Malcolm Conan : intrusion dans l’esprit d’un artiste
Rencontrons Malcolm Conan, un jeune artiste qui nous invite, par ses œuvres, à voyager à ses côtés. Soucieux et curieux du monde qui l’entoure, il exprime ses pensées à travers l’art.
Peux-tu nous en dire plus sur toi et ton parcours ?
Je suis Malcolm Conan et j’ai fait les Beaux Arts de Bordeaux pendant quatre ans. Mes voyages au Sénégal et au Burkina ont marqué mon œuvre et m’ont servi à construire une bonne partie de mon travail. J’ai fait un bac S et une fac de biologie mais j’avais besoin de quelque chose qui me correspondait davantage. J’ai décidé de partir avec MANECOUNDA, une formidable association bordelaise qui m’a emmené dans un petit village au Sénégal pour y construire une école. À mon retour, j’ai eu une espèce d’illumination : je voulais être artiste. J’ai eu le concours des Beaux Arts, j’ai fait mes années qui m’ont inspiré mais pas d’un point de vue technique. J’ai plus appris sur l’histoire de l’art et comment prendre du recul pour parler de mon art. Puis, j’ai rencontré Wilhem qui a aimé mes tableaux et m’a pris une série. On a fait une première exposition et c’était très agréable de voir que c’était à la fois possible et apprécié.
Très jeune tu as été initié à l’art par ton père, peux-tu nous en dire plus ?
Il m’a beaucoup initié effectivement. Encore aujourd’hui, je travaille parfois avec lui. À Beaulieu à la maison Saint Louis, rue Saint Genès, j’ai réalisé les 3500 feuilles de chêne pour la sculpture monumentale de mon père, un arbre de 6 mètres de haut et 6 mètres de diamètre. Il m’a principalement initié à la soudure puisqu’il fait de la sculpture depuis plus de 20 ans ; je l’aidais pour les petites choses techniques quand j’étais plus jeune.
Quel est ton médium de prédilection ?
J’ai fait de la peinture pendant des années mais là je me remets au dessin. Je reviens à la base de la technique, je pense que ça va me permettre d’évoluer en peinture. J’ai envie de peindre de manière différente. C’est ce que j’essaye de faire avec mes dessins. Je ne prends pas toute la page, je dessine au centre et l’espace autour crée une sensation de vide.
D’un côté tu as des tableaux très colorés, de l’autre des dessins monochromes. Est-ce lié à ton envie de simplifier ?
Je pense que c’est lié oui. J’ai une certaine maîtrise de la couleur sauf qu’on ne sait pas trop comment ça marche. Chacun a sa propre image de la couleur, ça me paraît trop subjectif et j’ai envie d’enlever cet effet. Le côté monochrome, c’est cette envie de me concentrer sur l’aspect technique pour avoir une peinture plus claire, d’où ce besoin de retourner aux bases.
Tes créations sont parfois une vraie chasse au trésor. On y déniche des timbres, des extraits de textes, des végétaux… Quel est ton processus de création pour concevoir un tableau ?
Lorsqu’une de mes compositions me plaît assez, je la reproduis en me laissant une certaine liberté. En réalité, je suis assez émotionnel dans ma façon de peindre.
Les couleurs et la matière sont dans ma tête, je ne les prépare pas à l’avance. J’essaye de respecter les proportions, le nombre d’or tout en intégrant divers éléments pour le côté symbolique. Les timbres dans la série d’Afrique, c’était à mon grand-père par exemple, ça me rappelle le voyage. Les écrits, ce sont des notes assez personnelles. Je voulais que ce soit un peu caché, qu’on y ait accès sans vraiment y avoir accès, ça se confond avec la peinture.
Techniquement, c’est une série un peu expérimentale. C’était un bon entrainement qui raconte mon aventure et ma façon de penser. Chaque tableau n’est pas un souvenir précis, mais plusieurs d’entre eux. C’est aussi un bon résumé de la cacophonie du Sénégal avec ce côté un peu bordélique rempli de technique, de matière, de symboles, voire de légende.
À mon retour, l’impatience des gens m’a beaucoup choqué. J’ai eu la sensation que tout ce que j’avais appris c’était juste une petite fenêtre dans le monde, un petit carré. La culture sénégalaise et burkinabé, c’est si différent, ça a un peu changé mon mental et ma vision du spirituel. Je ne sais pas si j’y arrive mais c’est ce que j’essaye d’exprimer avec mes tableaux.
La thématique de l’homme est au cœur de ta réflexion, quels sont tes questionnements ?
Je pense que mon expérience a répondu en partie à des questionnements que j’avais depuis longtemps, sur moi-même et sur le monde.
Je m’interroge beaucoup sur la vérité, sur le fait qu’elle est à la fois multiple et unique. Quand on observe un objet, on n’obtient pas sa vérité en étant qu’à un seul point de vue. Il faut se mettre à tous les angles pour obtenir l’ensemble des visions qui forme sa vérité. Il faut alors accepter le fait d’avoir une vision partielle puisque ce n’est pas possible d’être à tous les angles à la fois.
Le rapport à la mécanique quantique c’est très intéressant aussi, le fait de croire et de ne pas croire. Est-ce possible de faire les deux en même temps ? Non, en revanche c’est possible de passer de l’un à l’autre. Si on le fait suffisamment rapidement, est-ce qu’on ne donne pas l’illusion d’être dans les deux en même temps ? Trouver la vérité, c’est réussir à comprendre qu’on n’y comprendra jamais rien. Il faut remettre en question sa propre pensée. C’est juste des points de vue différents mais si on accepte ça, on accepte que la vérité absolue n’existe pas.
Mon attrait pour ces réflexions a d’autant plus été renforcé par mon voyage. L’Afrique est bien plus animiste : ils ont un autre rapport à la nature. Ils considèrent que le monde nous voit, que nous ne sommes pas les seuls à observer et que tout est esprit. C’est le lien entre soi, le monde et comment le monde nous influence et comment on influence le monde.
D’ailleurs, je suis persuadé que toute la matière a une espèce de mémoire que certaines personnes sont capables de recevoir. J’ai un respect énorme pour la matière, elle vaut autant que moi. C’est juste une histoire de degré de conscience. Les objets que je colle sur mes tableaux, je les ai ramenés d’Afrique avec leur histoire. Ils ont vu des choses et sont chargés de vibrations.
Tes compositions sont-elles spontanées ou réfléchies ?
Avec Entre réalité et fiction, deux portes et un voyage spatio temporel de la collection “Le Voyageur Imprudent”, on peut observer le dessin préparatoire en bas à gauche. C’est le dessin original que j’ai fait en Afrique, en noir et blanc, sur mon petit carnet de dessins. J’ai décidé de travailler davantage la matière, je trouvais mes tableaux trop traditionnels, donc j’ai collé des morceaux de toile pour construire mes palmiers.
J’aime la symbolique donc certaines de mes formes reviennent et deviennent des personnages que je mets en scène. Je me laisse inspirer selon mes découvertes. Je me suis intéressé au vaudou donc parfois on trouve certains symboles comme des plumes ou le baron de samedi.
Sinon c’est beaucoup basé sur les énergies et les plans d’énergies. On ne se rend pas compte à quel point notre regard impacte la réalité, d’où mon attrait pour la croyance en général et l’ajout de symboles selon ce que je cherche à exprimer. Je pense qu’avec mes compositions, j’essaye aussi de recréer des vibrations proches de celles de la musique, ça ne s’entend pas mais ça se perçoit.
Penses-tu que ton attrait pour la géologie se retrouve dans tes œuvres ?
J’adore la géologie, ça me fait penser à toute la planète, aux plaques tectoniques qui bougent, aux mondes qui naissent ou se perdent. Inconsciemment je pense qu’il y a un peu ce côté scientifique puisque je prélève et classifie des plantes, je crée un monde où l’on retrouve beaucoup de carrés, qui me rappellent assez les schémas de cellules. J’ai aussi ramené de la terre rouge d’Afrique, j’adore cette couleur et cette idée de couche successive mais je ne l’ai pas encore utilisé. D’après moi, l’aspect scientifique n’est ni exclu de la croyance ni de la vibration, donc pourquoi pas les mêler davantage. J’aime beaucoup mêler les choses et surtout quand elles ne sont pas liables.
As-tu d’autres projets en cours en plus d’une nouvelle série plus simple ?
Oui il y en a d’autres, ce n’est pas encore très clair pour le moment. Je vais peut-être exposer avec Wilhem – mon galeriste au Village Notre-Dame de Bordeaux – à un salon à Paris où je ferai un grand palmier en métal, une sculpture d’1,50m. Après je suis exposé de manière permanente au Village Notre-Dame et dans un restaurant rue du Loup, un petit gastro. Après avec l’association MANECOUNDA, on a normalement réussi à avoir l’espace Saint Rémy pour 15 jours où mes tableaux y seront surement exposés.
As-tu un intérêt par rapport à d’autres disciplines artistiques ?
Je regarde beaucoup de films, j’adore le cinéma. J’ai eu l’occasion de faire quelques clips avec mon colloque, j’aime beaucoup ça. Ça me plairait d’en faire un jour mais je ne sais pas si je serai bon. J’aime beaucoup la littérature aussi. Après ce que j’apprécie avec le dessin, c’est de lier tout mon univers. Je me réapproprie ce qui est séparé dans mes séries et j’en fais un ensemble.
Tes souhaits pour l’avenir ?
J’espère trouver encore d’autres techniques et produits intéressants, trouver de belles expositions et faire des trucs impressionnants. Je n’ai ni le temps ni les moyens, mais j’aimerais bien faire des grandes œuvres. Après si je pouvais réussir à vivre de mon art, ce serait superbe.
Plus d’informations sur le compte Instagram et le site de Malcolm Conan
Propos recueillis par Elise Marchal
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