Les Orientales à la Maison de Victor Hugo
Quand Hugo publie Les Orientales, en 1829, l’Orient fascine déjà l’Europe. Depuis la campagne de Bonaparte en Egypte (1798-1801), nombre d’artistes, diplomates et géographes sont partis à la découverte de ces terres étrangères. Chateaubriand, Lord Byron, Vivant Denon entre autres en ont rapporté des récits enthousiastes, propres à faire naître la vague orientaliste dans laquelle les peintres ont plongé sans détour. Les Romantiques surtout : quel meilleur décor pour leur art fougueux et sensuel que ces contrées de chaleur et de lumière, où les guerriers armés de cimeterres chevauchent des pur-sang arabes et où les femmes exhalent des parfums de myrrhe et de jasmin ? Pourtant beaucoup de ces artistes – comme l’auteur des Orientales lui-même – n’ont jamais fait le voyage : ce qu’Hugo met en vers et ces peintres en couleurs, c’est un Orient fantasmé à partir des écrits de ceux qui s’y sont rendus.
La Maison de Victor Hugo, bien sûr, n’est pas le Louvre. On ne peut espérer y trouver la profusion de chefs d’œuvres qu’offrirait un établissement national. Ici donc, pas de Femmes d’Alger de Delacroix ni de Bain turc d’Ingres. Mais la centaine d’œuvres réunie, sculptures, tableaux et dessins, offre un aperçu séduisant de cet orientalisme ambiant. Avec Delacroix et Géricault, mais aussi Sheffer, Boulanger ou Chassériau, l’exposition oscille entre férocité et volupté, entre combats mortels et sensualité débridée. Car si la guerre entre Grecs et Turcs, notamment, a suffisamment passionné les artistes pour qu’ils laissent percer une part de réalité dans leur Orient onirique, c’est aussi la peau satinée des femmes, esclaves ou sultanes, qui a stimulé leur imagination. Dévêtues sans pudeur, parées d’or et de perles, offertes ou rebelles, elles dégagent toutes un érotisme brûlant, celui-là même qui affleure dans chaque poème des Orientales.
Peu à peu, le visiteur plonge dans cet Orient poétique jusqu’à oublier qu’il arpente les salles d’un hôtel particulier parisien. Ce voyage, c’est certes à la palette chaude des peintres qu’on le doit, mais aussi aux vers d’Hugo, qui confèrent à l’ensemble un lyrisme puissant. Car les commissaires ont eu l’excellente idée de joindre à la légende de chaque tableau un extrait des Orientales, soulignant les résonances entre peinture et poésie. On se demande parfois qui a inspiré qui, du peintre et du poète. Mais la question est vaine, tant on comprend que les deux disciplines procèdent de la même démarche. « Ut pictura poesis » disait Horace. « Comme la peinture, la poésie ». C’est ce que rappelle l’exposition avec d’élégants accents orientaux.
Si cette exposition n’est pas un événement majeur, elle constitue néanmoins un objet de promenade idéal pour les Parisiens en quête d’exotisme, alliant à merveille pédagogie, poésie et esthétique. Les ingrédients sont bons et le dosage savant : en un mot, une réussite.
Grégoire Jeanmonod
Les Orientales
Commissaires : Danielle Molinari, Directrice de la Maison de Victor Hugo, Vincent Gille et Jérôme Godeau
Jusqu’au 4 juillet
Tous les jours de 10h à 18h, sauf lundis et jours fériés
Informations : 01 42 72 10 16
Tarifs : 5 à 7 euros (gratuit pour les moins de 14 ans)
Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges
75004 Paris
Métro Saint-Paul, Bastille, Chemin Vert
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