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Les dioramas urbains d’Okyel

Nicolas Gzeley 30 janvier 2020
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À rebours de la course au gigantisme que connaît l’art urbain depuis une dizaine d’années, c’est à échelle lilliputienne qu’Okyel déploie sa créativité. Avec la minutie d’un horloger suisse, le graffeur grenoblois crée des morceaux de villes miniatures bluffantes de réalisme, n’oubliant jamais d’y intégrer pléthore de tags, stickers et autres throw-ups. Car c’est du graffiti qu’est née sa passion pour le diorama. Si l’univers du modèle réduit renvoie généralement au jeu et à l’enfance, pour Okyel il s’agit avant tout de reproduire l’environnement urbain pour mieux le vandaliser.

“J’ai commencé ce travail il y a trois ans. Plus jeune, j’observais mon père réaliser des maquettes de voitures, mais je n’avais pas sa patience. Aujourd’hui, je peux passer 500 ou 600 heures sur une pièce. C’est venu avec le temps, un peu par fainéantise d’aller peindre dehors. Je voulais créer mon propre support pour pouvoir faire des graffitis sans avoir à sortir de chez moi. L’idée était de recréer mon environnement urbain, car j’ai grandi à la ville et pour dire la vérité, la campagne m’angoisse. C’est dans la ville que j’ai découvert et pratiqué le graffiti, dans ses rues et ses bâtiments abandonnés. Tout un univers visuel à la fois architectural mais également constitué de matières et de matériaux sur lesquels les graffeurs portent un regard attentif. De fait, j’éprouve une sorte de fascination pour les bâtiments et leur usure.”

“La plupart de mes maquettes viennent de mon imagination. Je dessine les grandes lignes et j’avance au fur et à mesure, entrant progressivement dans les détails pour finir par les dégradations. C’est la partie qui m’intéresse le plus, c’est là où je prends le plus de plaisir car chaque maquette reste avant tout un support pour le graffiti. J’ai commencé avec la façade d’un hôtel, puis une usine désaffectée et petit à petit j’ai intégré divers éléments de mobilier urbain jusqu’à recréer le sol et le sous-sol de mes bâtiments, comme si un vaisseau extraterrestre était venu arracher un morceau de ville. Cette idée de fragment urbain en lévitation, c’est aussi une façon pour moi de me démarquer d’autres artistes qui réalisent des dioramas. Selon les maquettes, je varie les échelles. En ce moment, je me concentre sur des éléments urbains comme des boîtes aux lettres, des compteurs électriques ou des cabines téléphoniques isolées de leur contexte.”

“Mon travail consiste à récupérer divers matériaux et objets que je détourne de leur fonction. Les gouttières par exemple sont réalisées avec des pailles, fixées par la languette de sécurité des briquets. Les tuyaux de canalisation sont faits à partir de tubes de marqueurs… Je fais avec ce qui me tombe sous la main, c’est en voyant les objets que ça fait tilt. Il m’arrive d’utiliser des éléments tout faits que l’on trouve dans l’univers du diorama, notamment en ce qui concerne la végétation comme l’herbe ou la mousse. Mais tout le plaisir consiste à trouver soi-même des objets à détourner. Ensuite, il y a tout un travail de patine, de texture et de matière que je travaille au marqueur, à l’aérographe et à l’aide de divers outils dont certains sont créés pour l’occasion. Comme ces petits morceaux de bois que je taille pour faire les tags à différentes échelles. Au fil des années, j’affine ma technique et je trouve des solutions qui me permettent d’aller plus loin dans le détail, dans la précision des rendus afin de me rapprocher le plus possible de la réalité. Le but est qu’on ne puisse plus différencier la photo d’une de mes maquettes avec une photo prise dans la rue.”

Propos recueillis par Nicolas Gzeley

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