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Ludivine Gaillard : “J’opte pour un ton moderne et à la portée de tous, avec une pointe d’humour”

Thaïs Franck 16 février 2021
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Rencontre avec Ludivine Gaillard, médiatrice culturelle et créatrice du blog et du compte Instagram “Mieux vaut art que jamais”. Un parcours enrichissant et différent à découvrir à travers cette interview.  

Bonjour Ludivine, comment te définirais-tu ? Et quel est ton parcours ?

J’ai 31 ans, je suis médiatrice culturelle. Mon parcours a commencé par deux ans aux Beaux-Arts de Paris-Cergy puis j’ai décidé d’entamer une licence d’histoire de l’art à distance, jusqu’à la fin de mon Master 2. Le déclic qui m’a emmenée vers la médiation culturelle est un stage chez Artips. Je me suis rendu compte que vulgariser l’histoire de l’art c’était génial, je souhaitais sortir du cadre universitaire. J’avais envie d’entrer assez vite dans le monde professionnel, c’est pourquoi je suis devenue auto-entrepreneur en 2017 et j’ai postulé de façon spontanée auprès d’entreprises de médiation culturelle qui travaillent avec des musées. J’ai travaillé auprès de tous les publics : comités d’entreprise, scolaires, seniors… En ce moment comme tout est à l’arrêt, je peux pleinement me consacrer à mon site et à ma page Instagram. 

Comment la pratique de ton métier s’est-elle développée sur les réseaux sociaux ? Comment t’est venue l’idée ? 

À force d’emmagasiner des connaissances, je me suis dit que je pouvais en faire profiter d’autres personnes. Comme je venais de passer chez Artips, j’ai opté pour une manière vulgarisée, un ton moderne et à la portée de tous, avec une pointe d’humour. Au départ, je n’étais que sur Facebook. J’intégrais mes articles dans des groupes de passionnés d’art et d’histoire de l’art, sur lesquels il y a des milliers de membres. C’est de cette manière que j’ai commencé à me faire connaître. Je constatais également qu’Instagram était un réseau de plus en plus utilisé, et donc j’ai tenté. J’ai commencé en septembre 2018, et c’est réellement lors du premier confinement que j’ai beaucoup publié sur Instagram. En moins d’un an, j’ai gagné 2000 nouveaux abonnés. Évidemment les gens étaient beaucoup plus sur leur téléphone mais l’envie de continuer à voir de l’art était aussi très forte, ce qui est génial ! J’ai échangé avec beaucoup de personnes que je ne connaissais pas. Ces médiums sont de vraies plateformes d’échange et j’adore ça ! J’aime aussi l’idée que ça touche un autre type de public. Mon compte est actuellement plus regardé par des femmes avec les thématiques féministes que j’aborde, mais à un moment donné je vais faire un appel pour que les femmes abonnées à mon compte invitent des hommes à me suivre et à percevoir l’histoire de l’art d’une autre manière. 

Pourquoi avoir appelé ta page “Mieux vaut art que jamais” ? 

Je souhaitais trouver un jeu de mots pour incarner le ton décalé que j’emploie. Mais alors celui-ci, je n’ai aucun souvenir de comment il m’est venu à l’esprit. Je me souviens juste de m’être dit : “Hum… Est-ce que j’ose ce jeu de mots ou pas ?”. Et oui ! Évidemment, ça traduit aussi l’idée qu’il n’est jamais trop tard pour s’intéresser à l’art. 

As-tu des projets en cours ou à venir ? 

Le projet que j’ai réalisé avec “Feminists in the City” m’a donné l’idée de proposer mes propres visioconférences sur mon site internet. Il existe une section “classique” pour les gens qui ont envie de se cultiver en histoire de l’art, avec les principales périodes comme la Renaissance, le 18ème, etc. Mais il y a également une section qui sort un peu plus des sentiers battus, comme je le fais sur mon compte Instagram, avec la question de la place des femmes dans l’art ou des thèmes encore moins communs comme la représentation de l’homosexualité dans l’art. Le principe est qu’il y en ait pour tout le monde. 

Quel est ton “happy place” pour puiser de l’inspiration ?

Mon bureau car les objets qui y sont présents, tout comme les images affichées au mur contre lequel il est, m’inspirent. Ce sont des sortes de fenêtres vers des œuvres qui me font rêver ou me touchent particulièrement. Il y a également les livres qui m’inspirent énormément, comme par exemple La sexualité dans l’art occidental d’Edward Lucie-Smith, Histoire de la virilité de Georges Vigarello, ou encore Les femmes ou les silences de l’histoire de Michelle Perrot.

Que conseillerais-tu à une personne qui veut se lancer dans la médiation culturelle ? 

Nous allons faire abstraction de la situation actuelle. D’un point de vue formation, je conseillerais un cursus de minimum une licence en histoire de l’art et pourquoi pas une spécialisation en médiation si l’école ou l’université la propose. Ou alors faire comme moi et candidater de façon spontanée auprès d’agences de médiation pour se former sur le tas. D’un point de vue humain, certaines qualités sont primordiales : évidemment être à l’aise en public, faire preuve d’écoute, de bienveillance. Être créatif également, pour être capable de créer ou de renouveler des dispositifs de médiation et pouvoir s’adapter aux différents types de public.  

Penses-tu que nous tendons vers une médiation culturelle complètement digitalisée ? Que ressens-tu par rapport à ça ? 

Non car j’ose espérer qu’un jour les musées rouvriront ! Et en dehors de cette crise que nous traversons, je pense qu’une médiation in situ est plus pertinente qu’en ligne. Il est important que des publics, notamment ceux qui ne sont pas familiers des musées, puissent se rendre sur place pour s’approprier les lieux et ce qu’ils exposent. Les musées ne sont pas des mausolées intouchables. Ils doivent vivre. C’est pourquoi la médiation au contact direct avec des publics est essentielle ! Après je pense qu’en parallèle, il est intéressant de continuer à développer des outils en ligne, notamment via les réseaux sociaux, pour attirer toujours plus de nouveaux publics et faire vivre les collections autrement. Avec cette crise, beaucoup d’institutions culturelles s’y sont mises car c’était nécessaire. Les médiations faites avec de la réalité augmentée ont également de plus en plus de succès. Cela propose une autre approche des œuvres et des lieux, qui touche autant des publics habitués que des publics éloignés.   

 

Plus d’informations sur le compte Instagram de Ludivine Gaillard.

Propos recueillis par Thaïs Franck

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