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Marc-Henri Garcia : “Avant de parler de ses goûts, il y a d’abord un travail éducatif à faire”

13 février 2021
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Rencontre avec Marc-Henri Garcia, un galeriste passionné avec une formation aux Beaux-Arts de Bordeaux qui lui a permis d’obtenir cet œil pointilleux qu’il a sur l’art, et qui souhaite le partager avec les bordelais par le biais de sa galerie associative : 5UN7 (se prononce “sunset”).

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Marc-Henri, je suis commissaire d’exposition, galeriste, artiste peintre, je fais également des installations, de la musique et j’écris des textes pour des artistes.

Quel est ton parcours et comment as-tu débuté dans le milieu artistique ?

Je ne venais pas du tout d’études d’arts plastiques, j’ai fait des études scientifiques et à partir de 2001 j’ai commencé à faire une mise à niveau à l’ECV. J’ai suivi une formation de graphisme dans laquelle il y avait quand même quelques cours d’histoire de l’art. J’ai aussi passé un BTS dans le graphisme et l’édition. J’ai ensuite passé six ans, à partir de 2003, aux Beaux-Arts de Bordeaux. On a pas mal voyagé avec l’école, on a rencontré des artistes étrangers assez pointus. L’école nous a bien mis le pied à l’étrier. Directement en sortant, j’ai eu mes premières expositions à l’étranger, à Berlin par exemple, avec des artistes assez confirmés, j’ai tout de suite commencé à travailler dans le grand bain. J’ai ainsi pu travailler avec Guillaume Leblanc, Nicolas Milhé, Guillaume Mercier et Daniel Buren, des grands noms de l’art français qui étaient sympas à l’époque de nous accepter, nous les petits jeunes, dans leurs expositions.

Quelles sont tes inspirations, tes influences ?

Je suis passionné de minimalisme, de brutalisme, j’aime bien tout ce qui concerne les arts de la modernité à la postmodernité. C’est très vague mais personnellement, j’aime bien l’abstraction. J’aime beaucoup la grosse peinture américaine des années 1950 à 1970. Après, ça m’influence mais je ne pense pas que je sois dans cette mouvance là. Quand je bosse, c’est quand même souvent lié à des choses figuratives. J’ai fait pas mal de séries sur des objets qui sont allés dans l’espace, c’est peut-être en ça que je vais chercher des choses dans l’abstraction, à travers ces objets qui sont purement scientifiques et pas du tout pensés de manière esthétique.

© Marc-Henri Garcia

Comment en es-tu arrivé à tenir une galerie d’art ?

C’est arrivé un peu par hasard, il fallait payer le loyer donc on a fait ce qu’on savait faire, c’est-à-dire écrire des textes, inviter des artistes connus. Et puis surtout, à Bordeaux au moment où on a ouvert il n’y avait vraiment rien, même s’il n’y a toujours pas grand-chose. Donc c’était assez simple parce que Bordeaux c’est quand même une grande ville. Jusqu’à il n’y a pas longtemps, il y avait beaucoup de touristes étrangers qui étaient peut-être même plus sensibles à ce qu’on faisait que les bordelais eux-mêmes, qui ont un petit décalage avec l’art contemporain.

Comment ce lieu a-t-il grandi pour devenir cette galerie d’art contemporain associative ?

Elle n’a pas vraiment évolué, elle a toujours été la structure qu’elle est aujourd’hui. Au début c’était des ateliers d’artistes, on bossait ici avec plusieurs artistes issus des Beaux-Arts et même des artisans, des designers, il y avait plein de corps de métier différents. Donc il y a eu des périodes avec des ateliers mais rapidement on a eu des problèmes d’humidité, et un manque de lumière qui ne rendait pas le travail agréable. On a alors préféré developper une scène pour pouvoir accueillir des spectacles vivants, de la musique et un bar associatif.

Comment fonctionne 5UN7 ?

En ce moment il ne se passe rien du tout, mais en principe on a une dizaine d’expositions par an. Soit des solo shows, soit des group shows, où les gens sont regroupés sur une thématique ou même pas du tout. Et à côté de ça on peut accueillir du spectacle vivant, des concerts, de la performance, de la danse contemporaine, et on a aussi un petit bar associatif qui permet d’assumer les frais fixes et de pouvoir refaire des expositions derrière. C’est un peu comme un “project space”, ce genre de lieu qui est apparu en Angleterre dans les années 1980-1990, des lieux qui sont dirigés par des artistes. Donc il n’y a pas l’enjeu du galeriste qui travaille seulement avec 10 artistes et qui doit les vendre. C’est plutôt un espace où il peut y avoir des tentatives, peut-être moins abouties mais qui en même temps permettent aux artistes de tester des choses, des dispositifs. Et il y a ce côté où l’on peut venir juste par curiosité pas dans le but d’acheter, on peut venir simplement rencontrer des artistes ou d’autres personnes qui sont présentes ici.

Quelles sont les idées que tu souhaites véhiculer grâce à ce lieu ?

Il n’y a pas tellement de ligne, comparée à une autre galerie qui défendrait certains projets. Comme je le disais tout à l’heure, il y a un travail éducatif à faire à Bordeaux donc le but c’est de montrer tout ce qui existe dans les arts contemporains. Je fais assez attention quand on passe d’une exposition à une autre à vraiment changer les thématiques et voire même à prendre des thématiques assez paradoxales pour que la personne qui vient d’un mois sur l’autre ne s’ennuie pas et qu’elle puisse voir des choses totalement différentes ou même opposées. Il y a donc cet enjeu qui est assez compliqué parce qu’il y a aussi des personnes qui ne comprennent pas pourquoi on passe de la photo à la performance, à d’autres choses… On n’est pas là pour donner notre goût, peut-être que ça intéresserait des gens que je partage mes goûts mais ce n’est pas mon but. Avant de parler de ses goûts, il y a d’abord un travail éducatif à faire.

Comment ça se passe quand un artiste vient exposer dans ta galerie ?

Ça dépend vraiment de chaque artiste, il y en a certains qu’on va chercher, que je ne connais pas et que je vais “draguer”. Je leur écris, je leur dis que j’aimerais bien représenter leur travail. Ou alors certains artistes viennent me soumettre des projets, ça fonctionne dans les deux sens. Il n’y a pas vraiment une manière de faire particulière. Ça peut aussi m’arriver en me baladant dans une ville de trouver un projet qui m’intéresse, ou sur Instagram, ou encore des amis d’amis qui me présentent quelqu’un. Il y a donc des projets qui arrivent tout écrits, et il y en a d’autres pour lesquels je vais m’occuper de tout. Je vais travailler sur une thématique parce que je trouve qu’il y a un intérêt à montrer cette personne à tel moment, parce que ça correspond à une question de tendance. L’art c’est aussi lié à des tendances, comme la mode.

Peux-tu nous parler des derniers artistes que tu as reçus ?

Dans les plus récents il y a Tomas Lacque, un artiste qui vient du graffiti, autodidacte, qui travaille beaucoup. Maintenant il fait de la sculpture un peu comme des “shaped canvas”, il a eu référence à la peinture américaine dont je parlais tout à l’heure. Et en même temps, il a ce côté un peu décontracté du street art actuel mais avec beaucoup de sérieux et beaucoup d’attention dans la fabrication de ses objets. On a aussi reçu Gaspard Delanoë, qui n’a rien à voir, un artiste ultra politique qui s’est présenté à la mairie de Paris, qui ouvre des squats partout dans la ville. Il est maintenant mondialement connu pour son travail de détournement de peintures qu’il va chiner, il est à la recherche de “croûtes” un peu partout sur lesquelles il va poser des phrases comme des slogans. C’est assez fou parce que c’est un travail drôle et à la fois esthétique.

Quels sont les projets à venir pour l’année 2021, pour toi et la galerie ?

On part travailler à Dunkerque pour un label de musique anglais qui s’appelle Warp Records, je pars avec un ami violoncelliste, c’est un projet que j’attends avec impatience. On a aussi un projet de résidence d’artistes qui arrive, qui devait être initialement installé à Sainte-Foy-La-Grande, mais on nous a proposé un nouveau lieu dans les Landes. Donc on se diversifie, on part en région. Et moi personnellement je reprends la peinture, je vais sûrement partir quelque part, je cherche une galerie qui me prendrait dans une ville comme Bâle ou Berlin. Et pour 5UN7, on espère pouvoir refaire une exposition mais pour le moment c’est difficile de se projeter, je ne sais pas encore si on va récupérer le programme qu’on avait prévu en 2020 pour l’appliquer à 2021, si on va avoir de nouveaux projets, pour l’instant c’est très flou. Comme l’année 2020 était écrite, on pourrait éventuellement reprendre ce qui n’a pas pu se réaliser.

Plus d’informations sur le site internet et le compte Instagram de la galerie.

Propos recueillis par Eva Bellanger

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