Les artistes russes hors frontière – musée du Montparnasse
C’est presqu’un manifeste, authentifié par le plus grand critique d’art des cinquante dernières années, Pierre Restany : « Les Russes nous font remonter le temps […], ils ont marqué les heures chaudes de Vavin et de Port-Royal pendant l’époque d’or de l’entre-deux-guerres.»
Marie Vassilieff nous offre donc un superbe Nu à l’atelier et d’emblée nous fait revivre son temps. Tout comme Léon Bakst, le décorateur des Ballets Russes avec un portrait tout en retenue du chorégraphe Leonide Massine. Un peu plus loin, Serge Ferat nous livre Une Charrette qui n’est pas sans rappeler la facture naïve du Douanier-Rousseau. Le personnage, avec sa cousine la baronne d’Ottigen (François Angiboult en peinture), a offert à Guillaume Apollinaire ses premières responsabilités avec Les Soirées de Paris, revue tendant à structurer le creuset artistique de l’Avant-Quatorze.
Cette ambiance, Elie Anatole Pavil la restitue dans Au Cabaret. Ce néo-impressionniste, installé à Paris depuis 1892, connaît les atmosphères enfumées, comme Kiesling, dans un Nu allongé aux galbes parfaits, reflète l’Ecole de Paris, triomphante aux cafés du Dôme ou de La Coupole.
Un autre nu, celui de Georges Annenkov est une épure avec un trait flexible et sensuel qui hésite entre Dufy et Pascin. C’est du très grand art. Comme, typiquement russe, ce Nouveau Jérusalem de Lentoulov – avec sa forêt de bulbes et de clochetons qui cette fois nous ramène à Chagall – ou cette Troïka de Gontcharova, fracturée et reconstruite dans un hiver façon Ballets Russes.
Mais la nostalgie de la terre et de la tradition qui habite tout Russe Blanc – par définition un exilé – s’efface devant l’art en mouvement. Donc devant l’abstraction lyrique d’André Lanskoy dans une superbe composition qui voisine avec Sonia Delaunay. Cette avant-garde, illustrée par Popova, ne peut faire oublier Léopold Survage dans un “Coucher de soleil” que n’aurait pas renié Max Ernst ou Picasso.
Cette exposition doit être vue car elle est unique dans sa variété. Jean Digne, responsable du musée, a souhaité que Vladimir et André Hofmann nous guident dans ce parcours en signant un catalogue exhaustif.
Pierre Bréant
Les artistes russes hors frontière
Jusqu’au 31 octobre 2010
Tous les jours, sauf lundi, de 12h30 à 19h
Plein tarif : 6 euros
Tarif réduit : 5 euros (étudiants, enseignants, seniors, – 18 ans, carte chômage, Amis du Louvre, Maison des Artistes)
Musée du Montparnasse
21, avenue du Maine
75014 Paris
M° Montparnasse-Bienvenue
Articles liés
“Riding on a cloud” un récit émouvant à La Commune
A dix-sept ans, Yasser, le frère de Rabih Mroué, subit une blessure qui le contraint à réapprendre à parler. C’est lui qui nous fait face sur scène. Ce questionnement de la représentation et des limites entre fiction et documentaire...
“Des maquereaux pour la sirène” au théâtre La Croisée des Chemins
Victor l’a quittée. Ils vivaient une histoire d’amour fusionnelle depuis deux ans. Ce n’était pas toujours très beau, c’était parfois violent, mais elle était sûre d’une chose, il ne la quitterait jamais. Elle transformait chaque nouvelle marque qu’il infligeait...
La Croisée des Chemins dévoile le spectacle musical “Et les femmes poètes ?”
Raconter la vie d’une femme dans sa poésie propre, de l’enfance à l’âge adulte. En découvrir la trame, en dérouler le fil. Les mains féminines ont beaucoup tissé, brodé, cousu mais elles ont aussi écrit ! Alors, place à leurs...