Mahn Kloix : “Je raconte des histoires de gens qui se battent pour leurs rêves”
Histoires contemporaines aux enjeux sociaux et politiques sont les fils directeurs qui traversent la démarche du street artiste basé à Marseille et qui mobilisent sa créativité.
Mahn, pour ceux qui ne te connaissent pas pourrais-tu te présenter ainsi que ton parcours ?
Je peins dans l’espace urbain. Je raconte des histoires, des histoires contemporaines, celles de gens qui nous entourent, des gens qui se battent pour leurs rêves. Mais avant tout, je parle de cette vibrante capacité que nous avons tous en nous de faire évoluer le monde dans lequel nous vivons.
Pourquoi vouloir s’exprimer dans la rue ?
Je suis très attaché à la liberté d’expression et celle de circulation… S’exprimer dans la rue et parler de ces sujets-là c’est un peu comme boucler une boucle.
Comment décrirais-tu ton style ?
Je travaille souvent d’une ligne continue. J’aime le noir et blanc, arriver à capter la forme essentielle et vibrante qui définit un objet, une lumière, un regard… J’utilise beaucoup le doré car ce n’est pas vraiment une couleur, il change suivant la lumière et donc le moment de la journée, il est comme vivant…
Tu viens d’une famille engagée. Cela a influencé ton travail ?
Clairement, cela a influencé mon travail. Mais c’est aussi tout simplement une époque. J’ai grandi dans les années 1980, nous vivions avec une certaine insouciance, baignés des fantasmes de mai ‘68, rêvant d’un monde libre… La mondialisation était encore un fantasme ou un cauchemar… Il n’y avait pas encore de big data et de contrôle de la population, pas de crise environnementale imminente… Depuis, tout cela est devenu réalité. Le besoin de défendre les idées et l’envie d’un monde juste et libre ne se sont fait que plus grands au fil du temps…
D’où viennent tes inspirations ?
Noam Chomsky, Björk, Terry Gilliam. Des gens qui ont une vision du monde forte, aérienne, créative, libre, indépendante.
Tout au long de l’histoire, l’art et la politique ont été étroitement liés en raison de la position cruciale de l’art dans l’identité culturelle d’une société. Est-ce que tu utilises tes pratiques pour générer des messages ?
C’est une composante forte de mon travail. Partager des histoires contemporaines, des fragments de vie, des combats personnels, culturels et politiques… Comme l’histoire de Shaza & Jimena, deux amantes qui ont dû fuir la désapprobation d’un père et s’échapper de Dubaï où l’homosexualité est passible de la peine de mort… Elles ont passé quelques jours dans une prison turque avant que le ministère des affaires étrangères espagnol, pays natif de Jimena, ne les fasse libérer… Elles sont comme des Roméo et Juliette contemporains. Cette histoire reflète notre monde, ses contradictions, ses douleurs et ses combats…
Peux-tu nous expliquer un peu ta technique, tes supports et univers préférés ?
Je travaille beaucoup au trait ; je travaille vite, de manière instinctive, comme si je jouais de la musique… J’ai commencé avec le support papier mais je trouvais le rapport au support trop brut, trop copier/coller. Je l’ai progressivement abandonné pour la peinture, dont la bombe qui s’intègre mieux aux murs et devient comme partie intégrante de l’environnement…
Femen France, The Protesters… Parle-nous un peu de tes derniers projets.
Protesters tout comme Femen France, sont deux projets qui parlent de deux mouvements contemporains dont j’ai retracé les histoires par des collages dans l’espace urbain, là où ils se sont déroulés.
Femen France retrace les principales actions de Femen en France, à Paris, ainsi qu’une action que nous avons menée ensemble à Marseille.
Protesters retrace les mouvements de protestation en 2011, du Printemps arabe en Tunisie, à la révolution égyptienne au Caire, le mouvement de la Plaza del Sol à Madrid, le soulèvement des Indignés en Grèce, ou encore Occupy Wall Street à New York et Occupy Oakland.
Les deux projets s’accompagnent d’interviews et de documentaires vidéos.
Tu es installé à Marseille depuis quelques années. Qu’est-ce qui t’a amené ici ?
J’ai beaucoup voyagé et c’est le seul endroit en France qui m’attirait. Suffisamment grand, encore alternatif et bordélique comme le monde dans lequel nous vivons…
Quelle est la place de l’art urbain à Marseille, comment vois-tu son évolution ?
L’art urbain est omniprésent à Marseille. La scène marseillaise est très riche et selon moi peu structurée. Il y a ici de nombreux graffeurs qui recouvrent la ville, les ponts, les bords des autoroutes, les toits et des quartiers entièrement recouverts de fresques comme je n’ai jamais vu ailleurs… C’est très sauvage. Je ne sais pas comment cela va évoluer, Marseille est une ville mutante et surprenante.
Où sont les endroits ou terrains emblématiques pour découvrir les créations de street art ?
Les quartiers emblématiques sont le Cours Julien, le Panier, les abords des autoroutes A7, A50 et la ligne de train qui remonte vers le Nord de Marseille… et il existe désormais les projets du marché aux Puces, celui de la L2 qui relie l’A7 et l’A50, le Couvent Levat, et le MUR du fond.
Des projets en préparation ou en cours de réflexion, des envies ?
J’ai une série en cours sur le mouvement de protestation à Hong-Kong, j’avais prévu d’y aller cette année mais je ne sais pas quand les vols internationaux vont être à nouveau possibles. Je travaille aussi sur une série de portraits d’habitants dans un quartier populaire en France.
Retrouver Mahn Kloix sur son site, sur Facebook et Instagram.
Propos recueillis par Eleftheria Kasoura
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