Levalet : “Mes inspirations sont proches du cinéma muet”
Les œuvres des Levalet parlent sans besoin de mots ultérieurs et invitent les spectateurs à voyager en les suivant dans leur univers narratif. Rencontre avec l’artiste.
Vous travaillez sur plusieurs supports mais notamment dans la rue. Comment avez-vous commencé à peindre sur les murs et pourquoi ?
Un peu par hasard et par la force des choses. J’ai fait des études à Strasbourg et je suis arrivé à Paris en 2011, dans une ville que je ne connaissais pas, où j’avais plus de lieux d’expositions, et j’ai beaucoup travaillé le dessin à ce moment-là. Je me suis retrouvé avec des nombreux dessins dont je ne savais pas quoi faire, donc j’ai commencé à les coller dans mon quartier. Ce qui m’intéressait en premier lieu c’était, plus que de travailler avec l’espace public, de travailler avec l’espace réel. J’étais intéressé par le fait de mélanger la figuration, l’espace artistique, et de l’inclure dans l’espace réel, de jouer sur l’interaction entre les deux. Je travaillais déjà sur ça mais plus sur des installations vidéo, avant de le faire dans la rue.
Après le fait de travailler dans la rue ça été un gros déclencheur pour moi dans la mesure où, avant, je travaillais plus dans des espaces dans lesquels j’étais autorisé, donc j’avais un panel d’espace disponible qui était relativement restreint. Le fait de travailler dans la rue m’a vraiment procuré des libertés incroyables, un panel de lieu illimité.
Les sujets que vous représentez sont pour la plus-part des personnes qui racontent des histoires, qui semblent nous parler. D’où vient ce choix ? Quels sont vos inspirations ?
Oui il y a une dimension narrative dans mon travail forcément, je le travaille depuis le début. Ça ne raconte pas forcément une histoire mais dans mes mises en scène il y a toujours un potentiel narratif qui permet de tirer l’image d’un côté ou d’un autre et d’y voir des histoires. Ça m’intéresse de travailler comme ça parce que j’ai l’impression que c’est aussi un moyen d’être très accessible au grand public, la figuration et la narration, parce que ce que j’aime c’est de jouer au-delà de l’effet visuel, de jouer sur l’image, mais aussi sur le sens, sur la poétique de l’image, et c’est pour ça que la dimension narrative est importante.
Après, mes inspirations là-dessus sont plus proches peut-être du cinéma muet que de l’art urbain. J’ai été beaucoup inspiré par des artistes comme Buster Keaton : je trouve qu’il y a beaucoup de similarité avec mon travail dans la mesure où c’est muet, où ce sont des courtes scènettes à chaque fois.
À propos d’histoires, il y a un projet en particulier qui est composée de 10 épisodes. Pourriez-vous nous parler davantage de votre projet Odyssée ?
Là pour le coup j’ai vraiment essayé de pousser la dimension narrative de mon boulot un peu plus loin. Le but du jeu c’est de raconter une histoire de long cours, sur plusieurs épisodes. Il y a 10 épisodes et je ne sais pas jusqu’à quand ça ira. Certainement jusqu’à une trentaine d’épisodes, on verra.
Est-ce que vous avez choisi des murs proches pour réaliser ces épisodes ou pas du tout ?
J’aurais bien aimé mais techniquement ce n’est pas possible. Déjà pour ce projet, par rapport à mon travail habituel, les œuvres sont beaucoup moins “in situ”, c’est-à-dire que les œuvres ne sont pas forcément pensées en fonction du lieu, il y a moins d’interaction avec l’architecture, moins de jeu visuel, mais parce que je suis très contraint techniquement par la taille des murs que je dois trouver. C’est-à-dire que quand je dois dérouler dix personnages les uns à côté des autres il me faut un mur avec dix mètres de long et ce n’est pas évident à trouver. Donc je le fais en fonction de ce que je trouve.
En général chaque collage nait du lieu. Pour ce projet-là je travaille un peu à l’inverse. Même si la plupart du temps je sais où je vais coller.
En plus d’Odyssée il y a d’autres œuvres qui font un clin d’œil à des romans. Je pense par exemple à 1984 ou Roméo et Juliette. Quels rôles ont la littérature et les mythes dans votre travail ?
La littérature et les mythes aussi font partie de mon bagage culturel, sont des choses que j’exploite régulièrement. Je fais souvent référence à des grands récits mythiques dans mon boulot, même si c’est de manière détournée, ils sont des références universelles, que ce soit des récits homériques ou des récits bibliques, en tout cas tout le monde en a la clé. Même quelqu’un qui ne connait pas l’Odyssée ou la Bible connait ces références-là.
Est-ce que vous essayez de transmettre un message avec votre art ?
Je ne dirais pas que j’essaie de transmettre un message particulier, je l’impression que quand on essaie de faire ça on se perd plus dans la communication ou dans le militantisme. Après, mes œuvres ne sont pas dénuées de tout propos politique donc forcément il y a des propos politiques qui sont sous-jacents mais que j’essaie de jamais rendre proprement explicite, chacun y voit midi à sa porte.
Sur quoi vous travaillez en ce moment ? Quels sont vos projets ou envies pour le futur ?
Je travaille toujours sur Odyssée. En parallèle de ça je travaille sur mon exposition solo qui aura lieu en septembre à Bruxelles, à la galerie Mazel. J’explore un peu une nouvelle technique, je travaille plus sur des collages de papiers déchirés. Ça change un peu des dernières expositions que j’ai pu faire où j’ai beaucoup travaillé sur du bois.
Plus d’informations sur la page Instagram et sur le site Internet de Levalet
Propos recueillis par Violagemma Migliorini
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