Ludovic Alussi : “Comment font les publicitaires pour vendre à ceux qui sont susceptibles d’acheter ?”
Le photographe Ludovic Alussi est sorti major de l’école supérieure de photographie et s’est ensuite spécialisé au studio parisien Rouchon. Aujourd’hui, il produit des compositions modernes de nature morte qui détournent les codes et interrogent nos consciences, notamment autour des questions de consommation.
Pouvez-vous présenter votre travail en quelques mots ?
Mes visuels sont épurés et dessinés par ma lumière. Ces images me conduisent assez vite vers les publicitaires, les designers, des maisons de production ainsi que d’autres créatifs tels que des musiciens, des metteurs en scène ou encore vers la presse et l’édition. Je côtoie et me nourris des mondes publicitaire et culturel.
Pourquoi avoir choisi le médium de la photographie ? Qu’est-ce que cela vous apporte ?
Au départ, vers 14 ans, il me semble avoir décidé de devenir photographe pour le style de vie. L’observation et la contemplation sont certainement innées chez moi ; mauvais à l’école, je dessinais bien mieux que je n’écrivais mais je n’arrivais pas forcement à poser la couleur sur mes dessins. Aussi très vite, j’ai vu que je me débrouillais bien en photo et après 3 ans d’études à l’école de photo, l’EFET dans le 12ème à Paris, j’ai terminé major de promotion. Premier de la classe pour la première fois de ma vie. Plus tard, j’ai aussi compris que je suis devenu photographe publicitaire pour comprendre et apprendre comment les visuels, qui ne ratent pas leur cible, sont construits. Comment font les publicitaires pour vendre à ceux qui sont susceptibles d’acheter ?
Passionné dès le lycée par le théâtre et la littérature contemporaine d’Alfred Harry à Eugène Ionesco, je fais très vite le lien entre l’absurdité de la condition humaine et la fausse joie de l’ultra consommation que je retrouve dans les visuels du pop art. Face à l’explosion de la consommation américaine puis plus tard mondiale, les produits deviennent des stars incontournables. Je veux comprendre comment les choses, les objets vendus sont magnifiés pour devenir désirables à ce point.
D’où vous vient cet attrait pour la mise en scène d’objets inanimés ?
Petit, mon grand-père me baladait dans tous les musées parisiens mais son préféré était le Musée d’Orsay. Pendant mes vacances chez mes grands-parents dans le Var, avec mon grand-père, nous passions notre temps à tenter de reproduire les tableaux des flamands vus dans les musées parisiens. Les paysages et les natures mortes étaient notre truc. D’entrée, mes premières photos étaient des compositions d’objets. Donner du sens aux choses et aux objets, les associer, les mélanger, les fabriquer pour tenter de leur donner un sens.
Quelle est votre démarche artistique ? Comment choisissez-vous la composition de vos vanités ?
Je dessine, je fais des maquettes, je prépare tout : fond, support, stylisme, tout est pré-sélectionné et pensé d’avance. En studio, on ne part de rien. Il faut tout construire et tout éclairer pour arriver à ses buts. Shopping, stylisme, choix des matières et des objets… c’est sûrement un de mes moments préférés dans la construction d’une image.
Comment vous est venu l’idée de réaliser la série « Embouteillages » et pourquoi avoir choisi une bouteille en plastique pour symboliser l’indifférence du public face au phénomène de la surconsommation ?
Oui un symbole, c’est exactement ça ; en studio, pour les natures mortes on bosse par analogie, par la symbolique. Le plastique est le sujet de la série très souvent prise pour une série culinaire ; la bouteille est le symbole du problème, nos aliments sont emballés de plastique et contiennent eux-mêmes toutes sortes de polymères indéréglables.
La bouteille peut contenir la vie, l’eau, l’huile, le vin… En vérité, aujourd’hui c’est plutôt l’inverse : la vie, l’eau et le reste contiennent du plastique.
Quel message cherchez-vous à véhiculer avec « BREAD FOR BED OR FOR BETTER » ?
Ce sujet n’est pas de moi, c’est de Ludovic Nobileau, qui est venu me voir avec ses 7 baguettes. Une baguette par jour : le pain quotidien de l’artiste est de trouver une idée par jour.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’exposition « le jour d’après » ?
Il s’agit sûrement de l’une des meilleures expositions collectives à l’atelier depuis que j’y suis. J’y pressens le début de mon nouveau travail : « L’herbier des mers et des océans ».
Quel est votre objectif en tant qu’artiste ?
Montrer les problèmes.
Quels sont les artistes qui vous inspirent ?
Hiroshi Sugimoto et Joel-Peter Witkin
Retrouvez Ludovic Alussi à l’agence complice et sur Facebook
Propos recueillis par Elise Marchal
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