L’Hallier démasqué
Collectés par l’association des « Amis de Jean Edern Hallier » de nombreux objets personnels, photos, dessins et manuscrits lèvent un peu le voile sur l’histoire du polémiste. Nous le suivons ainsi, rescapé du manoir familial d’Edern dans le Finistère, s’engager dans l’aventure de la revue Tel Quel, et entamer son parcours d’écrivain aux côtés du couple Sartre/ Beauvoir. Inspiré par le climat révolutionnaire ambiant, il participe aux évènements de mai 68 et devient rédacteur au quotidien Action. Sorte d’Hugo moderne, il traverse les barricades au volant de sa Ferrari gris argent, sa « Marie Madeleine », et distribue tracts et cocktails Molotov. Bourgeois militant gauchiste, il s’accommode de l’oxymore et proclame un « populisme raffiné » dans son grand roman post révolution, La cause des Peuples. Une série de photographies personnelles témoigne de ces premières années parisiennes. Ainsi cette rencontre avec Mitterrand encore premier secrétaire du parti socialiste, dans le jardin de Sartre, ou ses premières discussions avec Philippe Sollers aux bras de Julia Kristeva.
Le chagrin socialiste
Dans la continuité du « Mai français », Jean Edern Hallier crée le quotidien L’Idiot International, « une insulte à l’imbécillité ambiante, c’est-à-dire aux idiots nationaux ». Des exemplaires originaux, datés de 69 à 72, révèlent toute la force subversive du journal dans lequel exerçaient encore Sartre et Beauvoir. Parallèlement, Hallier poursuit son sacerdoce littéraire, et signe avec Chagrin d’amour un roman épique invoquant le romantisme de Chateaubriand. Quelques manuscrits, épreuves ou cahiers laissent entrevoir le travail de l’écrivain, ses humeurs, bons mots ou mauvaises pensées, et Dumas de devenir « le géant qui abat des forêts d’allumettes ». Plus loin une série de photographies présente un Hallier transformé, revenu des mystifications soixante-huitardes et du mirage socialiste. Ennemi juré de Mitterrand, il provoque pour éviter l’oubli, capable d’organiser son enlèvement, de plastiquer la maison de Régis Debray ou de mettre le feu à la porte de Bernard Pivot. Un besoin de reconnaissance constant qui semble déterminer la dualité quasi schizophrénique du « fou Hallier ». Le documentaire réalisé par Frédéric Biamonti qui conclut l’exposition revient sur cette période trouble de l’histoire de l’écrivain, qui rêvait trop fort de politique, d’académie et de panthéon.
La résurrection d’un phénix
Avec l’extension du domaine de la morale, le règne mielleux de l’émotion et l’émergence des manipulateurs de symboles, Hallier vivant ne pouvait que revenir. Le dernier des Don Quichotte réveille l’Idiot International en 1984, entouré de Topor, Sollers, Matzneff ou Nabe. Mais depuis quelques temps, il aspire à autre chose, reclus dans son atelier de l’Hôtel Normandy, il peint une cinquantaine d’œuvres, réunies pour la première fois à l’occasion de cette exposition. Sur papier artisanal, Hallier dévoile ses inspirations surréalistes, ses marins brindezingues aux comptoirs enivrés, ses « négresses assises sur un banc de sardines », ou ses clowns joueurs de mandoline. Plus loin, ses dernières œuvres réalisées en 1996 exhalent une énergie morte et une mélancolie grave. L’autoportrait, presque testamentaire, à l’encre noir sur chiffon, dévoile un Hallier fatigué, lèvre plongeante et regard résigné : un Hallier démasqué.
Romain Blondeau
Du 5 au 25 mars 2009
Lundi – Vendredi : 8h30 à 17h
Jeudi : 8h30 à 19h30
Mairie du 6ème arrondissement
78 rue Bonaparte
75006 PARIS
Métro Saint Sulpice
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