structure vous sentez-vous la plus performante ? Laquelle mobilise les compétences que vous préférez utiliser ?
Dès le début de ma carrière, j’ai voulu connaître le fonctionnement de ses différents acteurs, aussi bien dans des institutions muséales que dans le marché de l’art. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de travailler dans un musée américain (le MCA de Chicago), une institution publique française (le Centre Pompidou puis le Centre Pompidou-Metz), une foire (la FIAC) et enfin une galerie (la Galerie Chantal Crousel), qui est la structure du marché de l’art la plus directement liée à la production des artistes. Ce parcours m’a permis de comprendre le fonctionnement de cet écosystème où les acteurs du monde de l’art se rencontrent constamment, travaillent ensemble, mais ont des intérêts et des objectifs parfois différents.

Aujourd’hui, Thanks for Nothing permet de mobiliser l’ensemble de ces expériences et des compétences que j’ai développées depuis dix ans. J’ai souhaité les rassembler et les mettre au service de la conception de projets artistiques et d’y ajouter la dimension engagée et impactante.

Concernant Thanks for Nothing, qu’elles ont été les motivations qui vous ont poussées, vous et vos associées, à créer votre propre association ? Qu’est-ce qui ne vous convenait pas dans les structures existantes ?
La création de Thanks for Nothing s’inscrit dans la logique d’une carrière dans le monde de l’art. Cette connaissance nous a décidées à ne pas ancrer Thanks for Nothing dans un lieu physique mais à le développer sous la forme d’une plateforme. Ainsi, nous pouvons systématiquement penser de nouveaux projets en lien avec les nombreux acteurs du monde de l’art. Thanks for Nothing permet une grande souplesse tout en restant lié aux structures publiques et privées que nous connaissons et dans lesquelles nous avons travaillé.

Notre association est composée de cinq femmes qui ont construit leur carrière dans l’art. En 2017, nous avons décidé de mettre notre expertise au service de l’engagement social. Une des raisons qui nous ont poussées à créer notre propre structure est que nous voulions aller plus loin dans l’engagement. En effet, il existe une volonté importante du monde de l’art contemporain de s’engager et de se rassembler pour mobiliser des moyens et des fonds dans l’objectif de servir un but social. Par ailleurs, le monde de l’art et associatif se côtoient peu. Avec Thanks for Nothing, nous créons le pont qui permet la rencontre de ces deux mondes et nous structurons le dialogue autour de projets que nous organisons, tout en nous appuyant sur des associations de terrain existantes et l’expertise qu’elles y ont élaborée.

En plus de la création de ce pont, Thanks for Nothing est né d’une réelle volonté de sortir de l’inaction, de ne plus être seulement spectateur de la situation et de la réalité des inégalités sociales. Nous avons voulu devenir acteurs de la solidarité et du changement. Avec Thanks for Nothing, nous voulons démontrer que nous disposons tous de moyens d’agir et que chacun peut contribuer à l’amélioration de la société.

Cinq entrepreneuses au cœur de ce projet ! C’est aussi une forme d’engagement ?
Nous avons la chance d’évoluer dans un milieu dans lequel les femmes sont fortement représentées, bien qu’elles soient encore peu nombreuses à occuper des positions de présidents et directeurs d’institution. Mais il faut reconnaître que c’est un milieu privilégié qui a conscience de ces enjeux et qui y est vigilant. Nous sommes très heureuses de porter aussi, de façon positive, l’engagement des femmes à la fois dans le monde de l’art et celui de la solidarité.

Mettre en place et porter un projet nécessite systématiquement beaucoup de volonté et de ténacité. Il faut agir avec la conviction de sa réussite. Aujourd’hui, nous sommes heureuses d’être reconnues en tant qu’entrepreneuses engagées qui innovent et qui osent. Cette reconnaissance s’est notamment manifestée lorsque nous avons été sélectionnées pour le Prix Business de Madame Figaro.

Quel enseignement tirez-vous de votre parcours ?
Il est essentiel de voyager, de se confronter aux autres modèles de fonctionnement, de les analyser pour mieux questionner son modèle et voir comment il peut être amélioré. Depuis dix ans, ma carrière personnelle m’a permis de confronter le fonctionnement du monde de l’art en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine, en Asie… et d’appréhender le monde de l’art de façon globalisée et internationale. Je pense que Thanks for Nothing est à l’image des cinq membres qui le composent. Nos parcours nous ont permis d’ouvrir notre champ d’action et de proposer une nouvelle formule de diffusion de l’art et de la création tout en ayant un impact social.

 

Propos recueillis par Agathe Pinet

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