Maïmouna Coulibaly, une danseuse pas comme les autres
De la danse oui, mais pas que, aujourd’hui on vous emmène à la rencontre de Maïmouna Coulibaly, une danseuse pas comme les autres.
Pouvez-vous d’abord vous présentez, quel est votre parcours ?
Je suis Maïmouna Coulibaly, je suis française d’origine malienne, j’ai grandi en banlieue parisienne du côté de Grigny. Je suis une artiste, je touche à plusieurs disciplines comme le théâtre, la danse, l’écriture et dans chaque discipline à différents endroits (mise en scène, jeu, chorégraphe, danseuse, coach). Je suis également la fondatrice de la Booty Therapy.
Est-ce que dans une de ces disciplines il y a un aspect qui vous passionne plus que les autres ?
Je pense que ce que j’apprécie le plus c’est le parcours pour rendre quelque chose d’artistique et de bonne qualité. C’est toutes les étapes qui m’intéressent. Ça va partir de l’écriture, ensuite des répétions, des castings, la création, la mise en scène et l’interprétation.
Dans ma vie la danse à pris plus d’espace car c’est ce qui m’a permis de vivre, de me nourrir et de nourrir mes filles, par contre quand je ne fais que danser le théâtre va me manquer et quand je vais faire que de la mise en scène, le jeu va me manquer. J’ai vraiment besoin de ce tout, mais à des moments différents. Quand j’ai géré une mise en scène, après j’ai un besoin immense de jouer, de danser ou de me retrouver dans mon coin pour écrire, imaginer d’autres mises en scène.
Vous nous avez dit être la conceptrice de la Booty Therapy, est-ce que vous pouvez nous dire en quoi ça consiste et comment le concept est né ?
La Booty Therapy c’est un concept que j’ai commencé à développer il y a 25 ans, quand j’ai commencé à donner mes cours de danse. J’ai toujours adoré la danse et mes activités allaient forcément tourner autour de ça. J’avais des jeunes de 12 à 18 ans que je voyais 2 fois par semaine, on créait des chorégraphies, on participait à des concours départementaux et j’ai vu que ça fonctionnait bien. Ensuite, dans mon université, des étudiantes m’ont vu danser en boîte de nuit et elles m’ont dit que ce que je faisais c’était exactement ce qu’elles voulaient faire (N’dombolo, Ragga dancehall, coupé-décalé…). Elles m’ont trouvée une salle, une sono, des élèves et la seule chose qu’elle m’ont demandée c’était de venir avec ma musique et leur apprendre ce qu’elles avaient vues pendant cette soirée. C’était mon premier public adulte à qui j’ai donné de cours de danse, ce que je n’aurai pas imaginé faire et encore moins à des personnes qui ne venaient pas de cité. J’étais étonnée qu’elles puissent être intéressées par ces danses-là.
Pour l’anecdote, j’ai été serveuse dans le restaurant de Katy, une ancienne Claudette. J’étais fan de Claude François quand j’étais enfant. J’adorais voir ces femmes libres, danser, se déhancher avec tout le monde qui les adoraient. Katy nous apprenait les chorégraphies et on dansait. Un jour elle m’a dit de faire des shows avec mes danses à moi et moi j’avais encore cette pensée “c’est un truc de noir, qu’est-ce que je vais faire ça devant des blancs, ils vont se moquer de moi” et en fait ça a super bien marché, les gens étaient impressionnés. A la suite de ça, j’ai pris confiance en moi et j’ai démarché des écoles à Paris pour leur proposer mes cours.
Je me suis rendu compte que la danse est quelque chose qui me console, c’est la seule chose qui me fait du bien. À travers la danse je voyais que j’arrivais à mieux communiquer avec les gens. Je suis née en France mais je suis partie quelque temps au Mali et quand je suis revenue en France j’avais 5 -6 ans, je ne connaissais plus la langue, je ne parlais que la langue de mes parents. Quand je suis arrivée au CP je ne parlais plus le français mais à travers les gestes j’arrivais à me faire comprendre. La danse c’est comme ça que je la vois et c’est celle-ci que je veux transmettre aux gens.
C’est les Bootykilleuses (celles qui viennent à mes cours) à qui j’ai demandé en 2010 de me dire ce qu’elles trouvaient dans mes cours et pas ailleurs. Elles ont mis en avant le côté thérapeutique, tout le côté où elles se sentaient plus en confiance, où elles arrivaient à se débarrasser de leurs complexes en dansant. Dans ma façon de les pousser, de les encourager, de faire en sorte que lorsqu’on est dans la salle, on est un groupe, on se porte les unes les autres. Ça s’est fait à travers toutes les expériences et toutes les femmes que j’ai pu rencontrer dans des salles de danse et dans des lieux artistiques.
Pouvez-vous nous parler de votre compagnie “Les ambianceuses” ?
Les “ambianceuses” ont été créées en 2002, c’est le moment où j’ai sorti mon premier DVD “Dombolo fever”. C’est un DVD que j’ai sorti après la naissance de ma première fille. J’étais chez moi je m’ennuyais, j’étais triste de ne pas pouvoir danser. J’ai décidé de faire un DVD de mélange de remise en forme et danse. Je l’ai fait avec 6 filles et c’est comme ça qu’est née la compagnie. Très vite on a rajouté l’aspect théâtre avec la pièce que j’ai créée avec les jeunes d’Aulnay sous-Bois, qui parle de la double culture et du fait d’être enfant d’immigré.
Qu’est-ce que votre expérience personnelle, votre vie mais aussi les gens que vous rencontrez apportent dans votre pratique et dans votre réflexion sur la danse ?
Le fait est que je me rends compte que la vie, l’humanité est complète. Il y a beaucoup de nuances, de détails et de possibilités. Quand je rencontre une personne, sa façon de me répondre, de réagir par rapport à un fait ou un autre, je vais voir que sa réaction, sa sensibilité, son histoire, son corps, va changer selon l’environnement d’où la personne vient. Ce qui me passionne c’est que malgré toutes ces différences et ces nuances, il y a une chose qu’on a toutes en commun. À travers mon travail c’est ce que j’ai envie de mettre en avant. On n’est pas obligé de se flageller et de déprimer pendant des années, on peut avoir un moment de dépression mais je sais qu’il y a toujours un moyen de rebondir. Ce qui m’intéresse c’est de voir quand est-ce que le rebond va se faire, comment on peut entamer le rebond. On peut commencer le travail pout que la personne soit en forme dans 6 mois, dans 1 an.
Est-ce que vous pouvez nous parler de votre livre qui est en préparation ?
Ça fait 3 ans que je travaille sur ce livre. Au départ c’était un texte que j’avais besoin de cracher pour me libérer. Ce texte-là a décoincé pleins de choses que j’avais besoin de délivrer de mon corps. Ces choses-là sont liées à des violences que j’ai subies dans ma vie. J’avais ce besoin d’en parler mais à ma façon, avec mon langage, un mélange de cité avec des gros mots, des phrases pas correctement écrites et des passages plus littéraires. J’ai développé un aspect sur la rêverie et où je décris ce que je ressens quand je danse, ces choses qui me guérissent et que j’arrive à transformer en résilience.
Quelques conseils pour nos lectrices qui ont besoin de reprendre confiance en elles ?
Je dirais de commencer par les choses qu’elles aiment en elles. On a souvent tendance à être focus sur les choses qu’on aime pas, en fait il faut commencer par dire ce qu’on préfère chez soi. Faire de ses faiblesses une force. Il faut déconstruire toutes les moqueries qui sont encrées en nous pour les sublimer. On a forcément quelque chose qu’on aime bien et se regarder à travers ce détail et se dire que si ce détail est aussi beau, c’est grâce à tout le reste et remercier notre corps !
Plus d’informations sur la Booty Therapy ici
Propos recueillis par Léa Richard
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