Marie Hudelot : “Lorsque je fais des photos, j’improvise toujours, c’est presque performatif”
Rencontre avec Marie Hudelot, photographe plasticienne qui marque un intérêt pour le portrait et la question de l’identité. Avec un héritage familial se situant entre les deux rives de la Méditerranée, ses portraits questionnent l’identité et la transmission dans un contexte de métissage culturel. Marie crée aussi des totems qu’elle photographie, ces derniers retraçant différentes histoires et hommages. Une autre manière de représenter.
Peux-tu te présenter, ainsi que ton parcours ?
Je suis Marie Hudelot, artiste photographe ou photographe plasticienne, ça dépend de ma casquette. J’ai commencé par des études de cinéma mais j’ai toujours eu une sensibilité, un regard, très photographique et je me suis toujours intéressée aux portraits. Mon travail, c’est un portrait détourné. Je détourne l’utilisation ou la manière de faire un portrait, que ce soit par des portraits totems ou des sculptures totems que je photographie. C’est l’identité de quelqu’un, de quelque chose, de ma famille, d’une histoire…
À travers tes séries, tu choisis de ne jamais montrer un visage. Pour quelle raison ?
Il s’avère que je me suis mise à “cacher” les visages ou à les camoufler. J’ai voulu créer des personnages qui se transforment avec les objets qui les caractérisent, ils deviennent des caméléons et se camouflent ainsi derrière tout ce qui les symbolise. On est vraiment dans le détournement. Ces objets camouflant les visages créent une nouvelle identité, un nouveau personnage, une nouvelle atmosphère.
D’où vient cette attirance pour le travail du portrait ?
J’ai toujours aimé travailler sur le portrait. J’avais envie de faire quelque chose dans lequel on pouvait retrouver qui j’étais, notamment par rapport à mon éducation qui est à la fois algérienne et française ; populaire d’un côté, très bon chic bon genre de l’autre. Cela implique deux manières de voir, de se présenter, de se montrer. Ces deux éducations m’ont attirée, tout en créant une certaine dichotomie. J’ai donc voulu rassembler ces éducations à travers cette identité. Le portrait était pour moi une manière assez évidente – à travers tous ces objets, ces accessoires à outrance – de répondre à ces éducations, une manière d’esthétiser, de faire des pieds-de-nez, parfois de rendre hommage. Ma grand-mère m’a toujours montré qu’à partir de rien, on peut faire beaucoup. Avec des épingles et presque rien, elle pouvait transformer les gens. Je me suis dit que j’allais faire pareil à partir d’objets.
L’art, c’est un mode d’expression. C’est une manière pour moi de parler de mes analyses sociales, de mon ressenti personnel vis-à-vis de ma famille mais aussi de moi-même et de la place que j’occupe dans la société.
Dans ta série Héritage, les matériaux utilisés pour camoufler les visages sont-ils choisis au hasard ou ont-ils une signification particulière ?
Dans l’ensemble de mon travail, j’utilise beaucoup d’accessoires et de matériaux qui m’appartiennent ou que je récolte durant ma période de création. Pour la série Héritage, il s’agit d’accessoires que j’avais chiné depuis plusieurs années, collectés ou récupérés de familles. Ils ne sont pas forcément liés à ma famille mais ils y font écho. Je vais dans les brocantes et je récupère des choses qui me parlent, avec lesquelles j’ai un lien personnel ou esthétique. Ça peut également parler d’une région ou d’un pays.
D’où t’es venue l’idée de créer la série Natif ? Quel est ton processus de création ?
Pour Natif, c’est d’abord une continuité par rapport à ma famille, j’ai voulu rendre hommage à mon beau-père sénégalais. C’est aussi une façon de parler de l’Afrique du Nord de manière générale. Je voulais reconstituer des figures historiques d’avant la colonisation. Qui sont mes ancêtres ? J’ai voulu rebattre des cartes et recréer des figures historiques imaginaires.
Lorsque je fais des photos, j’improvise toujours, c’est presque performatif. J’ai les accessoires, le thème, puis les personnages viennent à moi et je les compose à ce moment-là. C’est complètement imprévisible. Pour Natif, j’ai fait plusieurs sessions et je suis finalement arrivée à ces 12 personnages.
Tu as également créé une série de “fétiches”, quel est le message ? Certains ont une emprunte orientale assez marquée, comment l’expliques-tu ?
La création a été assez spontanée. Il s’avère que j’ai créé des objets qui eux-mêmes n’ont été composés qu’à partir de petits objets que j’avais de famille, de voyages, des souvenirs, des cadeaux. Dans la vie, nous sommes multi-facette et notre identité est complexe : les gens nous connaissent par rapport à un point de vue ou une certaine facette. Les objets représentent une infime partie de notre identité. J’ai voulu créer ces fétiches mais je pourrais aussi parler de reliques, talismans, grigris. Ils sont tous composés de petits objets fétiches que je garde et dont je ne peux pas me séparer.
À travers ces fétiches, je représente différentes facettes qui me symbolisent : la mode, certaines structures, la rigueur, la danse, la musique, la fantaisie… Ces objets représentent des parts de moi.
L’emprunte orientale, c’est ce qui me caractérise, me constitue. C’est ma ligne de conduite esthétique, de rajouter des accessoires, des volumes, d’en faire beaucoup. C’est un mécanisme qui s’est enclenché dans ma création et qui fait sens pour moi.
Peux-tu nous parler de ton prochain projet ?
Je fais un travail pour la ville de Gentilly à l’occasion du festival “L’Art dans la Rue”. J’ai créé une installation photographique monumentale composée des portraits de Gentilléens. Ces portraits sont recréés à ma manière. Les personnes deviennent des totems humains. Pour rendre ce projet plus vivant, je crée également des masques et des totems en parallèle. Ils font partie des déguisements des personnages. Le jour de l’inauguration, ils viendront parader dans la ville jusque devant l’installation, avec les vêtements et accessoires que j’aurai créé.
INFOS PRATIQUES
La folle Tribu
Soirée d’inauguration le 10 juin 2022
Service culturel de Gentilly
58-60 boulevard Raspail – 94250 Gentilly
Festival jusqu’au 17 juin 2022
Suivez le travail de Marie Hudelot sur son site Internet ou son compte Instagram.
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