L’interview de Maëonthebeat : pianiste, productrice, directrice artistique, photographe et bien d’autres encore
Partie de covers au piano postés sur Twitter, Maëonthebeat ne cesse de nous surprendre. Motivée par une grande curiosité qu’elle cherche constamment à assouvir, Maë peut largement être considérée aujourd’hui comme une artiste aux multiples talents. Pianiste, productrice, directrice artistique, photographe… elle a su se faire reconnaître par les professionnels du monde de la musique : Damso, La Fève, Metro Boomin, Khali, Chanceko, Lala &ce et bien d’autres encore. Artistik Rezo vous invite à découvrir l’univers de cette jeune artiste extrêmement inspirante, tant par sa sensibilité artistique peu commune que par son état d’esprit positif et empli de bienveillance.
Bonjour Maë ! Tout d’abord, merci d’avoir accepté notre invitation. Pour commencer, peux-tu te présenter et nous en dire un peu plus sur ton parcours scolaire s’il te plait ?
Bonjour Artistik Rezo ! Je m’appelle Maëlys, j’ai 21 ans, et je suis pianiste, music producer et directrice artistique principalement. Après mon bac, j’ai fait une école d’art en Belgique qui s’appelle Saint-Luc. Là-bas, on nous enseigne plein de matières : photographie, graphisme, direction artistique, publicité… bref, c’est hyper varié. Ensuite, j’ai fait un stage de fin d’études à Paris, dans une agence de publicité.
Comment la musique t’est venue ?
Ça ne m’est pas vraiment venu finalement ; j’ai toujours baigné dedans. Mes parents adorent la musique, ma mère chantait quand on était petites, mon père faisait du piano et jouait du djembé. Avec ma petite sœur on a toujours été super créatives, on inventait des chansons, on faisait des spectacles, des danses… Sinon, la personne qui m’a donné envie d’apprendre à jouer d’un instrument c’est Lisa Simpson avec son saxophone. Malheureusement quand je me suis inscrite au conservatoire, bah je mesurais 1m20, j’étais un peu asthmatique à l’époque et le truc était vraiment big donc on m’a dit : “heu non, le saxophone ça ne va pas être possible” (rires). Donc je me suis rapatriée sur mon deuxième choix, à savoir le piano : l’instrument qui a bercé mon enfance grâce aux CDs d’Alicia Keys. Mais en vrai je ne regrette pas, même si je ne lâche toujours pas l’idée d’apprendre le saxophone maintenant. Donc voilà, j’ai commencé le piano à 7 ans, j’ai fait le conservatoire de Roubaix. J’ai fait 5 ans de solfège et 4 ans de piano classique. Arrivée en 6e, j’ai décidé d’arrêter le conservatoire parce que même si ça t’apprend la rigueur, c’est vraiment une école à côté de l’école : il fallait avoir 14 de moyenne pour passer au niveau supérieur, et je jouais des morceaux cools mais qui n’étaient pas vraiment dans le style que j’écoute au quotidien.
Quand as-tu commencé à prendre la musique vraiment au sérieux ? À te dire que tu pourrais en faire ton métier ?
Tout s’est passé pendant le Covid. La musique a joué un rôle vraiment important à ce moment-là. Ça n’allait pas trop pour moi mentalement, donc je me suis réfugiée dans les covers au piano. Je postais à fond, je reprenais des sons rap que j’aimais bien. Ça me permettait de me sentir bien, parce que malgré le fait que j’étais toute seule dans mon salon, je me disais qu’il y avait quand même des gens qui m’écoutaient. En plus beaucoup d’artistes m’ont apporté leur soutien : soit ils likaient, soit ils repostaient, soit ils commentaient donc ça m’encourageait vraiment à poursuivre. Ça m’a permis de progresser aussi, puisque je reproduisais les sons à l’oreille, sans partition. Donc voilà, même si j’avais déjà posté sur Twitter ou en story Instagram des covers, c’est vraiment à partir de 2020 que j’ai assumé pleinement ce côté de moi en postant directement les reprises sur Instagram. Au début, j’avais un peu peur du regard des gens que je connaissais, des personnes de ma ville ; j’avais peur qu’ils se disent “mais qu’est-ce qu’elle fait celle-là à mentionner les rappeurs”. Y’avait un peu ce truc de syndrome de l’imposteur. Mais finalement ça a été une bonne chose, puisque c’est à partir de ce moment-là que des beatmakers m’ont contactée pour travailler avec eux. Ils m’ont demandé si je composais, et certes je le faisais, mais que pour moi ; dans mon téléphone je dois avoir 200 vidéos de moi qui invente un air au piano, mais avant, je ne prenais jamais le temps de les finir. Et je me suis dit que si des gens dans le domaine de la musique me posaient cette question, il fallait que je m’y mette sérieusement ; donc j’ai commencé à acheter le matériel, grâce à ma famille et mes amis.
J’ai cru comprendre que tu faisais de la synesthésie. Peux-tu nous expliquer en quoi ça consiste ?
La synesthésie c’est une hyper connectivité des neurones. En gros, c’est le mélange des sens. Il y a plusieurs types de synesthésie : il y a la chromesthésie, c’est ce que je fais : c’est le fait de ressentir et de visualiser des couleurs quand t’entends de la musique. C’est hyper difficile à expliquer… et non, il n’y a pas de drogues là-dedans (rires). Sinon t’as un autre type de synesthésie, c’est le fait d’associer des odeurs à des visuels. Il y a aussi des gens qui associent des émotions à des chiffres. Pour ma part, je ne sais pas vraiment si ça m’aide à composer, mais en tout cas il y a un côté stimulant là-dedans. Disons que ça amplifie le fait que j’ai tendance à produire avec mes émotions, avec le cœur.
Quelles ont été tes premières collaborations ?
Déjà, il faut savoir que je suis plutôt mélodie. Comme je suis pianiste, je ne me suis pas encore mise officiellement aux drums… Donc ma première collab c’était avec un gars qui s’appelle TMI, à qui à la base je demandais des conseils. Puis, au final, je lui ai envoyé une mélodie, il a ajouté ses drums dessus et j’ai trouvé ça vraiment cool. En 2020, j’ai dû faire une vingtaine de collabs dans ce style. Puis la première fois que j’ai entendu un rappeur sur ma mélodie, c’était Khali. Le son n’est jamais sorti malheureusement, mais c’était quand même fou comme expérience.
Ensuite, la première fois où j’ai vraiment dû créer une mélodie à partir d’à cappella, c’était pour Astro Boi, sur le son Trop tard. Pour le coup, c’est lui qui m’avait contactée en me disant “ça fait longtemps que je te suis, j’aimerais bien t’avoir sur le projet. J’ai un son en tête et je voudrais du piano dessus”. C’était un exercice assez difficile, parce que d’habitude je fais l’inverse. Mais au final c’était une super expérience, et je suis contente du résultat. Par la suite, j’ai travaillé avec Yvnnis & Lilchick sur Mektoub Outro, qui voulaient que j’ajoute quelques notes à la fin de leur EP Parhelia. Et d’ailleurs, le projet est sorti cette année.
Et qu’en est-il du Grünt d’or avec Chanceko ? Comment a eu lieu la rencontre ?
J’avais repris un de ses sons au piano, qui s’appelle Arc-en-ciel. Donc il m’avait follow, et son équipe aussi. Quelques mois plus tard, son manager m’a envoyé un message pour me dire qu’ils avaient besoin d’une pianiste pour un Grünt d’or. J’étais hyper partante, même si je n’avais encore jamais fait de live. J’ai été super bien accueillie, on a fait les répétitions et ça s’est vraiment bien passé. C’est ce jour-là où je me suis dit “c’est trop cool de faire de la musique avec des vrais musiciens en full acoustique”.
Ces derniers temps, on t’a beaucoup vue aux côtés du rappeur Beeby. D’où vient cette collaboration entre vous deux ?
À la base, c’est Théo Lovestein qui a fait le lien entre nous. Il m’a proposé que j’accompagne Beeby sur une Crimson Sessions. On s’est entraîné plusieurs jours ensemble, et le feeling est hyper bien passé. Deux jours avant les Crimson Sessions, Beeby avait son premier concert en solo à La Place, donc il m’a proposé de l’accompagner. Au final, heureusement qu’il m’a dit ça parce qu’on s’est trop amusé, il y avait une super ambiance, j’ai pu rencontrer plein de monde et c’était hyper sympa. Après, je n’ai pas encore assez confiance en moi pour kiffer le moment à 100%. J’étais tellement concentrée et tellement focus, ça se voyait que j’étais dans mon truc. Je pense que c’est vraiment avec l’habitude que tu commences à prendre plaisir sur scène, à regarder le public… Mais c’était quand même un moment hyper cool. Après il y a eu la Crimson Sessions comme prévu, puis enfin il y a eu Mouv’ en octobre. Encore une fois, Beeby voulait que je l’accompagne au piano sur son titre Après l’hiver. Là encore, c’était une expérience très différente des précédentes. En radio, on ne se rend pas forcément compte que dans la salle il y a toute une équipe qui gère derrière… et pourtant c’est bien le cas ! C’est assez impressionnant.
Quels sont tes futurs projets ?
En ce moment, j’ai vraiment envie de construire mon identité dans la musique. Parce que les gens me connaissent à travers mes covers, mais mise à part ça je ne poste pas vraiment ce que je compose parce que j’ai trop peur du plagiat sur les réseaux sociaux. J’ai commencé à préparer mon projet en juillet 2021. Je pense qu’il y aura 5 à 8 titres, et je collab avec d’autres beatmakers que je kiffe, puis j’invite des artistes-interprètes à poser. Donc c’est moi à la tête du truc, mais ce n’est pas un projet full piano. Je ne suis pas du tout dans la mentalité du “je fais tout toute seule”. Je m’en fiche qu’il y ait 15 producteurs sur le projet, tant que le résultat est lourd c’est tout ce qui compte.
Que conseillerais-tu à des jeunes artistes qui n’osent pas se lancer dans la musique ?
Alors… ça fait un peu bateau de dire ça, mais il faut oser ! Il ne faut pas complexer par rapport aux autres, il y a de la place pour tout le monde. Il ne faut pas non plus chercher à copier les autres, il faut vraiment trouver son univers, son identité, trouver avec qui on veut travailler ; parce qu’on n’est jamais seul. C’est hyper important de savoir pourquoi tu fais de la musique, et pourquoi tu le partages au public. Il faut vraiment le faire selon tes émotions, selon ce que tu veux faire ressentir. Et si ça plait tant mieux, sinon tant pis.
Il faut aussi savoir s’entourer des bonnes personnes, oser envoyer des DM ; il n’y a rien à perdre, il ne faut pas se poser trop de questions. Tout le monde a commencé à partir de rien : si les autres l’ont fait, pourquoi pas toi ? Honnêtement quand je repense à la “moi” d’il y a 3 ans, jamais j’aurais pu imaginer tout ce qui m’est arrivé. Pour certains ça peut être rien, mais pour moi c’est déjà énorme.
Merci infiniment Maë !
Suivez l’actualité de Maë sur ses comptes Instagram et Instagram (photographie) ainsi que sur son site web.
Propos recueillis par Iris Guazzini
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